Chère Centrale Electrique

Hervé Lénervé

Quel est le sens du courant ?

J'ai envie de vous parler un peu de technique. Je sais que ce n'est pas trop le genre de la maison, qui est plutôt friand de littératures, de sciences humaines ou de poésies. Mais une fois, n'est pas coutume, je vais évoquer mon ancien job. J'étais ingénieur thermicien, tête de chien, dans l'énergie. Evidemment, je n'avais pas choisi cette orientation, j'aurais aimé être trapéziste, comme tout le monde, mais vu ma phobie du vide, j'ai dû prendre ce qui restait.

Je travaillais donc, pour les centrales électriques, gaz fossile ou nucléaire, peu importe, je prenais tout ! Un jour, mon directeur technique qui était plus con que… désolé, je ne vois vraiment pas ce qui aurait pu démériter une telle comparaison. Il était le parangon de la connerie, la mesure étalon. Le con par excellence, me demande, donc un jour, de rédiger le manuel de maintenance d'une Centrale. Une sorte de notice d'utilisation qui expliquerait aux utilisateurs comment faire marcher cette immense usine de tuyaux et de matériels de tous côtés et même de dessus et de dessous. Comme si nous, ingénieurs, on en savait quelque chose ! Déjà, quand ça marche, on crie au miracle ! Alors, s'il faut en plus expliquer comment ça pourrait bien marcher ? Pourquoi ne pas nous demander, pourquoi ça marche, aussi ? Chacun son job, nous ne sommes pas des prophètes !  Je préfère vous prévenir, cela va être très chiant et comme je ne voudrais pas susciter des vocations aux suicides, ceux qui sentent déjà l'ennui pointer, ferait mieux de se tirer. Pétanqueurs fuyez, dès à présent, c'est plus prudent !

En gros, en très gros, en obèse même, dans tous système fermé thermodynamique, il y a un point chaud et un point froid, c'est comme cela et pas autrement, comme il y a un Dieu et un Diable, un pendant et un pendu, un versant et un vendu, une Aubrac et un adret. Bon, j'arrête les antonymes, je crois que c'est compris. Allez juste, un petit dernier pour la route, un saucisson et un musulman.

Le point chaud, c'est la chaudière pour le gaz fossile, le générateur de vapeur pour le nucléaire.

Le point froid, c'est le condenseur pour les deux. (Et non pas le condensateur qui doit servir surement à quelque chose, ailleurs, mais pas ici.)

Le point froid se situe sous la turbine vapeur qui entraine l'alternateur pour nous permettre de recharger notre smartphone. Une « Power plant de 1500 MW » On dit comme ça, en anglais, mais on peut dire aussi une Centrale Electrique de 1500 MW, ça marche pareillement, peut rechargertrois cents milliards deux cents trente mille trois cents vingt-six iPhone plus une pile A4 (Calcul Ipsos).

La vapeur est paresseuse, une fois qu'elle a fourni un travail, elle ne veut plus travailler. Elle perd son élan, sa joie de vivre, son poil devient terne et on enthalpie bat de l'aile. Elle est toujours gazeuse, elle est toujours brûlante, certes, mais elle ne vaut plus rien, impossible de la revendre à qui que ce soit, juste bonne à jeter à la poubelle, la vapeur. Donc il faut la retransformer en liquide qu'on appelle dans notre jargon technique « de l'eau ». Pour ce faire, on la condense dans une espèce de bâtiment en ferraille où on aurait fait un vide relatif en y introduisant un raseur. Des faisceaux tubulaires de millier de tubes assurent cet échange thermique. Grosso modo, c'est un échangeur de chaleur comme n'importe quel chauffe-eau en très, très, très, plus gros qui aurait été monté à l'envers par des techniciens distraits. Quand cette vapeur s'est métamorphosée en tonnes « d'eau », on la réchauffe graduellement dans, devinez quoi ? Des réchauffeurs, oui, c'est ça, gagné ! Des sortes de suppositoires métalliques sous basse et haute pression de dix mètres de long, je n'ose pas imaginer la taille du cul du malade.

Faut vraiment être tordu pour avoir refroidi de la vapeur et vouloir la réchauffer de nouveau, comme l'assassin qui ferait du bouche à bouche à sa victime, des nazis qui créeraient une fondation en mémoire de la shoah, un Dieu qui demanderait pardon aux hommes de les avoir créés : « Excusez-moi, je ne pouvais pas savoir que vous deviendrez si cons ! »

Ce qui est bien avec la technique, c'est que la moindre invention demande des tonnes de notes de calcul en tous sens, si bien que noyé dans les chiffres, on n'a plus le temps de se demander si c'est bénéfique ou non, tout cela. Je vais vous faire un aveu, j'ai l'impression que le progrès engendre toujours plus de progrès tel l'Ouroboros qui se nourrit en se dévorant.

Ok ! Pour ceux qui n'ont pas encore décrochés, je m'arrête là, faute de jus.

De toute façon, je vous avais mis en garde, ne venez pas me reprocher maintenant, si vous allez passer une très mauvaise journée.

  • Finalement, des centrales vaut mieux en sortir même si on ne sait pas où aller après.

    · Il y a plus de 6 ans ·
    30ansagathe orig

    yl5

    • c'est tout le problème! ;o)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • ça pourra pas etre pire... Pauvre EDF... faudrait vendre le jus 3 fois le prix pour couvrir tous ses frais et risques et en même temps cela redonne encore plus de compétitivité au solaire ! Alors ya photon !

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Gabriel Meunier

  • d'accord à 200% (comme ds les "jeux radiophoniques débiles...) Bravo j'aurai pris Saturne qui dévorait ses enfants

    · Il y a plus de 6 ans ·
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    Gabriel Meunier

    • Ouais, Saturne, c’est bien aussi ! :o)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

    • je fais suivre aux amis... vais poster un billet un peu sur le même sujet

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Gabriel Meunier

    • t'as raison, il y a du fric à se faire là dessus ! ;o)

      · Il y a plus de 6 ans ·
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      Hervé Lénervé

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