C'était hier où il fut poète -6-

ecriteuse

A mon père

A force de penser, de mal respirer, de mal accepter ce départ en solitaire, d'essayer  de comprendre cette ex- famille, t'en viens à te demander si  l'indifférence n'est pas pire que la haine, si elle n'est pas plus méprisable, plus lâche.  Il y a des sourires affables, si lisses derrière ses cœur secs, que tu peux t'y méprendre et confondre le paraître avec l'être. Tu te surprends à lever les yeux au ciel  pour lui parler « Protège moi des tiens, de leur rien » et puis tu râles, tu râles parce que les mauvaises habitudes reviennent très vite et qui si ton père ta surnommé -Fille de la tempête- ce n'est pas pour rien . « Impossible Ppa…d'où viennent ces  gènes défaillants ? »Toi, t'a une petite idée sur cet atavisme, mais tu dis rien parce qu'il est devenu un Papa-Ange et qu'il n' aime plus les gros mots. Et puis tu réalises que si il n'y avait que des gens bien, ça se saurait et que le monde tournerait bien plus rond. Une amie te fera remarquer que dans ton ex famille, il y a un politique avec des responsabilités, donc une certaine droiture, une certaine humanité, il sert des mains, visite les maisons de retraite, parle d'action sociale. Si tu n'étais pas si triste tu pourrais en rire et tu lui expliques, il suffit d'apprendre quelques codes de communication, de dire aux gens ce qu'ils ont envies d'entendre pour « paraître », de coller sur ta bouche qui ment un de ces sourires de représentant en chaussettes et le tour est joué.

A toi la grande vie, les privilèges, le piège - que si tu tombes dedans - t'en sort transformé en machine à sous. Au regard de tous il dira qu'il protège les intérêts de sa mère, protéger de quoi ? Il se cachera derrière Monsieur le notaire et son langage de défunt pour se dédouaner de toute cruauté.

Tu penses à la photo de ta grand-mère restée dans le bureau de ton père, une grand-mère dont tout le monde ce fou, une inconnue pour ce bataillon d'ex, elle te manque la photo, elle te manque ta grand-mère, il te manque ton père.

 

Ce fut le siècle du rouge et des ecchymoses
Des pantins d'argent aux ficelles de papier
Ce fut le siècle du pain noir et du rire d'acier
Les cent années sans hirondelles
L'ère du linge qu'on lave sur le tapis vert
Des pommes de terre frites des berlingots et des poubelles
L'ère des mille cris des jours sans regards
Du soleil atone des fleurs précoces
Du poète noir et de l'homme des batailles
Mais dérision le train est enrayé
Au ravin la fumée dans le ciel des wagons
Mille têtes dans les nues et Dieu ne sourit pas
Tambours guerriers
Cornemuses de la paix
Hauts sommets
Champs de boue
La mer passera il n'en restera rien

Roger Frey

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