Chapitre 4. (1ere partie)

sisyphe

- Enfants du seigneur, mes brebis égarées, revenez à moi, buvez en mon sein la source de vie! Enfants du seigneur, mes enfants...-

Putain, je ne rêvais pas...Ça venait bien d'en bas de la fenêtre, je réalisais à peine ou j'étais, une fois les vapes de mon coma dissipées. C'était une tout petite fenêtre, presque comme une meurtrière qui donnait sur la cour de l'endroit où j'étais fais. Dans la cellule, deux lits, un plafond pourri, des murs recouverts de lambeaux de papier peint blanc dont l'éclat de pureté était bien jaunit. Je me suis extirpé du plumard métallique qui cliquetais de toutes ses lattes à chaque mouvement. Il m'en parvenait en flots depuis l'extérieur, des mots...des phrases...toutes plus incohérentes les unes que les autres. J'ai bien regardé, j'avais pas de barreaux, ça ressemblait pas à une prison de ce côté là. Mais la vie, c'est bien souvent de la servitude, même quand les barreaux sont pas visibles. Alors je me méfiais. Tout ça n'étais que trop inquiétant. Ça secouait ma curiosité de l'hibernation où elle était restée. Dans un coin, vers l'autre pieu, une vieille tranche de lard moisissait, dénudée, dans un quignon de pain à moitié grignoté. Ça avait l'air encore frais mais j'avais pas envie d'attendre que le propriétaire revienne et s'attaque à son cadavre. Je voulais sortir et comprendre. Après avoir vaincu la poignée de porte, j' errais dans le dédale de couloirs insalubres. L'établissement suintait de tous les ports de sa misérable peau. Au fur et à mesure que je m'y enfonçais, j'entendais plus que les goutte à goutte de mes pas sur le sol carrelé et sale. Je faisais craintivement mon ascension dans des profondeurs encore plus glauques et puis, la lumière parvint enfin. Tout ça finissait par déboucher sur une porte ouverte d'où s'engouffraient, poussés par le vent, des cris, des bribes, des grains de sables et puis tout ce que le dehors pouvait m'apporter en somme. Comme une invitation ou une provocation, tout ça se déposait à mes pieds qui finirent par être recouverts de sable. Alors je mis en action mes arpions poussiéreux, direction le bout du tunnel.

Je venais d’amerrir dans un bourbier incroyable. Vu d'en haut, on devait nous deviner comme une minuscule flaque où s'épanouissaient une myriade de fourmis encadrées par leurs mères supérieures en blouse blanche. Ahurit, l'idée faisait son bout de chemin dans mon cerveau sinueux. Je saisissais peu à peu où je pouvais être. Je marquais mes premiers pas dans la cour dont le sable immortalisait mes empreintes comme le ciment des allées fameuses, loin, loin, très loin d'ici. A des centaines de pays à vol d'oiseau. Ça aussi...Incroyable! Seulement ici, je présumais que c'était bien funeste d'immortaliser quoi que ce soit. Après quelque mètres à peine, les pensionnaires m'avaient remarqué et braquaient sur moi leurs yeux ébahis. J'étais le nouveau dans la cour de récréation. Restait à savoir qui allait bien vouloir m'inviter à jouer au football en premier. De qui j'allais être la cible préférée jusqu'au prochain arrivage? Parce que j'avais beau être arrivé il y a peu, j'avais bien saisis comment tout ça marchais. Au final, c'était partout pareil, c'était bien comme à l'école. Les maîtres alors, portaient les robes noires et pas les blouses blanches, mais qu'importe. Partout on avait eu de l'uniforme et pas le beau, fallait pas croire! Ce que je pouvais en avoir de souvenirs moi de cette belle époque. Autant que j'avais de billes dans mes poches quand j'y jouais encore, quand je truandais les petits camarades dans la cour. Ici bas, tout se paye, faut juste savoir qu'elle est la monnaie. A l'époque, c'était les billes, là je me demandais. Ça promettait comme épopée si c'était pareil au bahut. J'allais en baver, en suinter des brimades de partout, des bleus aux genoux, aux bras, la nuque, les joues partout où c'était possible. La mosaïque de la douleur, voilà tout ce que j'étais dans le saint empire des écoles. Sale institution. En y regardant, je pouvais pas en vouloir aux mômes de s'être défoulés. C'est que Bertignasse il était pas beau Maître! Et puis il avait le nez qui fuyait et sa morve qui s'en enfuyait! Et puis il se défendait pas, on allait pas se gêner Maître! Inattaquables, ça, pas à dire, c'était de la justification. En règles et tout. Ils avaient eu bien raison ces petits saints, approuvés par la haute autorité hiérarchique.

C'était quand même bien silencieux comme cour d'école. Et puis, ça s'est remis à faire du bruit, naturellement. La ruche s'est remise à bourdonner, le bourdonnement différent de celui du dehors, un peu moins typé, un peu moins train train quotidien. Si on y distinguait de la conversation, ça portait jamais sur l'économie ou la guerre. J'avais à faire avec des paisibles qui ruminaient des dames, des échecs ou de la belote, à longueur de temps. Du troisième âge avant l'heure. Contre tout ce à quoi je m'attendais, j'étais accepté. Enfin, l’assistance ne me désavouait pas. Ça n'avais jamais été mon fort de rompre le barrage de la timidité, j'avais jamais eu le flot débordant de l'amitié. Un foutu fleuve que j'avais jamais été fichu de trouver dans mon Amazonie pleine de conneries de relations. Mais ça devenait trop facile, j'avais besoin de ne rien faire, un des types s'avançait vers moi, démarche hésitante et plus il s'approchait, plus je devinais le sourire qui lui fendait la tronche de parts en parts.

  • Un réveil qui sonne le troupeau d'âme pénitent, au cloitre de la sainte violence... Je trouve la seconde page très réussie, la première sûrement précipitée parce que ton talent n'est plus à démontrer !

    · Il y a presque 13 ans ·
     14i3722 orig

    leo

  • Ben heureusement que je passe, je n'avais pas été notifié de tes textes ! Je repasserais les lire ultèrieurement, posément, comme il se mérite ! A plus tard !

    · Il y a presque 13 ans ·
     14i3722 orig

    leo

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