CHUT
amisdesmots
Chapitre 2
Guillaume Apolinaure dînait tous les soirs au Petit Bougnat. Il avait là ses plus fervents admirateurs, des gens du quartier pour la plupart. Il entrait dans le restaurant tel un éléphant rejoignant sa réserve, serrait quelques paluches, tirait des bouffées de sa pipe et s'asseyait toujours à la même place à côté du radiateur, souvenir de l'école primaire mal chauffée. L'endroit était fréquenté uniquement par des hommes. Les verres de vin s'entrechoquaient, des ritournelles paillardes clôturaient tard en soirée les grasses agapes du dîner. Il sortait son cahier et écrivait d'un œil distrait. Lorsqu'il composait un texte, il n'était pas rare qu'entre deux lignes, il commande un énième ballon de rouge, qu'il pète grassement, qu'il renifle, qu'il rote, qu'il se gratte l'entrejambe, comme un gros mâle de l'espèce humaine, un beau spécimen d'un mètre quatre-vingt-quinze avec son quintal de bidoche, sa cervelle, parce que de la cervelle, il en avait le bougre. Rien ne lui était plus facile que d'écrire et de manger aussi, car toute cette dépense d'énergie créatrice lui creusait l'estomac. Après un dîner copieusement arrosé au Petit Bougnat, il rejoignait la chambre minuscule qu'il louait à l'Hôtel du Nord, situé non loin de là.
Lorsqu'il décida de changer de vie quelques années plus tôt, il se promit de ne jamais posséder ni terres, ni murs, il fit un pacte avec lui-même, se tapa dans la « pogne » et déclara : « Ni Dieu, ni maître, ni terres, ni murs ». Ni, ni, ni…. Rien. Il ne le savait pas encore, mais il était en pleine métamorphose. Quelques mois plus tard, il débarquait gare d'Austerlitz avec deux valises à roulettes et un compte en banque déjà bien garni. Il habitait depuis ce jour à l'Hôtel du Nord continuant à écrire comme il l'avait toujours fait, mais à présent le temps ne lui manquait plus, il avait l'esprit suffisamment libre pour composer en toute quiétude. Lorsqu'il termina son premier roman « Terre humaine », en souvenir de sa terre natale, il décida de l'envoyer aux Éditions Laumière qui faisaient à l'époque la promotion de plusieurs nouveautés dans des magazines spécialisés et jusque dans les journaux à gros tirages. Jean-Pierre Rand qui n'était pas encore Guillaume Apolinaure, ne connaissait rien à ce milieu de l'édition, tout juste avait-il lu quelques mots sur les soit disant bonnes maisons en feuilletant des revues spécialisées mais jamais objectives, et pour cause ! Les Éditons Laumière ? Pourquoi pas, celle-ci ou une autre.
Ce n'était certes pas la bonne méthode, un écrivain digne de ce nom qui désirait publier ses écrits devait impérativement enquêter préalablement sur la maison d'édition avec laquelle il envisageait une collaboration. Inutile d'envoyer un roman érotique chez des spécialistes de la science-fiction. Guillaume s'était juste donné la peine de lire le résumé des ouvrages présentés et il lui sembla que son histoire rentrait dans les critères éditoriaux des Éditions Laumière. C'est ainsi qu'il entama sa carrière d'écrivain. .
Vingt-deux heures trente. Quelqu'un frappe à sa porte, il n'attend personne, la réception de l'hôtel ne l'a pas prévenu. Il va ouvrir. C'est Ophélie Latombe en personne qui se tient devant lui avec un cadeau à la main. Elle est très sexy, Guillaume est ému malgré sa carrure et sa verve haute.
Qu'est-ce que vous faites là ?
Excusez-moi, j'ai réussi à convaincre le portier de me laisser monter. Je voulais vous faire une surprise, tenez, c'est pour vous.
Je n'aime pas les surprises, je n'aime pas les écrivains, je croyais que vous le saviez. Que voulez-vous ?
Coucher ! Non, je plaisante bien sûr. Écoutez, allez-vous me laisser ici sur le palier, alors que j'ai fait l'effort de sortir ma plus belle robe et mes bottines du dimanche ? Vous n'êtes pas très coopératif, Monsieur Rand.
Vous connaissez mon nom ? Comment se fait-il ? Rentrez, mais je vous préviens, je ne suis pas de bonne compagnie et mon estomac ne supporte ni la compression, ni les contrariétés. J'ai mauvais caractère et lorsque je discute avec une femme, j'imagine des choses.
Et bien, me voilà renseignée, vous êtes bien le monstre auquel je pensais, néanmoins…
Néanmoins quoi ? Vous n'êtes tout de même pas venu ici pour me balancer des compliments foireux ou par curiosité intellectuelle ? Je vous préviens, je ne supporte pas ce mot, il n'y a pas plus décérébré qu'un écrivain. Moi par exemple, je n'ai rien dans la tête contrairement à ce que mes romans semblent indiquer. Je ne tire aucune fierté de cela bien sûr, je me considère simplement…. Mais vous ne m'avez rien demandé, excusez-moi ! Vous prendrez bien une tisane, une camomille, un thé ?
Laissez tout ça. Néanmoins disais-je…
Vous avez de la suite dans les idées vous au moins.
L'habitude d'écrire moi aussi. L'autre jour, je passais dans le quartier, lorsque je vous ai vu signer des dédicaces dans la librairie. Je n'ai pas lu votre livre, juste le titre et le résumé. J'ai détesté, c'était comme la soupe que me servait maman, toujours la même, réchauffée plusieurs fois.
Qu'est-ce que ça veut dire ? Vous êtes venue ici pour me casser les pieds ? Dégagez !
Attendez ! Oh là là, je plains votre entourage.
Merde ! je n'ai plus d'entourage, je n'aime pas la compagnie, encore moins celle des femmes. Êtes-vous épilée ?
Quoi ?
Votre sexe, est-il épilé ?
Vous ne m'entraînerez pas sur ce terrain !
Dommage !
Néanmoins disais-je…
Allons bon, elle recommence. Nananana ! Quoi ?
Plus tard, lorsque vous étiez déjà parti, et je sais dans quelles conditions, je suis retournée à la librairie et j'ai racheté un deuxième exemplaire de votre livre. Je l'ai lu cet après-midi.
Stop ! Le reste ne m'intéresse pas.
Bien, je comprends. Je suis passée par là moi aussi. Enfin, puisque vous ne voulez rien savoir, tenez ! Allez-vous prendre mon cadeau, oui ou non ? Peut-être aurons-nous l'occasion de nous revoir ?
Je m'en moque, mais en tout cas vous avez un beau cul.
Merci... vous n'êtes qu'un gros lourdeau ! je ne vous salue pas.
Bon débarras, maintenant il savait comment se débarrasser de cette sangsue, une de moins. Jean Pierre regardait le cadeau dans son emballage argenté, un livre très certainement à en juger par la forme. Le parfum de la femme traînait encore dans la petite chambre, il ouvrit la fenêtre et la regarda s'éloigner.
Bientôt un 3ème chapitre... ( un par semaine j'ai dis )!
La troisième semaine m'a "souris"...plus que la deuxième...je file la première...
· Il y a environ 8 ans ·Alice Farouche Rendu
Un par semaine, ça m'ira très bien ! Rires !...Mais va t-il l'aimer cette femme, son parfum traîne encore dans sa chambre.
· Il y a environ 8 ans ·Louve