CrazyBird
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"Effleurant le baiser d'un ange..."
Ella tentait une dernière fois de se remémorer paroles de cette simple chanson, sans succès immédiat. Assise face à une fenêtre sans vitre, mais ornée de barreaux en fer rouillé, le temps passait lentement. Trop lentement.
Cette jeune femme toute frêle se balançait sur sa chaise grinçante, les lèvres murmurant des bribes de mélodies inconnues. La pâleur du paysage la laissait maintenant de glace, malgré son intérêt constant pour les passants vifs comme l'éclair. Elle les regardait traverser la rue, sans pouvoir faire plus qu'admirer leur vie. C'était tellement bête de ne pas avoir de vitre pour estomper les rires de enfants, les chants des oiseaux, les gazouillements de l'amoureux de l'immeuble d'en face. Pourquoi elle n'en avait pas ?
Peut-être parce qu'elle avait tenté une fois de se trancher la gorge avec les bouts de verres, précautionneusement arrachés à leur nid d'un coup de tête. Elle y était presque, mais le cinglé de la chambre 12 avait alerté les médecins, hurlant avec sa voix criarde qu'une tarée essayait de se tuer.
Ella jura qu'un jour elle atteindrait son but, et que pour que personne ne l'entende, elle se promit de ne pas crier, même quand la douleur deviendra insoutenable.
Mais d'abord elle voudrait régler certaines choses.
Ça y est ! Ça lui revenait doucement.
"Effleurant le baiser d'un ange, je suis née de la griffe d'un vilain démon..."
- Hé Crazybird !
Les yeux d'Ella convulsèrent, elle empoigna le dossier de son siège avec une fermeté malsaine. Les jointures de ses doigts devinrent blancs, puis rouges, et enfin un craquement au creux de ses phalanges la fit lâcher prise.
Les jeunes du quartier voisin passaient souvent par là, des adolescents de son âge plus précisément. Malgré la folie dont tout le monde l'accusait, Ella était une fille d'une beauté effrayante. C'est la première chose qui amenait les gens à sa rencontre, mais c'est son attitude froide et étrange qui retenait une petite poignée d'entre elles. En apparence, elle ressemblait à un petit oisillon un peu maigre et duveteux, mais attirant.
Au fond d'elle, tout le monde avait déjà remarqué une étincelle de folie, mais personne autre que les docteurs ne savaient jusqu'à où pouvait la mener son esprit. Voilà d'où lui venait son surnom.
Cette fois il s'agissait d'un petit groupe de garçons, vêtus de leurs chemises blanches et froissées qui leur servaient d'uniforme. Ella, dans sa rage soudaine, les trouva fort attirants. Elle se mordit la langue jusqu'au sang, peut-être que comme ça sa haine et son soudain intérêt n'en s'entrechoqueraient pas
- Le ciel est beau Crazybird ? demanda l'un d'entre eux un sourire aux lèvres.
Ella se leva de sa chaise et saisit doucement les barreaux de sa chambre, l'une de ses phalanges était déjà un peu violacée, et elle appuya sa tête un peu durement contre les rebords de sa fenêtre. En les regardant d'aussi haut, un petit sourire se dessina sur les lèvres d'Ella.
Ils pouvaient rire, mais d'une telle hauteur, elle n'avait qu'à faire passer son plateau repas par les barreaux, et fracasser le crâne d'un des voyeurs rien qu'en le lâchant. Elle imaginait le jour où elle serait en face d'eux, tout ce qu'elle pourrait leur faire subir.
"Effleurant le baiser d'un ange, je suis née de la griffe d'un vilain démon. Et la meilleure façon de vivre de cette malédiction..."
Elle avait déjà en tête leurs visages, tordus de peur, figés dans le temps. Leurs membres brisés et inclinés dans tous les angles imaginables. Le sang, du sang, des bouts de chairs ici et là, des restes d'écho, des craquements de voix et d'os, des chemises rouges et noirs.
- Il fait très beau, murmura-t-elle avec ce sourire dont elle avait le secret.
- Tu sors quand ?
La voix du dernier lycéen contenait une étonnante sincérité, aussi fébrile et craintive qu'un petit chien. Ella se jura intérieurement qu'il serait sa première victime.
"Effleurant le baiser d'un ange, je suis née de la griffe d'un vilain démon. Et la meilleure façon de vivre de cette malédiction, Est de n'en parler à personne, Mais de l'exprimer par des gestes."
- Quand je veux.
Le jeune garçon un peu froussard leva les yeux vers elle, mais ne la vit pas. Il n'y avait qu'un bout de barreau tranchant entre ses deux paupières.
Cest a la fois beau, poétique et hyper stressant et inquiétant! Bravo jadore!
· Il y a environ 9 ans ·Lou
Mille excuses pour le retard ! Et merci beaucoup :3
· Il y a environ 9 ans ·Je vais bientôt me remettre à lire tes écrits, ça fait longtemps que je ne suis plus passé en sur WLW.
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