Courir après mon père
aile68
Courir après mon père, après l'ombre de mon père, éviter certains mots, les mots de la fin, ceux qui mettent les gens au placard, sauver Willy, sauver ce qu'il reste à sauver, des bribes de nous. Où sont les naufragés, les esseulés, les rescapés, jouer sa vie, jouer sa ..., c'est une question d'équilibre, entre moi et moi, il n'y a plus rien à dire, plus rien à construire, qu'un mausolée de pierres qui glissent vers Dieu. S'enfuir, construire autre chose, déchirer la vilaine peau de chagrin, marcher, cheminer sur un chemin de sable, droit vers la mer et plonger. Crever la surface de l'eau, pénétrer dans un monde qui s'ouvre à moi, tout est lisse et sombre, à demi voilé, silencieux, étouffé. Rejaillir à l'air libre, la ligne de l'horizon est bien loin, jamais je ne l'atteindrai, toujours elle me devancera. Des bateaux voguent dans le lointain, j'aimerais être l'un d'eux, laisser dire mais ne pas laisser faire, telle est ma devise, ce soir.
Navigateur au long court, ou navigatrice c'est mieux, j'apprends la voile sur un bateau taillé à ma mesure, je n'ai jamais eu peur de l'eau, je peux nager comme un poisson, prendre le large et revenir à mon père, mon père. Figure paternelle, figure de chair et de feu, comme ma mère. Instants partagés, instants adoubés, retrouver la langue de mes origines passées, les doubler d'un manteau de velours, chaud comme la laine épaisse en hiver, laisser loin derrière ce que je n'ose nommer et que je ne nommerai pas. Faire la révolution, faire la paix avec la terre natale, je suis née dans une petite commune de France à l'époque où l'on n'avait pas tous la télé, on se retrouvait tous autour de la grande table de la salle à manger pour les photos de famille, les jours de fête et de baptême. Ce que je dis, ce que je fais, je ne sais pas, je babille comme quand j'étais petite, je ne m'en souviens pas, j'étais trop petite, petite et en robe blanche.
Je suis retournée dans ce petit coin de ville où je suis née, une grande fresque vous accueille à l'entrée de la ville, c'est coquet, un cours bordé de platanes vous mène à des petits immeubles, des cubes comme des jouets. Ce que je retiens de cette ville, c'est l'amour de mes cousines, une affection indéfectible, rassurante qui appartient à l'enfance. Mon père avec sa casquette, ma mère, figure maternelle par excellence, des photos de famille, chères à mon coeur, à mon coeur et mes souvenirs. Au risque de me contredire, je n'aime plus trop me souvenir, je vis dans un présent enchanté où un archange veille sur moi et sur ma famille.
Très beau texte. Nous vivons tous cela de manière très différentes mais c'est très bien exprimé ici.
· Il y a 5 mois ·daniel-m
Merci daniel!
· Il y a 5 mois ·aile68