chapitre 9

Sergueï Bonal

Onze heures du soir, poste de police

 

Stewart est en heures supplémentaires, il fixe inlassablement sur l'immense tableau blanc, une photo, celle de Nancy. Au-dessous, un cliché du collège et rien d'autre. Durant des heures, Stewart fixe le néant en espérant trouver des réponses à ses questions.

– Nancy, tu as disparu en pleine rue, en plein jour ! Où es-tu ? Pourquoi es-tu partie avec cet inconnu ? dit-il avec lassitude.

Jacob, prêt à sortir, le regarde avec compassion, manteau à la main.

– Stew, je peux rester si tu veux pour t'aider.

– Ne t'inquiète pas pour moi, rentre chez toi, repose toi. Demain sera une longue journée ! répond Stewart la mine basse.

Jacob referme la porte et Stew est totalement seul avec ses idées noires. Déterminé à résoudre cette enquête, il note tout ce qui lui passe par la tête.

  Enlèvement pour l'argent ?  Enlèvement par vengeance ?  Enlèvement par pure folie ?  Si Nancy est montée dans la voiture, elle doit connaître son ravisseur. Ou du moins, elle l'a déjà vu ! Elle était en confiance. Comment une jeune fille méfiante et réfléchie comme Nancy a-t-elle pu monter dans la voiture d'un inconnu ? Il peut être un proche de la famille, ami, parent, voisin…

Sans réfléchir, il compose le numéro de madame Kroutz sans penser au fait qu'elle pourrait dormir à une heure pareille.

– Madame Kroutz ? C'est l'agent Young chargé de la disparition de votre fille. Pardonnez-moi d'appeler aussi tard, mais je voulais vous demander : avez-vous des personnes dans votre entourage avec des antécédents douteux ? N'importe quoi, tout peut nous être utile !

– Je ne sais pas, nous sommes tous avocats ! Nous ne transgressons pas les lois ! Pour ce qui est des amis,je les vois malnous faire une telle chose.

– Madame, il arrive parfois que nos proches nous cachent des choses. Toutes informations sont bonnes à prendre. Vous n'avez pas des amis étranges ? Un proche n'a pas eu des propos déplacés, douteux ou un comportement suspect durant ces derniers mois ?

– C'est tellement flou dans ma tête. Je me souviens d'un collègue, il avait fait une remarque sur la fille de son frère. Il disait qu'il voudrait l'échanger contre son fils, car il est affreux avec lui. Il a rajouté qu'elle est adorable, à croquer, mais il n'y a rien de déplacé ! Tout le monde dit ce genre de chose !

– Madame à ce stade, rien n'est anodin, tout compte ! Il le disait sur un ton envieux, d'une voix étrange ? Vous souvenez-vous de son regard ?

Madame Kroutz ne répond pas, elle laisse tomber le téléphone. Stewart entend un grand bruit sourd.

– Madame Kroutz, Madame Kroutz, répondez-moi. Que se passe-t-il ?

Aucune réponse, Stewart monte dans sa voiture et fonce jusqu'à la maison des Kroutz.

Quelques minutes plus tard, laissant tourner le moteur il fonce dans la maison. Madame Kroutz est allongée sur le sol, inconsciente, près de la table basse.

– Madame Kroutz !

Au même moment, son mari rentre de voyage d'affaires, il se précipite vers sa femme. Stewart lui fait signe de rester en retrait et d'appeler les urgences. Pendant ce temps il tente de la ranimer.

– Madame Kroutz, vous m'entendez ? Répondez-moi ! C'est l'agent Young !

– J'étais au téléphone avec votre femme quand j'ai entendu un bruit sourd et je suis venu vérifier si tout allait bien. Mon équipe va tout faire pour retrouver votre fille ! Nous traquons les preuves et les indices, nous n'écartons aucune piste. Vous serez prévenus à chaque étape !

– Est-elle en vie ? demande le père affolé.

– Nous ne savons pas, Monsieur ! Si nous avons des informations, vous le saurez. Comme je l'aidemandéà votre femme, connaissez-vous des personnes ayant eu des comportements étranges ces derniers mois ?

Monsieur Kroutz dans ses pensées, tente de se souvenir. Il regarde Stewart avec un regard vide et anéanti.

– Je ne sais pas.

– Même les détails les plus insignifiants comptent.

Les secours arrivent en courant dans le salon, Madame Kroutz se relève péniblement. Un des urgentistes l'attrape par l'épaule et l'emmène sur le sofa pour l'examiner. Stewart prend monsieur Kroutz à part.

– Monsieur, que pouvez-vous me dire sur votre fille ?

– Elle est douce et prudente ! Cela m'étonne, elle n'est pas du genre à partir avec un inconnu. Elle a dû être entraînée de force. Il n'y a pas d'autre explication !

– Des voisins ? demande Stewart en attendant de noter.

– Je ne crois pas, nous nous entendons bien avec le voisinage. Qui plus est, nous sommes discrets, beaucoup ignorent que nous sommes là ! Le quartier est en majeure partie habité par la famille Rupertz. Ils ne s'intéressent pas à la vie des autres ! Nous ne sommes amis qu'avec Ralph Rupertz. Il vit dans la maison surplombant le quartier. Interrogez le voisinage si vous le voulez, mais peu d'entre eux vous répondront.

– Pourtant ils vont devoir le faire ! Nous sommes en pleine enquête sur un enlèvement, ils n'auront pas le choix.

Les heures passent, Stewart reste pour assister la famille et vérifier que tout va bien. Les médecins emmènent madame Kroutz à l'hôpital, le mari la rejoint. Stewart part faire un tour du quartier.

– Où es-tu Nancy ? Pourquoi t'avoir enlevée ?

Marchant dans l'obscurité, il tente de se persuader, il espère la retrouver à temps.

Dans une maison non loin de là, dans la cave humide, Nancy crie. Hélas, le double vitrage étouffe sa voix. Les heures passent et le moment de sa mort approche à grands pas… 

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