Chaos - Chapitre 3

Mylène Marle

Voilà le 3e chapitre ! Je n'ai pas le temps d'en poster plus pour l'instant, mais la suite est dispo sur mon site dll.serige.com, alors n'hésitez pas à y jeter un coup d'oeil !

Très loin de la vie simple et chaleureuse de Kaez, Eidolon espionnait les scientifiques rassemblés par son père. Celui-ci venait d'ailleurs d'arriver, ce qui annonçait que les choses allaient prendre une tournure très intéressante.

Eidolon habitait depuis sa plus tendre enfance dans la forteresse de d'Akel Soll, le Conquérant déchu, redoutable tyran vivant désormais clandestinement à la lisière des terres civilisées, arriviste notoire qui nouait alliance sur alliance dans l'espoir de voler le pouvoir à l'actuel roi. Akel Soll, son cher père.

Un homme dur et cruel, en somme. Eidolon n'avait jamais reçu beaucoup d'affection de sa part, mais son statut de fils avait fait de lui un vrai prince parmi la société secrète. Pour tout dire, il en avait toujours profité au maximum, maltraitant sans pitié les serviteurs, saccageant impunément la forteresse, injuriant ceux qui avaient le malheur de lui adresser la parole.

Les gens le voyaient comme un sale gamin gâté, dépourvu de la moindre dignité et plus retors qu'un serpent.

Et Eidolon leur donnait raison et s'en sentait même très fier. De toute façon, personne ne trouvait grâce à ses yeux. Du haut de ses dix-sept ans, il méprisait ses amis tous intéressés, la forteresse toujours froide et noire, les domestiques qui volaient et se mettaient mutuellement des bâtons dans les roues.

Mais s'il détestait bien quelqu'un, c'était son père qui le tenait à l'écart des affaires, comme s'il n'était encore qu'un enfant stupide. Alors il avait pris l'habitude de l'espionner.

Ce qui se passait ce jour-là lui semblait particulièrement intéressant. Le mois dernier, son père était entré en possession d'un mystérieux objet, qu'Eidolon lui-même n'avait jamais vu. Mais, la veille, il était enfin parvenu à découvrir le laboratoire où les scientifiques l'examinaient. L'endroit était encombré de tout un fourbi de machines tarabiscotées, ultimes reliques de l'ancienne technologie de pointe. Des générateurs produisaient un ronflement sourd et des compteurs affichaient des chiffres tremblotants.

Eidolon n'y connaissait rien, car le reste de la forteresse se rapprochait plus du Moyen Âge que de l'époque d'avant les Ravages. Par ailleurs, son père n'avait pris aucune mesure concernant son éducation. Pourtant, tout ignorant qu'il était, il pouvait voir que l'objet était en centre de la pièce, posé à l'intérieur d'une machine aux vitres épaisses. On aurait dit une sorte de long bras terminé par cinq griffes recourbées.

D'où il était – dans une étroite bouche de ventilation, au plafond – il voyait parfaitement son père parler avec les scientifiques. Pour une fois, ce fourbe de Jejen n'était pas avec lui. Eidolon détestait le conseiller de son père et était fort content qu'il soit absent.

- Monsieur, disait l'un des savants, nous avons beaucoup appris sur cette... chose... mais nous manquons trop d'informations de départ. Nous avons fait tout ce que nous pouvions. Si vous nous expliquiez où vous avez trouvé cet objet... ou à qui il appartenait avant...

Akel Soll lui adressa un regard sévère qui le fit taire aussitôt. Le Conquérant avait pour réputation de frapper ses subordonnés s'ils lui déplaisaient. Du coup, les gens lui obéissaient sans discuter. Eidolon avait beau détester son père, il lui enviait cette capacité.

- Vous disposez de toutes les informations nécessaires, répliqua Akel Soll. J'ai ramené cet objet des contrées du nord, près de la Mer Sans Fond. Il appartenait à notre allié Zénei, le Collectionneur. Un bateau s'est échoué avec ça à son bord.

Connaissant son père, Eidolon se dit qu'il n'avait pas dû demander son avis à ce Zénei. Il rit à cette idée.

- L'expérience est prête à commencer ? fit Akel.

- Monsieur, répondit le savant, je ne vous cache pas que c'est dangereux. Pour le moment, nous n'en savons pas assez sur...

Le regard d'Akel devint acéré et un sourire mauvais se dessina sur ses lèvres.

- Pas assez ? répéta-t-il. Eh bien, dites-moi ce que vous avez découvert, nous jugerons ensemble si ce n'est pas assez.

Son ton était doucereux. Le savant balbutia, puis parvint à murmurer :

- Cet... cet objet date de l'époque des Ravages. Il a été créé de façon artisanale mais avec une précision peu commune. Il... il est creux à l'intérieur et s'ouvre sur le côté... on pourrait sans doute y passer le bras si on osait prendre le risque.

- Bien. Continuez, je vous en prie.

- Quant à sa fonction... vous savez comme moi que l'univers est composé de divers éléments, mais que l'être humain ne peut pas tous les voir.

Akel hocha la tête.

- Vous savez aussi que l'homme a évolué physiquement depuis les Ravages et que certains peuvent amplifier leur vue... ou leur ouïe par exemple.

Tout le monde savait cela. Eidolon lui-même pouvait augmenter son odorat, ce qui faisait de lui un Renifleur, comme on disait communément. Les gens étaient ainsi, désormais : chacun avait un sens particulier qu'ils pouvaient amplifier, au détriment des autres perceptions. C'était venu avec les Ravages, on ne savait pas pourquoi. Depuis lors, il y avait toujours eu des Observateurs, des Renifleurs, des Goûteurs, des Oreilleux et des Tactiles.

- Nous pouvons désormais percevoir certains de ces éléments, poursuivit le scientifique, qui jusque là nous étaient inaccessibles. Or cet objet a le pouvoir de les amener au niveau de tous ! Il traverse les différentes dimensions pour saisir un élément et l'attire dans notre réalité, là où chacun peut le distinguer ou le toucher. C'est une découverte incroyable ! Mais Monsieur, vous comprenez bien, nous avons déduit cela de façon théorique. Jamais nous n'avons nous-mêmes utilisé les pouvoirs de cet objet ! L'expérience que vous nous demandez, sans que nous ayons eu le temps de...

- C'est le temps, qui vous préoccupe ? l'interrogea Akel avec un sourire faux.

Le savant se tut, mais l'un de ses collègues eut la mauvaise idée de hocher la tête.

- Eh bien, dit le père d'Eidolon, si ce n'est que cela, il paraît que les morts ont beaucoup de temps. Le problème serait résolu si je vous tuais immédiatement. Cette solution vous convient-elle ?

Un silence terrifié accueillit ses paroles. Le savant qui se plaignait fit signe que non, le visage d'une pâleur effarante.

- Alors mettez-moi cette machine en marche ! ordonna Akel.

Le scientifique obéit avec un mouvement de terreur, puis un air de résignation passa sur son visage quand il posa la main sur un levier.

Il l'abaissa.

La machine émit des crachotements. D'abord, ce fut tout, puis des étincelles fusèrent entre les parois de verre. Une fissure apparut sur l'une d'elles, avant de courir sur les quatre vitres en les couvrant d'un réseau de zébrures.

Quand des éclairs les traversèrent, le savant fut le premier touché. Ensuite, des décharges d'électricité envahirent le laboratoire, si lumineuses qu'Eidolon n'en distingua plus rien.

- Père ! cria-t-il avant que la chaleur le force à reculer.

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