Ciel

Jeanne Lagabrielle

Ciel !

Elle atteignit le septième ciel.

Mariés depuis sept ans et toujours la même fougue. Devant son bonheur et son bol de café du matin, elle songeait à la chance immense que la vie lui offrait chaque jour et que lui jalousaient nombre de leurs connaissances. En nouant son écharpe avant de sortir plaider, elle remarqua que son mari avait oublié sa mallette médicale. Sans doute encore étourdi par la nouvelle du matin : un mois auparavant, une de leurs joutes nocturnes avait formé un embryon. Il l’avait embrassée comme jamais.

Il avait remercié le ciel.

Plus son ventre gonflait, plus les regards admiratifs se multipliaient. De jeune avocate à succès, elle était devenue démiurge. Sa famille, ses amis, de parfaits inconnus déroulaient le tapis rouge devant la future mère. L’accouchement lui arracha tant de cris qu’ils crurent tous sa mort venue.

Ils implorèrent le ciel.

Deux semaines. Qu’elle avait abandonné le costume de femme pour revêtir celui de vache. Qui allaite. De vache épuisée. Qui ne dort plus. De vache au vagin déchiré. Qui ne jouit plus. Qui garde nuit et jour son petit à la  mamelle. Deux semaines. Qu’elle ne lit plus, ni livres, ni journaux. Qu’elle ne pense plus. Que son cerveau crie famine. Deux semaines. Qu’elle berce un petit mugissant que rien ne semble apaiser. Qu’elle ne sort plus. Qu’elle cherche du répit sur son balcon.

Il tomba du ciel.

Il monta au ciel.

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