Compte à rebours

Il éprouvait un profond malaise.
Les codes vestimentaires n'étaient plus les mêmes.
Ce n'était pas vraiment que les hommes et les femmes se confondaient complètement mais il y avait tellement de différences d'apparences à l'intérieur de chaque genre qu'il était difficile de prime abord face à un de ces êtres de dire s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme.
Il savait qu'il devait se rendre à une sorte de rendez-vous, il s'arrêta et chercha le papier dans sa poche. Il nota que certains se retournaient après l'avoir croisé, il se sentait comme un plouc qui arrive dans une capitale, c'est vrai qu'il dénotait grave avec son costume cravate beurre frais.
Il aperçut un tapis roulant comme ceux des aéroports, alors il s'inséra dans la circulation entre deux groupes et en profita pour regarder autour de lui.
Il réalisa qu'il n'y avait ni vieux, ni enfants comme si cette humanité s'était figée dans une tranche d'âge qu'il évaluait autour de la trentaine. Il remarqua en revanche un certain nombre de petits animaux qu'il n'arrivait pas bien à identifier. Quand il put observer plus à loisir l'un d'entre eux, il s'aperçut qu'il ressemblait plus à un robot qu'à un animal vivant et ne put réprimer un petit mouvement de surprise quand le robot en question se mit à tousser.
Il voyait régulièrement les gens piocher dans leurs sacs ou dans leurs poches des pilules de toutes les couleurs qu'ils portaient à leur bouche.
Il descendit du tapis quand il arriva devant un bâtiment qui ressemblait à un immense bateau échoué dans cette cité qui semblait faite de verre et de résine. Il réalisa alors que toute la ville semblait être abritée sous une immense coupole colorée d'un bleu nacré qui changeait de nuances constamment.
Il pénétra dans le bâtiment et s'avança vers un hôte ou peut-être une hôtesse, ses traits étaient fins, sa tête imberbe et chauve, son corps sculptural et il chercha désespérément les indices qui lui permettaient habituellement de classifier tout individu dans son genre.
Quand « il/elle » parla, il opta pour le genre féminin mais il ne comprit pas ce qu'elle lui dit. Il dit alors « je voudrais consulter un rapport, je pense que vous devez l'avoir ». L'hôtesse marqua un petit temps de surprise comme si elle ne l'avait pas compris non plus puis elle lui tendit une petite machine munie d'un clavier avec un mouvement du menton qu'il interpréta comme une invite à saisir le nom du document.
Il écrivit « 21e conférence climat en 2015 Paris sur le changement climatique et ses conséquences ».
Elle inséra alors la machine à l'intérieur d'une autre et l'invita à regarder sur un écran. Pendant un certain temps, il ne se passa rien puis un message : « Rapport top secret, non disponible à la consultation ».
Il se sentit découragé, il n'y avait plus rien à faire. La dernière chance de peut-être pouvoir tout reprendre à l'origine et de changer le cours des choses n'était plus qu'une chimère.
Il allait s'en aller quand il vit une porte s'ouvrir, il fut surpris de voir un autre de ces êtres se diriger rapidement vers lui puis s'arrêter pour échanger quelques mots avec l'hôtesse dans ce langage inconnu. Elle se tourna vers lui et dit « je connais un peu votre langue, une langue ancienne qu'on ne parle plus ici depuis bien longtemps. Je ne sais pas exactement de quelle époque vous arrivez et par quels moyens vous êtes parvenu ici mais j'étais prévenue qu'un jour vous viendriez et qu'il faudrait que je vous remette ceci. »
Elle lui présenta un dossier dans lequel il vit un épais document et des supports de stockage informatique conservés dans une matière qu'il n'identifia pas.

Il s'en saisit, la remercia puis fit le chemin en sens inverse. Il n'avait plus que quelques mois pour se préparer, le compte à rebours avait commencé.