Composition mentale

Double-pédale, saccades, au rythme du coeur qui se fait violence, un mot une note, un mot une note, j'ai du mal à suivre c'est là qu'il faut creuser. Musicalité des phrases, ne pas trop y penser, c'est sans doute ainsi qu'émergent les plus grands morceaux.

Debout, terrasse sur le toit au centre de rien, j'ai l'impression de voir virevolter les sons, devant mes yeux, dans l'air, partout. Je réprime une envie pressante de bouger la tête, de l'envoyer le plus loin possible dans un élan incontrôlable. Il fait beau, le soleil me fait fondre, s'il pleuvait ce serait un autre morceau, complètement différent. J'allume une cigarette, dans ce décor immobile je scrute la moindre trace de mouvement. Chanson de l'atmosphère, une voiture passe au loin, elle sera le bourdonnement de ma basse. Tout est délimité, de la maison à l'horizon, de ma vue à mon odorat, les éléments se superposent et multiplient les tentatives. L'odeur de ma clope, l'image du chien, la couleur du ciel. Je ne suis pas convaincu, alors j'inverse, j'essaye d'autres formules sans savoir ce que je cherche, sans avoir la moindre idée du résultat idéal. Je cherche l'unité qui me parlera, un passage éphémère et cohérent, quelque chose à garder pour pouvoir le réécouter autant qu'il me plaira.

J'approche, je sens que je ne suis plus très loin, je remplis des pages de brouillon mental et la forme se dessine, petit à petit.

La porte s'ouvre, on me rejoint sur le toit. Je soupire, tout est perdu maintenant le morceau est brisé. Je tourne la tête et aperçois Basile qui allume sa clope. Je m'apprête à rentrer, déçu de ce moment infécond, pourtant si prometteur. Et puis je me fige, saisi par une impression. L'élément manquant du tableau, la touche finale : la gueule enfarinée de Basile qui fume sa clope les yeux encore collés. Le dernier mouvement.