Chez la Maria Grand
Jean Claude Blanc
Chez la Maria Grand
C’est un fameux fourre-tout, chez la vieille Maria Grand
Malgré ses 80 ans, fière derrière son comptoir
Par-dessus ses lunettes, elle zieute le chaland
Qui fouille dans la corbeille, bibelots pour enfants
Bazar du souvenir, y’en a pour tous les goûts
Paysages cartes postales, porcelaines démodées
Effigies de la Vierge, fleurs bien imitées
Des poupées en plastique, jusqu’aux plaques tombales
Partout sur son trottoir, fourbi bien empilé
Des joujoux à cent balles, t’as plus qu’à te baisser
Il faut prendre son temps pour tout décortiquer
Les gamins, çà leur plait, se tirent par la manche
Mais que peut-elle bien vendre la Maria d’un autre âge
Dans sa robe surannée, n’a rien d’une playmate
Çà marche à tous les coups, se fend d’une risette
Elle emballe le client, de flatteurs boniments
Bien des générations, elle a vu défiler
Pour un sachet de billes, une poignée d’osselets
Nantis de quelques sous, on se récompensait
On charmait les copains de babioles dernier cri
Son Homme, c’est le Jean, va vers ses cent trois ans
Il est encore gaillard, n’en a que pour ses bois
A la pointe du jour, s’échappe en silence
Le commerce pas son truc, on ne se refait pas
Depuis que je suis né, l’ai toujours vu ouverte
La porte de chez Grand, est discrète et distraite
N’empêche qu’aujourd’hui, je ne puis m’empêcher
De lécher sa vitrine, mes rêves réitérer
Tu sais pas quoi offrir aux ripailles du dimanche
Demande à la Mamie, elle est de bon conseil
Elle te dénichera du profond de son antre
L’objet qui fait plaisir, elle connait ses familles
Chez elle, on fait sa liste, au moment du mariage
Il faut de l’attirail pour monter son ménage,
Les gus qui savent pas, comment participer
Viennent consulter la fiche, selon leur porte-monnaie
Mais c’est surtout l’été, qu’elle fait ses affaires
Çà défile sans arrêt, de touristes dénudés
La Mémé magnanime, apporte sa propre touche
Soudain trait de génie, on trouve ce qu’on cherchait
Pas donné à tout le monde, la bosse du commerce
Même que çà s’apprend pas, tu l’as ou tu l’as pas
Auvergnate dans le sang, elle est un peu roublarde
Refile vieux riblons, à ceux qui se la pètent
Mais ceux de par ici, dur de les endormir
On palabre, on plaisante, on évoque la famille
Tous plus ou moins parents, on va pas mégoter
Ce serait mal venu, de les enfariner
Sa boutique tient debout malgré sa devanture
Démunie de slogans, et d’alléchantes pubs
La Maria se contente que du menu butin
Pas question de faillite, ici on vit de rien
Qui va lui succéder, çà rapporte pas grand-chose
A l’heure où l’on s’inquiète de rentabiliser
N’a pas la tête à çà, cadet de ses soucis
Tant qu’elle a la santé, dévolue à sa cause
En quête de présent, on pense Maria Grand
Sa boutique insolite, elle ne paie pas de mine
Mais recèle de mystères, c’est notre mémoire intime
On vient y restaurer ses souvenirs d’antan
Mère Grand de St Anthème, va tous nous enterrer
Elle a tout l’attirail, pour satisfaire son monde
Des fois juste pour la voir, on se fait un détour
Histoire de la saluer, lui donner le bonjour
Quand on passe au pays, quelques jours de vacances
Avant de repartir on vient faire son marché
Paquets enrubannés, pour ne pas oublier
Ultime témoignage pour ce beau coin de France
JC Blanc juin 2012
(Hommage à Maria, qui hélas, nous a quittés)
Et bien gros coup de coeur pour moi! Madame Maria et son petit monde m'émeuvent. Votre poème est beau de simplicité, ressemble à ce sourire en coin que pourrait avoir Maria et à la douceur de ses yeux. J'aime l'image des gamins aux longues chaussettes allant chercher un petit paquet de billes , j'imagine une boutique toute croulante avec ses mille et une merveilles allant de la vieille revue illustrée jusqu'au petit gadjet qui servira une fois sur deux. J'aime ce coté familial de la mamie qui connait tous les gens du village et a son mot et son idée pour tous. Merci pour ce texte chaleureux et vrai.
· Il y a plus de 12 ans ·orlov