C'était hier où il fut poète -7-

ecriteuse

Tu te souviens de ses doutes sur son talent d'écrivain, sur ses choix et sa conclusion « Je n'avais sans doute pas le feu sacré … » La phrase prononcée par ta mère qui l'a longtemps soutenu dans son travail d'écriture, il s'en souviendra longtemps « J'ai épousé un poète, je termine avec un journaliste … » Les petits soldats de son écriture, ce petit bataillon du mot est parti, trop tôt, la petite sœur de ton père avec laquelle tu remettais son premier manuscrit en ordre pour le publier, partie... Ils ce sont trop vite envolés de sa vie, ceux qui croyaient en ses mots. Certains s'en sont amusés de cette écriture journalière et pourtant nécessaire, d'autres l'auront ignorée, un monde loin, très loin, trop loin de ses pensées intérieures pour l'encourager, le péblisciter, -Il est mort le poète- Toi, tu sais que non, et tu feras en sorte qu'il vive encore et encore. Ton père a fait de son jardin d'écriture, une île de solitude. En vieillissant, sa confiance, son assurance ce sont dissoutes dans un puits d'ennuie. Il a souffert de sa vieillesse jusqu'à l'humilité et tu as vu ton père si fort, abdiquer. Ton père vieillissant devenait fragile, dépendant et honteux de ses années en trop, il s'acquittait de certaines tâches ménagère pour rassurer les siens de son utilité. Et repartait vite, très vite dans son jardin pour poser silencieusement son regard, son monde intérieur sur l'horizon bleu de sa méditerranée.

A chaque aube

Quand tu t'endors, le sais tu, une nouvelle vie commence. Sous le soleil tonitruant de tes extravagances enfouies, tu redeviens la poussière d'étoiles que tu n'aurais du cessé d'être. Sous le ballet de vents fous qui soufflent de ça de là, sans rime de raison sinon celle d'exister et de le faire savoir, s'agitent les personnages improbables nés de tes fantasmes et de quelques rêves que tu pensais perdus mais qui croyaient toujours en tes promesses. Des personnages parfois de feu , d'eau vive et de terre mêlés, parfois translucides, fantomatiques, qui dansent, vivent et meurent, s'aiment, enfantent et s'entretuent avec une allégresse qui te laissera au bout de la nuit avec trop souvent un goût d'inachevé. A la vérité, le sais tu, à chaque aube tu meurs. Roger Frey


Signaler ce texte