Colore-moi Chapitre 5

Alicia Lo

J'attends devant la salle d'arts plastiques, c'est la pause. Tous les couloirs du lycée sont blindés d'adolescents sauf celui d'arts plastique, il y a juste les élèves de l'option. Soit des gothiques et autres, des petites bourges de la haute qui se croient importantes et puis il y a moi. Ce n'est pas que j'évite les gens mais je préfère quand même enfoncer mes écouteurs dans mes oreilles et balancer du Bring Me the Horizon au lieu de devoir subir des conversations superficielles. Quand j'aperçois un visage familier qui me sourit. J'ôte un écouteur.

« Salut ! Ça va ? »  Me demande Laura.

C'est une camarade de classe. La seule qui vaille la peine d'interrompre « Throne » -la musique que j'écoutais-.

« Comme ça, on sèche les cours d'anglais ? L'ai-je provoqué.

-       Ouais, ça me gave ! »

Sa mère est américaine et son père français. Elle est donc bilingue cette débile.

« Alors, tu as des idées de dossier en béton armé ? M'a-t-elle dit avec humour.

-       Ouais, on va dire que. Et toi ?

-       Chui dans la merde ! »

Je me suis mis à rire. Elle est comme ça Laura, j'appelle ça l'American attitude. C'est incroyable cette façon qu'elle a de ne jamais se prendre la tête.

Elle jette un coup d'œil sur mon portable et se met à parler tout bas.

« Tu ne devrais pas écouter ce genre de musique ici. La fille avec les longs cheveux noirs n'arrête pas de te regarder ! Les cris de leurs congénères les attirent ! » Puis elle a encore explosé de rire et moi aussi par la même occasion.

La sonnerie retentie et nous entrons en cours. A son habitude, notre professeur d'art interroge les élèves un à un sur l'avancer de leur dossier d'art plastiques pour les oraux du bac. Une fois l'interrogatoire fini, l'élève va mettre en œuvre ses idées. Le problème avec cette méthode c'est que les autres élèves attendent une éternité avant de pouvoir présenter leur projet et de pouvoir commencer à travailler. J'ai attrapé mon carnet de croquis et je me suis mis à dessiner pendant que ma voisine, Laura, envoyer des sms.

Au bout d'une demi heure, le professeur, Madame Le Roux est enfin arrivée à notre table – il était tant, nous sommes les derniers encore en salle de cours-. Elle commence à interroger Laura.

« Alors Laura, présente-moi ton projet. »

Un sourire s'est dessiné sur mes lèvres. J'ai refermé mon carnet de croquis en attendant d'entendre l'improvisation de Madame Tout-au-talent.

« Je voudrais réaliser un dossier sur l'art lui-même. En prenant comme exemple l'œuvre de Marcel Duchamp, réaliser des œuvres contemporaines, osées, qui remettent en question la relation entre le spectateur et l'œuvre elle-même. Pour se faire, dans un premier temps, j'ai eu l'idée de découper des planches de bois de façon aléatoire, de les peindre en blanc et de les accrocher à un mur du lycée. Les planches de bois blanches représentent des toiles vierges, la forme aléatoire des pièces remet en questions les codes de l'académie des Beaux Arts. Et, tout cela dans un lieu public ou le spectateur n'a pas forcément des connaissances en Art. Et pour finir, je crois que vous avez déjà compris pourquoi je réaliserai plusieurs de ces « tableaux », comme l'a dit Marcel Duchamp "Un c'est l'unité ; deux la dualité ; et trois c'est tout le reste".»

Ma mâchoire s'est décrochée. Comment a-t-elle pu élaborer ça en si peu de temps ?!

« Bon projet Laura ! Tout à ton image. Tu sais ce qu'il te reste à faire. »

Avant de partir dans l'atelier, elle s'est tourné vers moi et m'a sourit fièrement.

« Clément, présente-moi ton projet. »

Tout d'un coup, je me suis senti affreusement incertain de mon travaille.

« Je voudrais que mon projet traite du thème de la folie de l'artiste. En représentant…

-       Etes-vous fou monsieur Loreaux? » M'a stoppé nette Madame Le Roux.

 Je suis resté bouche bée face à cette question que je n'avais pas prévue. Comme je ne sais pas quoi répondre elle a reprit.

« Etes-vous fou au point de vous couper l'oreille ? Je ne pense pas. C'est toujours le même problème avec vous.  Vous vous lancer dans quelque chose de trop complexe que vous ne pourrez pas expliquer devant les inspecteurs. Inspirez-vous de sentiments que vous avez en vous, ne prenez pas les sentiments de quelqu'un d'autre. »

Je suis resté là, à ne pas savoir quoi répondre.

« Comme vous avez l'air perdu, je vais vous aider un peu. »

Elle a attrapé mon carnet à croquis et elle a commencé à le feuilleter.

« Vous avez un bon coup de crayon mais ça ne fait pas tout. Vos dessins sont beaux mais sans vie. »

Puis elle s'est arrêté sur mon dernier croquis, celui que j'ai fais juste avant qu'elle n'arrive à ma table.

« Celui-là est vivant, il me parait un bon point de départ. Réfléchissez-y Monsieur Loreaux. Approfondissez votre pensée, concentrez-vous sur vos propres émotions. »

Elle s'est éloignée de ma table et elle est partie dans l'atelier aider les autres élèves. Me laissant là, planté devant mon croquis de Margaux en train de me sourire.

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