Comme d'habitude je n'ai pas changé

castiel

Je suis las de ces gestes quotidiens. De cette monotonie qui me déshumanise. Cette fois c'est décidé, tout va changer.

Je me suis réveillé à 7h05 comme d'habitude. Comme hier je me suis douché, j'ai enfilé un pantalon, une chemise, une veste et une cravate. J'ai lacé mes chaussures et je suis parti. Comme d'habitude j'ai traversé le passage pour piétons, avancé sur cinquante mètres ignorant le clochard tendant la main dans ma direction. Comme d'habitude je l'ai trouvé sale même si je n'apprécie pas cette pensée. Comme chaque matin, j'ai attendu dix minutes que le bus arrive. J'ai payé un billet que j'ai composté. J'ai traversé le bus, regardant discrétement cette fille assez jolie assise à la troisième  rangée de sièges. Je l'ai imaginée au bras d'un mec grand et beau. Je me suis installé dans le fond. 

Quinze minutes plus tard, la jolie fille est descendue du bus. Je l'ai imité un arrêt après. 

J'ai pris à droite, me suis allumer une saleté de clope, me détestant de le faire si naturellement. Je l'ai fumée jusqu'au mégot, l'ai jetée puis je suis rentré dans mon bureau.

Toute la journée j'ai analysé des chiffres, feintant de sourire  chaque fois qu'un collègue m'adressait la parole. Faisant bonne figure. Je me suis dépêché à traiter plus de dossiers que possible, comme si ma vie en dépendait. 

Comme chaque jour, je suis rentré crevé me rappelant que c'est pour me payer cet appartement miteux que je suis allé travaillé. J'ai allumé une clope et la télé. J'ai mangé un plat à réchauffer au micro-onde.

J'ai tenté de m'endormir. Je me suis dit que je méritait mieux que cette routine qui me déshumanise. 

Comme hier, et comme toutes les nuits je me suis dit que demain, je reprendrais le contrôle de ma vie. Que je me lèverais cinq minutes plus tard et d'un bon pied. Qu'après m'être douché, j'enfilerais pour la dernière fois ce costume trop large et bon marché. Que je partirais, les lacets bien noués. Que, la tête haute je traverserais ce passage piéton, saluerais le clochard et lui donnerais de la monnaie sans le juger. Je patienterais cinq minutes, j'entrerais dans le bus, validerais mon ticket. Que je regarderais cette filles et qu'après lui avoir souri, j'irais lui parler. Je récupérerais son numéro de téléphone. Elle sera ravie de me le donner. Elle descendra du bus. Un arrêt plus tard, je l'imiterais. Je sortirais mon paquet de clope, le jetterais par terre. Je me sentirais libéré. J'irais au bureau, prendrais un stylo et du papier. J'écrirais ma lettre de démission et la donnerais au patron. Je me sentirais encore libéré. Je sortirais du bureau, la tête encore plus haute. Et là, j'irais ou je voudrais. J'irais faire du sport, prendre des cours de théâtre, peut être même que j'écrierais. J'appellerais des amis trop longtemps oubliés. J'irais voir mes parents pour prendre un café. J'enverrais un texto à cette fille pour l'inviter à boire un verre. La soirée se passera bien. On vivra une belle histoire. 

Comme d'habitude je m'endors déterminé. 

Comme d'habitude, à 7h05 je me suis réveillé.

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