Chroniques perdues : The Vines - Wicked Nature

Eric Rktn

« L'homme est un relou pour l'homme » a écrit quelque part Panteros666. Et c'est d'autant plus vrai dans le rock où toutes les légendes se forgent sur des batailles d'égos, ces moi plus grands que nous voyons croître à vue d'œil lorsque nous les masturbons. Ils semblent être la condition intrinsèque à la réussite d'un groupe, et qui dit groupe, dit leader, dit tyran. L'histoire se répète à l'infini, des Who jusqu'aux Vines, de Roger Dartley à Craig Nicholls.

Dans le cas de ce dernier, on peut parler de pré dispositions, son syndrome d'Asperger aidant : tendance à l'auto-destruction, asociabilité, découlant ainsi un égocentrisme hurlant, refus de la réalité extérieure. Craig s'est donc retiré du commun des mortels depuis un dernier album franchement dispensable, n'utilisant aucune technologie (pas par posture, il n'y voit simplement pas l'intérêt) et comprenant vaguement le concept d'Internet. Plutôt que d'être un humain connecté, il occupe ses journées à écrire, peindre et composer de la musique, prisonnier d'un espace-temps qui nous échappe, ni nostalgique, ni obsédé par le futur comme nous pouvons l'être. Des membres initiaux du groupe, il ne reste personne à part lui et ce n'est pas difficile d'en deviner les raisons, après tout, les autres étaient banalement normaux.


Mais qui ça peut intéresser un nouvel album, non, un double album des Vines en 2014 ? Personne, et c'est bien tout l'intérêt, pas de teasing, de tournée promotionnelle ni de collaborations avec des marques pour rendre le produit intéressant, aucun but, rien. Même le disque sort auto produit par ses mains, joué, enregistré à la volée en une vingtaine de jours.


Comme Woody Allen, il écrit toujours la même histoire: l'amour déchu, une existence étrange, pas mal de rêveries. Et comme Woody Allen, il nous utilise comme témoins de sa thérapie, et l'on y trouve notre compte dans la sève de ce qu'on apprécie chez les Vines : les balades, les moments où Craig arrête d'haranguer le passant comme un mauvais Kobain, ces moments où il s'assoit et compose des mélodies intemporelles à la guitare, plutôt que de la lancer à la figure de son batteur ou de se rouler par terre emmêlé dans les fils. Non, à cet instant, cet égo pesant se plie, se contorsionne jusqu'à taille humaine, vient se faire une place à vos côtés en vous demandant poliment si ça ne vous dérange pas, et comme vous, il écoute. A cet instant, c'est nous qui devenons perméables au monde au dehors, happés par la bulle de Craig, confortablement coincés dans sa conception malade de la paix.

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