Chapitre 1
Sergueï Bonal
1
De nos jours, Londres, mois de décembre.
Après un an de travail, Daniel Young sort son nouveau roman : «La mort a un goût de passion».
Cette phrase, je peux la relire inlassablement. Je ne suis pas de ceux qui s'auto-congratulent, mais je suis fier du roman que je viens de pondre. Depuis la sortie de mon premier roman, je n'ai plus de vie privée ! C'est pour cette raison que je pars à Livingston près d'Edimbourg pour écrire en paix.
Camilla et moi vivons loin du tumulte de la capitale, loin des caméras. Je peux passer des semaines enfermé sans voir personne, sans téléphone ni internet. Les journalistes cherchent à savoir comment je fais pour vivre ainsi, retranché du monde.
Cette pratique des plus incongrues, je la dois à mon ancien professeur de littérature en fac de lettres. Monsieur Edgar Laufty, pour corriger ses copies ou pour rédiger ses mémoires, s'enfermait durant des heures dans une cabane dans son jardin. Il disait trouver l'inspiration entre les murs en bois. Sans lui, je crois que je serais un individu lambda employé dans un café comme serveur. Laufty m'a transmis l'amour de l'écriture. Je lui dois, sans l'ombre d'un doute, tous mes succès.
Avant l'ouverture de la librairie, je repense au passé, à mes écrits antérieurs. C'est incroyable comme ma vie a brutalement changé. À peine mon dernier roman édité, je me plonge à nouveau dans un autre. En faisant rétrospectivement le tour des six dernières années, je m'aperçois que je n'ai rien fait d'autre qu'écrire.
Mon agent, Marcus Bran m'informe sur l'avancement des préparatifs de la journée pour «l'avant-première» de la sortie de mon roman. Marcus et moi nous sommes connus lors d'une manifestation littéraire. Il y a six ans, je ne connaissais ni le monde de l'édition ni la célébrité. Puis, entre deux conférences, nous avons partagé nos goûts littéraires. Un mois plus tard, je lui ai proposé timidement de lire mon ouvrage. Contre toute attente, Marcus m'a appelé.
– Bonjour, Dan, j'ai lu votre manuscrit et je me demandais si vous seriez disponible pour en parler.
– Quand vous voulez Monsieur Bran ! Que pensez-vous de mon texte? Ne prenez pas de gants ! dis-je mort d'inquiétude.
– Je pense qu'il est temps de le faire éditer !
Stupéfait par la réponse, je me suis mis à sauter de joie dans mon salon. Sous le choc, je n'arrivais pas à parler.
– C'est… C'est incroyable ! J'en suis très heureux.
– C'est un des meilleurs romans que j'aie lu depuis des années ! Vous êtes un maître du genre !
C'est ainsi que, six ans plus tard, je me retrouve assis dans un immense fauteuil de cuir à attendre mes fans pour signer des autographes et prendre des photos.
– Comment te sens-tu, Dan ? Tes fans attendent ton sixième roman ! Ne stresse pas, tout va bien se passer.
– Je le sais bien Marcus, mais tu me connais, c'est dans ma nature de douter. J'ai peur que le public ne soit pas séduit par le livre.
– Tu aimes ce que tu as écrit ? s'enquiert Marcus en souriant tout en me montrant un exemplaire du roman.
– Oui, sinon je ne l'aurais jamais publié !
– Alors ils vont aimer aussi ! affirme Marcus de manière péremptoire.
Marcus a un fort tempérament, il ne pèse jamais ses mots. Sans doute ses gènes irlandais qui ressortent ! Il doit faire au grand maximum un mètre soixante. Et pourtant, il s'impose en obtenant le respect de tous. Il dégage du charisme et du charme ainsi qu'une joie de vivre communicative.
Il se lève et dit d'une voix tonitruante :
– Les amis, tout est prêt ? Mon auteur préféré s'inquiète quant au bon déroulement de la journée.
La directrice de la librairie arrive devant nous.
– Monsieur Young tout est prêt, les exemplaires sont là, le personnel est à disposition et les journalistes vont arriver. Il ne reste plus que vos fans ! À partir de maintenant ce n'est que du bonheur, Monsieur.
– Merci Madame ! Que ferions-nous sans vous ?
– Un aussi jeune et talentueux écrivain mérite d'être choyé. Chez nous les clients sont rois, nous faisons tout pour les satisfaire. Votre envie devient notre préoccupation.
Tout en regardant le mur du fond. Elle montre la phrase écrite en gras :
Votre envie devient notre préoccupation !
Environ toutes les deux minutes, je regarde l'immense horloge murale. Les secondes courent sur le cadran blanc, mon cœur tambourine. Mon front s'humecte de sueur, le stress se mêle à la chaleur étouffante. Marcus prévient toute l'équipe de l'ouverture imminente des portes. Des centaines de personnes vont m'écouter lire des extraits du livre. Depuis tout ce temps, je devrais avoir l'habitude ! Hélas, je suis incapable de lire en public. Mais pour mes fans, je me sens prêt à affronter ma peur !
Camilla ma future femme attend dans un fauteuil. Elle m'accompagne à chaque événement pour me soutenir.
– Il est l'heure d'ouvrir ! hurle un des organisateurs.
La directrice ouvre les portes. Des centaines de personnes se bousculent en hurlant de joie. J'ai l'impression d'être dans un stade de rugby. Marcus me susurre en souriant :
– Entendre les hurlements des fans : la joie des auteurs.
À la fin de cette journée harassante, je vais boire un thé pour me détendre non loin de la librairie. Je fais brièvement le résumé de la journée. Les heures passent, je profite de ma liberté jusqu'à ce que le téléphone m'ordonne de répondre.
– Daniel Young, j'écoute !
– Bonsoir, Monsieur Young, je suis Ralph Rupertz. Je voudrais m'entretenir avec vous pour vous commander un roman.
Surpris, je me redresse sur le sofa.
– Monsieur Rupertz, je suis actuellement sur la promotion de mon sixième roman. Je ne sais quand je serai libre.
– Comptez-vous passer par Edimbourg pour cette promotion de livre ? s'enquiert Ralph Rupertz.
– En effet, mais je ne sais pas si j'aurai du temps !
– Parfait, alors nous nous verrons à Edimbourg ! Vous serez grassement rémunéré !
Il raccroche sans rien dire de plus. Je reste dans le sofa hébété par ce que je viens d'entendre.
Une telle proposition mérite qu'on y réfléchisse…
Merci pour votre soutien =)
· Il y a presque 9 ans ·Sergueï Bonal
une telle proposition mérite une suite ;)
· Il y a presque 9 ans ·rainette