Conte de gnome
Rachel Berthelot
Et si la Princesse était une tête de mule? Pas au sens propre, hein... Mais, moi par exemple, je suis plutôt bornée quand je m'y mets ! Alors, je vous demande une seconde d'oublier les conventions, et d'imaginer... Oui, laissez vagabonder votre imagination, dépassez les frontières du réel et posez-vous cette question : et si, dans un conte de fée, quasiment rien ne s'était passé "normalement" ? Si rien ne s'était passé comme c'était prévu? Je vais vous expliquer...
Donc, notre Princesse est une tête de mule : ordinaire, pas très belle, gentille mais faut pas la chercher... Vous voyez le tableau ? Bon. Ensuite, on va dire que la belle-mère est aussi méchante (sinon on va pas s'en sortir) : elle dit donc à la Princesse de faire toutes les corvées de tâches ménagères imaginables, et ce avant son retour de boîte de nuit. Vous me suivez ?
Là-dessus, la Marraine m'enfoutiste débarque ! Genre sappée comme un sac, mal coiffée et très irritable. Le style qui critique tout et tout le temps aussi... La Marraine qu'on rêve tous d'avoir, en somme. Alors, elle apparait comme ça, en passant par la porte, et trouve la Princesse avachie devant Secret Story. Totalement blasée, elle éteint la télé comme par enchantement (en utilisant la télécommande quoi). Et là, riposte de Tête-de-mule :
- Namého, tu t'prends pour qui la vieille?
Oui d'accord, j'ai oublié de préciser que ce n'est pas un exemple de politesse non plus : bref. Tout en vérifiant la propreté de ses ongles, l'autre fronce le nez pour mieux voir (elle est un peu myope) et dit avec lassitude :
- J'suis ta Marraine, et j'viens t'transformer en Princesse !
... Ce qui déclencha l'hilarité de notre amie. L'autre grimaça et continua :
- T'en fais pas, j'trouve ça aussi stupide que toi. Mais j'dois faire mon boulot, alors debout !
- J'crois pas nan, y a le prime ce soir.
- Bouge-toi ! Tu dois aller danser, hop !
Au bout de, quoi, 2h? Oui bien 2h de négociation, la Princesse daigna lever son popotin, enfiler un truc tout aussi moche que le précédent et rejoint le scooter de sa Marraine. Oui oui, vous avez bien lu : son scooter. Parce que bien qu'elle soit mal sappé (et on reviendra sur ce point dans peu de temps), elle vit avec son époque. Bon, c'est parti ! Direction la boîte !
Donc, elles arrivent, garent l'engin, et vont faire la queue. Une fois devant le videur, elles se font très élégamment et bien évidemment refouler. Je crois même entendre les termes "pauvres" et "mendiantes". Bref. Manque de bol pour celui-qui-voit-clair-comme-de-l'eau-de-roche, la Princesse lui fait une prise de Karaté et l'immobilise à terre. J'ai dit tête de mule, pas idiote ni incapable. Et donc, elles entrent.
Musique à fond, senteurs d'alcools en tout genre et mecs bourrés dans tous les coins. Haha. Se faufilant jusqu'au bar en filant plusieurs coups de coude au passage, les deux paumées demandent à boire au comptoir. Et ce soir, soirée mousse ! Bulles et fumée à volonté ! La Princesse s'empresse donc de se la ramener :
- Tu me fais louper le prime pour ça ?
La Marraine ne prend pas la peine de répondre à ses râleries agaçantes. Elle fait son job, c'est déjà assez barbant comme ça. Les minutes passent, encore, et encore... Plusieurs chansons plus tard, minuit sonne : Princesse se réveille alors et secoue le bras de l'autre endormie.
- On n'est pas censées rentrer ?
- Nan, dans cette version c'est 3h du mat'.
Déçue de la révélation, qui aurait réjoui quelqu'un que je connais bien, elle retourne à son verre. Le regard dans le vague, elle ne voit pas l'homme de la soirée l'approcher. Pas très grand, plutôt mince, il lui dit avec timidité :
- Salut... Tu danses ?
La Princesse regarde celui qui s'avérait être le Prince avec dégoût. Le malheureux... La faire danser, elle? Il avait plus de chance avec une grenouille ! Bref. Elle le trouve moche, niais, et ne se fait pas prier pour le lui faire comprendre :
- J't'ai rien demandé, dégage !
Elle lui tourne ensuite le dos et l'ignore comme s'il n'existait pas. Perdant rapidement sa patience, elle pousse encore une fois sa Marraine et lui lance avant de rejoindre la sortie :
- Allez ramène-moi, ça craint ici, y a qu'des loosers !
Le jeune homme n'avait pas bougé, et est déçu de voir la Princesse s'en aller. Mais avant que l'autre femme ne la suive, elle lui glisse un mot dans la main et maugréa quelque chose comme :
- T'en auras besoin.
Alors que les deux se retrouvent au-dehors, le videur se met à leur balancer une montagne d'injures toutes aussi vraies les unes que les autres : elles atteignent donc leur véhicule au pas de course. Elles courent si vite que la Princesse en perd une tongue... Une fois loin de la boîte, celle-qui-avait-manqué-Secret-Story recommença les reproches. Mais bon, la Marraine se contente de redéposer la casse-bonbons et de lui dire adieu, avant de repartir sur son deux roues. V'là pas une heure qui passe qu'elle reçoit un texto d'un numéro inconnu.
"J'suis l'type avec qui t'as pas voulu danser... C'est ta copine qui m'a passé ton numéro. J'ai ta tongue."
Pauvre, pauvre petit... Naïf avec ça ! Il pensait vraiment qu'elle allait lui donner un rendez-vous romantique pour convenir de leur date de mariage?! Excédée, elle répond un simple :
"J'm'en rachèterais une autre, garde-la."
Et ils vécurent heureux, chacun dans leur trip. Un conte de fée ça? Moi j'dirais un conte de gnome.
Ce texte a été écrit à l'été 2010 par simple envie et a laissé place en Septembre 2010 à un véritable scénario pour mes études.
Merci du compliment ! :)
· Il y a environ 14 ans ·Rachel Berthelot
Bravo!!! J'adore!
· Il y a environ 14 ans ·ko0