Chez les gens
maita
Rez-de-chaussée, porte à gauche de l'entrée, Louis, 40 ans, militant Sud, éduc en quartier. Louis, il gueule tout le temps, il gueule trop sans doute. C'est peut-être pourquoi Louis vit seul depuis toutes ces années. Il regarde le journal de France 2. Il crie que le gouvernement nous prend pour des cons. Quand Louis pense, il pense révolution.
A droite de la porte d'entrée, c'est Paul, le concierge. Paul a le physique de son humeur : enjoué, rond et discret. Il a toujours un mot gentil, une attention pour tous. Paul dans une autre vie, il a du être le gardien du bonheur avant de garder l'œil sur cet immeuble. Et quand Paul pense, c'est sur un air de Claude François.
Premier étage, au-dessus de chez Louis, des murs vides, teintés de jaune, peu de mobilier, l'appartement de personne … Personne, c'est Elsa, quarante deux ans, qui s'est perdue dans sa déprime. Assise à la table de sa cuisine, Elsa fume et laisse les heures passer. Elsa, elle a trop de temps et elle aimerait tuer ce temps. Elsa pense vide.
Le voisin d'Elsa, c'est le petit Théo, huit ans, qui vient de rentrer de l'école. Théo se prépare son goûter seul. Il est fort comme un petit prince. Il a l'habitude. Maman rentre dans deux heures et en attendant, il joue au grand. Théo, c'est le bonheur des innocents et de l'avenir qui s'ouvre en grand ! Quand Théo pense, tout en étalant son chocolat sur sa tartine , il hésite entre faire Jedi ou pompier.
Au deuxième étage, l'appartement le plus grand où habitent papa, maman et leurs trois enfants. C'est le remake de "La petite maison dans la prairie", version banlieue, la cascade en moins. Charles, c'est un bosseur qui regarde sa femme tout feu tout flamme. Il en est amoureux comme au premier jour et elle se sent toujours princesse comme au début de leur histoire. Et les trois filles, charmeuses et charmantes, qui vivent cette vie sans savoir que c'est une chance, la perle rare. Dans cette famille, on pense à lui, on pense à elles, on pense à eux.
Quand on construit un immeuble, on parle financement, aménagement, mètre carré, droit au logement … Avoir un extérieur devient un luxe. On calcule les charges, le loyer … On fait des économies, on pense plus petit.
Alors que quand on construit un immeuble, on devrait penser avant tout à ces personnes qui rient, qui pleurent, qui sourient, qui aiment. A ces gens qui pensent ...
Le logement parfait, ça serait un logement pour tous. Un logement décent, assez grand pour y abriter toute la petite famille avec ses coups de gueule et ses fous rire. Le logement parfait, c'est celui qui ne laisse personne dormir dehors sauf quand on a l'a choisi pour profiter d'une nuit chaude à la belle étoile. Le logement parfait, il te permet quand même de manger, de sortir, de t'acheter un bouquin, de réaliser quelques un de tes rêves et laisse de la place pour les autres.
Le logement parfait, c'est une question de droit et ça ne devrait pas être un choix qu'on a ou qu'on a pas.