Corps donné

franzzzz

Il parait qu'en venant d'Italie t'es
Traité avec moins de brutalité
Qu'un Arabe ou qu'un Syrien
Si tel en est ainsi, bien…

Comme on dit, Charité bien ordonnée,
J'ai donc entendu l'histoire d'un cordonnier,
Venu totalement dépouillé de son pays,
Des Pouilles, contrée lointaine dont le PIB
dépend des tomates et des poules. 

Un admirable type, le cuir tanné,
Par l'Adriatique ou la Méditerranée,
Le genre de jeune travailleur qui n'parle pas français
Sourcils froncés, iris foncée, au fond c'est 

La même Qu'on vienne des Pouilles ou de Corse
On n'est pas du même bois : on a la même écorce.
Et peu importe que cette tête eut été issue du Maghreb
Du moment qu'elle avait eu tous ses papiers en règle…

Notre rital fonda donc son habitat,
En Alsacie à deux pas d'ici bas.
En bon Italien, il parlait mieux avec ses mains,
Que des Français du cru ou certains Alsaciens

 Son potentiel d'artisan, Lui fit vite une renommée assez longue
Pour s'étaler dans toute la région.
Il Faut vous dire Monsieur qu'en Alsacie profonde
les cordonniers ne font pas légion

On trouve bien des serruriers, cordonniers turcs à Mulhouse
Mais je n'en connais pas un qui s'arcqueboute
à savoir réparer les shoes...

Cordons noués, une fois enfilée sa blouse,
Lui il Clouait, frappait, martelait,
Au point que ses voisins se demandaient
"qui est ce qu' il écartelait".

Loin de moi l'envie de leur verser des droits d'auteurs,
Mais ces voisins là aussi se plaignaient du bruit et de l'odeur.
L'odeur de cirage et d'imperméabilisant, s'il est une chose sure,
se mêlait à celles des pieds exhalées par leurs propres chaussures.

Dites moi quels pauvres gens font encore réparer leur souliers ?
A quoi bon être prêts de ses sous si on n'a pas à s'en soucier.
Qu'une vieille puisse avoir son confort et refuse de le perdre
C'est son droit plutôt qu'acheter des grolles de merde à 150 la paire ?

Les sneakers des passants écrasant les délicats mocassins.
Les plaintes se firent plus pressantes, pleines de mots cassants,
Et qu'importe qu'on se moque ainsi de son accent si peu caucasien... 

La basket de plastique, et son confort sommaire,
Voulait se payer le cuir italien, l'écraser sous sa semelle.
L'activité du cordonnier était bien trop sonore
lui reprochait-on son bruit ? en voulait on à son or ?

 Comme un refrain trop connu, les voisins ne voulaient pas de "cela ici"
A l'image de ceux qui parlaient de laïcité en commettant des laïcides...
Les voisins regardant, condamnaient ainsi leur cité,
En repoussant plus loin le commerce de proximité,

Sourire aux lèvres se rendant en voiture à l'Intersport
Pour acheter des chaussures neuves pour l'école.
La mairie en période électorale demanda qu'on se hâte
Et dépêcha les forces de l'ordre afin qu'elles "constatent".

Les voisins réclamèrent alors sur un autre ton, lassés,
"Que la municipalité cesse ce commerce de lacets !"
Et Là c'est Travailleur sans vote face à oisifs électeurs,
La conclusion évidente nous faisait déjà peur.

Non il n'allait pas se faire embarqué !
Alors à son cou il prit ses jambes arquées.
Il décida de quitter l'Alsacie,
Avec tous son matos et sa scie.

Pensant qu'Il n'y avait que sous les cocotiers
Qu'on oubliait de prendre soin de ses chaussures,
Il avait donné de son corps de cordonnier,
Mais on n'en avait pas voulu.

A l'image du made in China pour c'qui concerne les cotonniers
Le quidam à grands coups d'Air Max assassine les cordonniers.
Qu'on soit client ou qu'on soit maire il suffit de descendre sa culotte
Pour mettre plus bas la terre un métier séculaire mais d'avoir le cul propre... 

Mais, il parait qu'en venant d'Italie t'es
Traité avec moins de brutalité
Qu'un Arabe ou qu'un Syrien
Si tel en était ainsi, bien…

Travailleur sans vote face aux oisifs électeurs,
La conclusion évidente faisait déjà peur

Tant que nos pieds ne touchent plus terre
On peut bien marcher dans la merde
Avec des souliers à coussin d'air
On aura beau marcher sur l'autre
On aura l'impression de marcher sur l'eau...

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