Chapitre 4 : Doux Souvenir

Il faisait beau ce jour là. Maman préparait minutieusement à manger. Je pouvais sentir l'odeur de de la viande épicée monter jus qu' à moi. 

Je savais qu'en ce beau dimanche, j'allais pouvoir me laisser aller en jouant à la balançoire dans notre grand jardin en fleurs, pouvoir savourer le Haggis* qui se présenterai devant moi; après manger je monterai sûrement dans ma chambre pour brosser ma longue chevelure brune, me maquillerai en contemplant avec fierté mon reflet dans le miroir, j'enfilerai les beaux vêtements de ma mère et défilerai devant elle, elle rirai j'en suis certaine et je serai heureuse.

Malgré sa surprotection intense, Edith m'apportait beaucoup et c'est dans ce petit cocon que j'allais pouvoir m'épanouir. Enfin c'est ce que je croyais.

L'odeur envahissait maintenant toute ma bouche. Je salivais puis visualisais la viande entrer dans mon gosier. Je pouvais maintenant goûter, avec imagination, le succulent plat écossais.

Je descendis de ma balançoire et me mis à danser de bonheur. Mon corps si petit ne pouvais pas merveilleusement bien s'activer mais bon ! Ma solution était de tournoyer sur moi même et je trouvais ça amusant! Quand on a six ans on rigole pour tout et rien mais on est en paix.

Je me dirigeais vers le cerisier en fleur, à quelques pas. Je le serrai contre moi et écoutai tout son être s'activer. J'entendais la sève se promener de haut en bas sous l'écorce de ce bel arbre japonais. Ma mère l'avait fait planter là le jour de ma naissance et , quand je n'étais qu'un bébé, venait s'y recueillir pour me chanter des chansons , à l'ombre d'un soleil d'été. Je m'y étais vraiment attachée, à cet arbre. J'arrachai une feuille, la porta vers mon nez et révélation! Ça sentais tellement bon que je m'étendis ,la, au creux des racines pour rêver. Rêver était mon deuxième passe temps favoris.

Je m'amusais à m'imaginer adulte, comme maman. Comment je serai ? Quel métier j'exercerai? Est ce que je serai aussi heureuse que maintenant? Rencontrerai je le grand amour?

Moi je savais ce que je voulais faire: être danseuse dans un grand ballet.

" Chérie c'est prêt on mange!" appela ma mère.

Je m'affaissai alors à ma place habituelle, autour de la grande table en plastique du jardin. Ma mère avait tout prévu ,comme à chaque fois, pour ne pas qu'on meure de faim! Plusieurs assiettes de différentes tailles s'étendaient sur la table. Il yen avait pour les salades ( tomates, mais, mâche ; tomates, mozzarella, asperges; charcuterie) pour le plat, le haggis, qui était le plus gros et pour le fromage , panna cotta et tiramisu. Elle réussissais tellement bien les desserts! Ma mère est d'origine Italienne, donc pas de raison que l'on mange mal. 

A table, on ne parlait jamais c'est le moment de prédilection. Ma mère disait qu'il est important de savourer et de ne pas parler, par peur de mal digérer. Nous, on ne faisais pas de chichi on mangeais dans l'ordre qu'on veut et on pouvais mélangeais les plats. Ma mère pouvait m'autoriser même à picorer dans les assiettes avec les doigts.

Je la regardais manger et recueillir avec sa fourchette les asperges dans son plat. Je l'admirais ma mère. Elle était tellement bonne avec moi! Cependant, je remarquais qu'elle n'était pas dans son état normal. Elle osait à peine toucher au haggis. Elle effleurait la viande de manière pensive et triste.

Elle tourna lentement sa tête vers moi, se sentant observée, et me sourit 

" Ça va ma chérie?" j'acquiesçai d'un mouvement furtif de la tête. C'est plutôt à elle qui fallait le demander. Son visage était devenue pale. Mais qu'est ce qu'elle avait? 

D'un coup une quinte de toux sortie de sa bouche, elle prit un mouchoir pour me protéger de ses microbes et en un instant déversa une flotte de sang dans son assiette. Je restai choquée.