Chaque objet a une place.

Emma Berthelot Verhauven

Hugo est un étudiant vivant dans un quartier résidentiel qui économise pour s'acheter un drone. Voulant voir plus loin, il va se confronter aux lois et contraintes de l'aviation française.

Il est 22h30 et je rentre de ma dernière livraison, paye en poche. Je vais enfin pouvoir dépenser cet argent économisé durant plus d'une année, enchaînant cours à la fac d'économie et petits boulots.

Je serai bientôt dans ma rue et je pourrai enfin passer commande sur internet, avec un peu de chance et si je paie un supplément chronopost à 9.80€, le colis arrivera peut être dès demain chez moi.

J'en ai marre de ce quartier, de ces rues qui se ressemblent toutes : Rue de l'Hirondelle, Rue Desjardins, Rue Deschamps, Rue des Camélias...

Ce quartier résidentiel me dégoûte, aucun banc, aucun parc, aucun passant, juste une multiplication de maisons semblables. J'ai envie d'aller plus loin, de voir plus loin, la Cathédrale de Chartres, la Dune du Pila, les bords de Seine… La routine de la fac m'ennuie, les mêmes cours, les mêmes profs, les mêmes bâtiments.

J'arrive enfin devant ma maison, je me fais craquer les doigts. Je reste un moment à observer la maison, fumant une dernière cigarette avant de passer la porte. Forcement ; elle ressemble à toutes les autres. Un simple bloc rectangulaire semblable aux hôtels du Monopoly, couleur crème, une porte au centre bordée d'une fenêtre de chaque coté. Elle est comme posée là, sur une parcelle délimitée au millimètre près, afin que personne n'aie une surface plus grande que celle du voisin. La lumière de la cuisine est allumée, sûrement ma mère qui attend que je soisrentré pour se coucher, tous les soirs la même chose :

- « Bonsoir Hugo, alors ce service ? »


« Comme d'hab' ! »


« Très bien, alors bonne nuit mon chéri et à demain ! » 


« Bonne nuit maman.»

J'adore mes parents. Ils n'ont jamais été trop stricts, ni pas assez, ils m'ont donné ce qu'il fallait d'affection et d'attention mais je ne m'entends pas plus que cela avec eux. Je ne peux leur reprocher notre niveau de vie et notre classe sociale mais je dois reconnaître que je développe une certaine amertume par rapport à cela. Et puis ils ne sont pas très ouverts à la culture actuelle ; ils vivent plus ou moins dans le passé. Tous les matins, j'ai le droit à Nostalgie ou ChérieFM pour me réveiller, nous mangeons sur fond « d'Attention à la marche », « Questions pour un Champion » ou d'un téléfilm minable qui passe sur la 6.

Mes références musicales sont Mylène Farmer, Dalida et Richard Anthony, et pour le cinéma, pas question de discuter à ce propos, Louis de Funes est et restera le meilleur acteur de tout les temps.

Je balaie du regard cette cuisine simple, rectangulaire. Une table ronde, quatre chaises, dont une toujours vide, rideaux à la petite fenêtre au dessus du lavabo, plan de travail et meubles à l'anglaise (Ikea), et bien sûr, en face de la table, la télévision.

Je me dirige machinalement vers le frigo et prend un tupperware qui traîne au fond et le fais réchauffer au micro-ondes : bœuf en sauce et coquillettes. Encore une fois. Je termine mon repas, range la vaisselle dans l'évier, prends deux carrés de chocolat blanc et monte dans ma chambre.

J'aime bien cette chambre. Une pièce simple, rectangulaire, avec un lit une place, une armoire et un bureau, ainsi que deux petits velux qui donnent sur la rue. C'est la seule pièce dans laquelle mes parents ont fait refaire le papier-peint. Avoir la frise de Bécassine à 16 ans dans sa chambre n'était pas un avantage. Ils ont longuement hésité entre gris silex et gris soie, c'est finalement la facture qui les a fait trancher, la soie étant plus luxueuse. Je ne suis pas un maniaque de la propreté, plutôt du rangement, de l'organisation, j'aime à penser que si ma chambre est organisée, mon esprit le sera aussi. Chaque objet a donc une place et doit y être, malgré toutes les babioles que j'accumule.

Je dépose mon sac au pied du lit, enlève mes chaussures et me place devant mon

ordinateur sur mon bureau. J'ai déjà enregistré la page de cet objet qui sera bientôt le mien. Dix secondes de chargement, le temps de faire craquer mes doigts, et le voilà qui apparaît en photo devant moi, vidéos d'essai et commentaires de clients. Le Spyfly est un drone de 3,5kg, 4h d'autonomie, une portée de plus de 200km, une caméra de 4000 pixels et infrarouge, quatre hélices et un écran LCD pour la retransmission en temps réel pour seulement 899,90€ (avec lunettes panoramiques c'était 199,99€ de plus, trop chère pour moi). Le temps d'entrer mon nom, prénom, adresse et numéro de carte (sans oublier l'option chronopost pour l'avoir dès le lendemain) et voilà le payement effectué.

Je décide de fumer une dernière cigarette à ma fenêtre en pensant à ma dernière journée, enfermé dans cette chambre, ne pouvant voir plus loin qu'une réplique de ma maison.


« - Hugo ! Hugooo ? Attendez un petit instant monsieur, j'arrive tout de suite. » Ma mère m'extirpe de mon rêve, je l'entends monter précipitamment à l'étage et entrer dans ma chambre.


« Il y a un monsieur qui a un colis pour toi en bas, il faut que tu descendes signer le reçu. » Je la vois balayer ma chambre du regard, je déteste lorsqu'elle fait cela, puis elle enchaîne …


« Et c'est quoi ? C'est un gros paquet dis donc, tu as commandé quelque chose ? »


« Oui tu sais j'ai économisé ma paye de chez Pizza Tempo pour pouvoir m'acheter mon drone ! Celui dont je vous parle depuis 4 mois ! »


« Ah oui, ça me dit vaguement quelque chose, et c'est quoi déjà ? »


« Je te montrerai »


J'empoigne la rampe de l'escalier, dévale les marches trois à trois et me retrouve face au postier, je n'y prête même pas attention, je ne vois qu'une chose : le colis posé à ses pieds. C'est un gros cube en carton. A l'intérieur : mon drone.

Je souhaite faire les choses en bonne et due forme, je monte dans ma chambre, dépose le colis sur le lit et m'accorde un peu de temps. Aujourd'hui c'est le jour des cours magistraux à la fac, je n'irai donc pas. Je me prépare un petit déjeuner d'ogre : jus d'orange, céréales, tartines, café et je file prendre une douche. Là, je laisse aller mes pensées et m'imagine déjà au Mont Saint Michel, sur les plages du débarquement. Ou en train d'observer des foules aux milieu des villes. Je veux découvrir, explorer, aller plus loin que ce quartier miteux. Je coupe l'eau, me sèche, fait craquer mes doigts et je m'habille.

Me voilà fin prêt à ouvrir le paquet, c'est une boîte rectangulaire de couleur marron et verte siglé Chronopost (je ne regrette pas mes 9,80€), je prends mon cutter et coupe chaque morceau de scotch. J'entrouvre le carton, et l'aperçois. Le drone est là, noir et vert, la forme d'un trèfle à quatre feuilles et est surmonté de quatre props. RTF « Ready to fly » comme ils l'avaient précisé sur le site. Je le sors délicatement, le dépose sur le tapis de ma chambre, et je prends les instructions au fond de la boite :

« Madame, Monsieur, nous vous remercions de votre achat et de la confiance que vous nous accordez. Vous avez bien fait de choisir notre Drone SPYFLY catégorie A. Précisions : avant tout, sachez que pour utiliser votre drone en zone urbaine ou publique, il vous faut déclarer votre drone ainsi que l'opérateur de celui-ci auprès de la Direction Générale de l'Aviation Civile (50, rue Henry-Farman 75720 Paris Cedex 15) afin de pouvoir l'utiliser librement (...)»

Je n'ai évidemment fait aucune de ces deux démarches.

« Veuillez lire attentivement les articles suivants et les respecter:

. Il est interdit de faire voler son drone de nuit

. Il est interdit d'organiser des réunions en drone

. Il est interdit d'utiliser son drone comme moyen de repérer un espace où chasser.

. Il est interdit d'entrer dans salle de cinéma, spectacles, opéra, théâtre. Sont acceptés festivals en plein air et événements sportifs sur autorisation spéciale.

. Il est interdit de survoler tout commissariat, tribunal et bâtiment pénitencier, sous peine d'amande

. Il est interdit de fixer, enregistrer ou transmettre l'image d'une personne dans un lieu privé sans son consentement.

. Il est interdit de capter, enregistrer ou transmettre des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel sans le consentement de l'auteur

. Il est interdit de faire opérer votre drone si vous être vous même à bord d'un véhicule en déplacement. Une telle opération reste néanmoins possible sur autorisation du ministre chargé de l'aviation civile.

. Dans votre cas, vous devez toujours rester en contact visuel avec votre drone et ne pas voler plus haut qu'une altitude de 150 mètres

. Votre drone ne peut vous remplacer dans une file d'attente, payement à la caisse ou réservation d'une place lors d'un événement public.

. Votre drone ne vous remplacera pas au travail, études, réunions parents-professeurs et conseils d'administration.

. Il est interdit de faire opérer son drone en état d'ébriété ou sous l'usage de substances illicites.

. Priez de faire attention à tous autres objets volants ou volatiles, la chute pourrait être brutale et destructrice pour votre drone (malgré qu'il soit équipé d'un parachute).

. Votre drone doit toujours avoir sur lui sa carte d'identification (située à l'arrière de la manette de commande), en cas de contrôle ou perte de celui-ci nos équipes (...) »


Je fais craquer mes doigts.

Je reste abasourdi, la liste est encore très longue. Je ne pensais pas qu'il y avait tant d'interdictions, le drone n'est il pas un moyen de se sentir plus libre ? D'aller plus loin ? Avec pour seule limite l'autonomie de la batterie ? Je m'imaginais déambuler parmi la foule, visiter des jardins privés, découvrir des endroits reclus et des impasses inconnues. C'est un nouveau regard sur mon quartier, ma ville, mon pays qui s'offre à moi, et je devrais le découvrir sous la menace d'interdictions pouvant m'envoyer en garde a vue...

Et puis qu'importe, je m'en fout, ce ne sont que des lignes noires sur un papier blanc, et vu le nombre de personnes qui possèdent un drone aujourd'hui je n'ai pas d'inquiétude à avoir, ils ne peuvent pas contrôler tous les engins qu'ils rencontrent.

Je descends dans le jardin, dépose le SpyFly sur le gazon synthétique et je lis en diagonale les instructions de démarrage. J'ai vu tellement de tutoriels sur internet que je pourrais l'allumer les yeux fermés. J'observe la carte d'identité du drone à l'arrière de la manette. Sont inscrits son nom, numéro de série, mon adresse postale et surtout mon adresse IP. Ils ont tout ce dont ils ont besoin pour me retrouver. Je ne peux faire circuler mon drone avec toutes ces informations, je décide de glisser la carte dans ma poche.

La manette est très simple, semblable à celle d'une console de jeux vidéo, l'écran 13 pouces en plus. Il y a deux joysticks. Un pour diriger le drone, un autre pour orienter l'oeil de la caméra et trois boutons qui servent au démarrage, atterrissage et enregistrement des images.

J'allume le drone et la manette de commande, quelques réglages et le voilà qui lévite a dix centimètres du sol, trente centimètres, un mètre, il prend de l'altitude. Il est maintenant au dessus de moi, encore un peu et je verrai ma maison du ciel. Une multitude de petits hôtels Monopoly se dessinent alors sur mon écran, ma rue ressemble maintenant à une colonne vertébrale vue du ciel. Je me calme un instant, fais atterrir mon drone et m'allume une cigarette. La première en tant qu'opérateur, elle a un goût différent, elle est plus affirmée.

Il est temps d'entamer un réel voyage et une véritable découverte des airs, je monte dans ma chambre, m'installe confortablement sur le lit, fais craquer mes doigts une nouvelle fois, je suis prêt pour l'envol. Mon écran est pour l'instant vert synthétique. Je vois se dessiner notre parcelle de jardin, la clôture, la maison, je survole à présent le quartier, j'aperçois le voisinage. Je décide de me diriger vers la mer, Saint Malo et son port seront ma carte postale. Mon quartier accolé à la ville est maintenant derrière moi. Je suis un oiseau dans le ciel, j'observe les routes sur lesquelles des voitures avancent aussi vite que moi, les pauvres, ils n'observent qu'un dixième de ce qui leurs est proposé.

Je suis à peine à la moitié du chemin que je me rends compte du faible niveau de la batterie, j'ai été tellement impatient que j'ai pas pensé à le recharger. Demi-tour.

Je vois des étendue de champs de blé, de colza, je suis la route qui serpente sur la terre. J'aperçois au loin la ville qui se dresse.

Je pars a l'Est en direction de mon quartier résidentiel éloigné. Le voilà, je suis maintenant très haut dans le ciel. Ma rue que je voyais auparavant comme une colonne vertébrale ressemble maintenant à une cage thoracique perdue au milieu de toutes ces autres rues. Je sens que quelque chose m'observe, je commence à paniquer, et si j'étais aller trop loin ? Si ils m'avaient observé ? Je les conduis droit chez moi ! Calme-toi, regarde autour de toi. Voilà, ce n'est que Lili, la fille de la voisine veuve, son mari est mort en tombant du toit alors qu'il accrochait les guirlandes pour noël. Elle fixe le drone et le suit du regard. Je deviens paranoïaque avec tous ces avertissements !

Mais qu'importe je vais continuer.

Ce soir, dans la nuit, je sortirai rejoindre les lumières de la ville. Je sais qu'il est interdit de voler de nuit, une fois de plus, je garderai la carte descriptive du drone dans ma poche. Je me demande ce qui arrive aux opérateurs qui ne respectent pas les interdictions. Je décide d'aller me renseigner sur des forums :

« DiabloX49 dit : mon voisin avait un drone et tous les soirs je le voyais voler de nuit, je ne sais pas vraiment ce qu'il faisait mais un jour j'ai vu la B.A.D.E défoncer sa porte ! 

Salameche95 : ouais ils rigolent pas avec ça sérieux les gars , vous croyez que c'est pourquoi qu'on voit zéro drone la nuit ? Il se passe quelque chose, moi je vous le dis, c'est eux qui nous observent la nuit (...) ». Salameche95 poursuivait ensuite sur une théorie du complot très bancale en nous redirigeant vers son blog « Bigbrother is following you ». George Orwell version 2.0.

Je fais une recherche sur la B.A.D.E : « La Brigade Anti Drone Espion veille à la sécurité et à la vie privé de votre pays ». Ils me font froid dans le dos, tous habillés de noir, kalachnikov et AK47 à la main. Je fais craquer mes doigts.


« A table Hugo ! »


Je descend et met de coté un instant mon drone et tous les risques qu'il comprend.

Mes parents sont déjà assis, le regard perdu sur l'écran de la télévision. C'est vendredi soir, ce sera donc les Enfants de la Télé présenté par Arthur. J'adore. Je m'installe et me sers de la blanquette. Je fixe l'écran, je n'y vois pas un plateau de télé avec humoristes et chroniqueurs mais une multitude d'images des champs que j'ai croisés lors de mon envol en drone.


-« Alors ce drone mon chéri ? C'était chouette ? », c'est la publicité, le moment où me parents se décident enfin à partager quelque chose.


-« Ouais c'était plutôt cool, j'ai vu le quartier du ciel, ça change vraiment la perception des choses. »


- « C'est bien mon gars, mais oublie pas de te concentrer sur tes études, c'est ça l'important » précise mon père en augmentant le son de la télévision.


Il est très important pour mes parents que j'obtienne un diplôme d'études supérieures, eux qui n'en ont pas fait.

Je monte rapidement dans ma chambre, mon portable vibre, c'est un texto de Théo, il me demande si je sors ce soir. Oui, je sors, mais j'ai tout autre chose à faire. J'attends que mes parents aillent se coucher avant de démarrer mon drone, je n'ai pas à patienter bien longtemps, une tisane « nuit tranquille » et au lit.

Je démarre mon drone et passe la tête par la fenêtre. Je le vois voler au dessus de ma maison, je me vois dans l'écran. Le quartier est calme, je le survole plus lentement que la première fois, il reste quelques maisons et jardins éclairés mais la plupart d'entre eux sont plongés dans la nuit.

Je suis la route que je prends le matin en bus pour me rendre à la fac, je passe la zone industrielle et me rapproche du cœur de la ville qui semble très calme. Je me sens seul. Je décide de m'aventurer plus loin. Les bruits se font proches, je survole des personnes, des voitures. J'arrive en plein centre ville, je me dirige rue de la Soif. Je distingue Théo, bouteille dans une main, jeune fille dans l'autre. Cette foule imposante fourmille sur l'écran de ma manette. Je les approche de plus près, j'en vois certains qui lèvent la tête et m'observent. Tous se mettent à crier, applaudir, ils sont saouls et filmés, le combo parfait pour cette jeunesse.

Ce n'était pas la meilleure des idées de les approcher, je me suis clairement fait remarquer et je ne devrai pas tarder à être traqué. Je décide de fuir. C'est alors que j'entends des sirènes et des appels, « Veuillez faire atterrir votre drone, c'est un ordre !». Je prends peur. Demi-tour, je tente de les semer, ils ont envoyer deux drones à mes trousses, la couleur noire était le bon choix, j'arrive a me fondre dans l'obscurité et me glisse dans une petite ruelle. Je suis à présent en sécurité.

J'arrive à me rapprocher discrètement d'un camion sur lequel est inscrit B.A.D.E, je tente d'écouter leur conversation :

- « Il y en a de plus en plus qui trainent comme ça la nuit, bordel c'est écrit sur la notice, on ne vole pas la nuit ! Faut leur dire en quoi ? Restez-chez vous merde !


Ca doit être le noir qui les excite, ils se disent qu'ils bravent les lois, ils verront tous quand on se pointera chez eux pour les embarquer !


Un jour il y en a un qui va être un peu trop discret un peu trop tard dans la nuit, et là, on sera pas emmerder»


Mais de quoi parlent-ils ? Je décide de rentrer au plus vite, ou du moins de rapatrier mon drone au plus vite chez moi. Je ne pensais pas qu'un tel engin pouvait poser autant de soucis, il doit bien avoir quelque chose de particulier pour mobiliser autant de personnes à la fois. Peut être qu'en relisant les instructions je verrai quelque chose qui m'a échappé. J'allume la dernière cigarette de ma soirée.

En résumé, si on suit ces lois à la lettre, ils nous contraignent à utiliser notre drone seulement dans l'espace privé, chez nous. Quel est l'intérêt de garder un objet volant, munie d'une caméra, chez soi ? Ils insistent surtout sur le vol de nuit, il est formellement interdit et puni par la loi. Je repense un instant au commentaire de Salameche95, je retrouve le site vers lequel il avait mis un lien et le parcours.

Il y a tous les types de complots développés sur ce site, les drones seraient des mutans venus d'une autre planète, certains disent que ce n'est pas l'opérateur qui commande le drone mais l'inverse. D'autres émettent l'hypothèse d'une puce qui se glisse dans votre cerveau et qui vous envoie des publicités qui vous influence pour le reste de votre vie. Ils parlent même d'un Godrone, divinité des engins volants.

Mais la théorie qui retient le plus mon attention est celle qui suppose une manipulation gouvernementale, au travers des drones. Près de trois foyers sur cinq sont équipés d'un drone aujourd'hui en France. La machine est dans ce foyer. Elle entend, voit et enregistre tout ce qui ce passe autour d'elle. Elle connait les habitudes, les préférences, les envies, les conflits de chaque foyer. Je reste perplexe face à cette lecture, et fais craquer mes doigts.

Il est déjà très tard et je n'arrive pas à m'endormir, je ne cesse de me retourner dans le lit, cherchant en vain le sommeil.

J'entend un bruit, j'ai peur d'être paranoïaque mais j'imagine déjà mon drone en train d'ouvrir mon frigo pour y voir ce qui s'y trouve, vérifier factures et courriers. Il est temps pour moi de m'aventurer au rez de chaussée afin d'avoir des réponses aux questions que je me pose. Je passe devant la porte et distingue une lumière blanche dans le jardin. J'ai à peine le temps de retourner sur mes pas que j'aperçois six points rouge sur mon torse. Leurs propriétaires me rejoignent très vite et me jettent à terre d'un coup de crosse. Je sais exactement quelles lettres sont inscrites au dos de leur blouson noir : B.A.D.E.

Ils me traînent jusqu'à leur camion. Je me retourne une dernière fois, mon drone est à la fenêtre, il m'observe. Je me fais craquer les doigts. Cette fois-ci dans mon dos.

Signaler ce texte