COCO de JOINVILLE

Gueules cassées, gueules d'amour …. Le zinc est un port niché aux creux de baies surannées, à l'abri des flots alcooliques qui nous entravent et nous libèrent … Le zinc est mon ami : il me supporte, m’étreins, m'écoute, sans jamais répondre à mes supplications embrumées ..

Ici bas, rien ne va et la chaleur amicale de la liqueur vient à taper au creux de mon âme... Gueules cassées, gueules d'amour, je n'attends rien de ce nouveau monde qui se lève au coin des Batignolles, je m'en fous de savoir si on gardera l'Indochine … Ici bas, rien ne va, mais mon zinc à moi me sert d’échelle à bonheurs : je m'élève au delà de St Jean, dans des brumes improbables, je suis le roi de ce lieu gluant, pauvre ramassis de vies brisées où les gueules de métèques et les forts des Halles sont mes miroirs, mes reflets d'instantanés.

Les tempêtes et les naufrages se succèdent sur le polychrome collant mais je reste droit avec ma gueule de travers .. Je reste droit à refaire ma vie à coup d’absinthe, je reste droit dans ce cloaque et ces histoires que je n'écoute plus, ces visages burinés que je ne voie plus .. Je reste droit … à attendre. Attendre quoi ??? Je ne sais plus, je ne sais pas... Que l'autre finisse son rouge limé et paye encore son canon ? Que l'autre abruti renverse encore son picon bière sur ma veste épuisée ?? J'attends quoi ? Que mes yeux fatigués par les brumes de la vie baissent à jamais leur rideau de soie ? Que mes mains caleuses remontent à l'infini le long de cuisses improbables ?? Que ma gueule cassée vienne encore s'échouer sur ces coins de paradis éphémères ?? Je ne sais pas, je ne sais plus …

Ici bas, rien ne va .. Gueules cassées, gueules d'amour, je n'attends plus rien que la fin … et qu'on me paye un coup, Nom de Dieu !!!!