Criminalité transnationale

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Certains pensent que le crime organisé représente une menace pour l’État, d’autres suggèrent au contraire qu’elle ne serait pas rendue possible sans la complicité de celui-ci. Qu’en pensez-vous?

À la lueur des textes de cette session, nous constatons que la criminalité transnationale devient un enjeu de sécurité primordial, qui engendre moult préoccupations majeures telles que: « corruption,fuelling conflict, damaging ecosystems, poisoning lives and exacerbating poverty » (Picarelli) et participe au déclin de l'État-nation en ce qui concerne ses responsabilités régaliennes.

Avant de présenter l'ampleur de la menace des groupes transnationaux criminels au sein de nos sociétés, de leurs relations complexes qu'ils entretiennent avec le secteur privé comme public ainsi que les conséquences néfastes qu'ils engendrent, il serait bon de les définir. Qu'est-ce qu'une organisation criminelle transnationale? « According to the UN Convention, a transnational crime group is one comprising three or more members who are organized for a set period of time before and after they act in a coordinated manner to commit a ‘serious crime' for the purpose of obtaining financial or other benefit. » (ibidem).

S'il y a bien une question qui fait l'unanimité c'est celle de leur impact sur l'économie nationale comme internationale: « le crime organisé a un besoin structurel d'imbrication dans l'économie légale, publique comme privée » (Monnet, ) de ce fait leur activité représente « between 5 and 20 per cent of GDP perannum, making the illicit political economy a significant source of global revenues. » (Picarelli). Il me semble que leur rôle économique est renforcé et facilité par la libéralisation de l'économie mondiale, au sein de laquelle de nombreux acteurs se côtoient et dans laquelle de nombreuses stratégies sont mises en place afin de forcer le profit et la coopération. De ce fait, les groupes criminels transnationaux y trouvent leur place au même titre que les banques, les entreprises, les états etc…

 Qu'est ce que leur place dans l'échiquier économique mondial nous apprend? Je constate une relation entre secret et lumière avec le secteur public comme privé: « le crime organisé a un besoin structurel d'imbrication dans l'économie légale, publique comme privée » (Monnet). Comment cela se retranscrit-il? L'État, devant la place gargantuesque que prennent ces groupes deviennent des partenaires officieux: «The grey market is the most difficult to control since it involves state authorities and appears legal until the final stage of the transfer. » (Picarelli). Par exemple: « le secteur du traitement des déchets qui, en Italie, est détenu à 30 % par des entreprises contrôlées par les différentes mafias locales » (Monnet).

 Cela sous entend une certaine corruption et faiblesse du gouvernement à laquelle je consacrerai une partie de ce précis. Du côté des entreprises, les tentacules du crime organisé transnational se trouve en amont comme en aval de tous les processus. Qu'ils soient partenaires, prédateurs, propriétaires ou bourreaux, ils s'installent au sein de l'économie privée et en contrôlent une large partie: « Cependant, la conception et la fabrication d'un volume de contrefaçons représentant un marché annuel de 250 milliards de dollars ne peuvent s'opérer que dans le cadre d'une autre forme de relation de l'entreprise avec le crime organisé : la coopération. » (Monnet).

Il ne s'agit là que d'une sorte de relation mais l'auteur stipule qu'elle se dénombre surtout au nombre de trois: parasitisme, prédation et coopération. Elles s'articulent autour de blanchiment d'argent par le biais des entreprises, d'insertions au sein de leur système, de menaces et de partenariat. Un exemple criant est celui de la Camorra (groupe mafieux Italien) qui par le biais d'un fournisseur APPLE a pu: « distribuer ensuite les faux smartphones via des milliers de points de vente clandestins ou légaux dans les pays visés. » (ibidem). Il est important de constater que même d'un point de vu légal, ils ont pu acheminer leur marchandise.

La problématique principale que suggère le thème de cette session est celui de l'usurpation du pouvoir étatique par ces organisations. En effet, leurs activités engendrent un affaiblissement des gouvernements et causent une perte de confiance de la part de civils «L'émergence de groupes d'autodéfense symbolise ainsi l'incapacité des institutions à juguler la diversification criminelle, principalement du fait de la corruption et de l'infiltration du crime organisé au sein même de la police et du système judiciaire » (Marijn). Cela pose un véritable problème dans le sens où la mission première d'un état est d'assurer la sécurité de ses citoyens, de ce fait l'initiative citoyenne ici présentée fait écho à un véritable échec de la part du gouvernement mexicain.Cela est dû au fait que la corruption est désormais monnaie courante dans le fonctionnement de nos états: « [corruption] can have a deleterious impact on the social cohesion of states, undermining their ability to project power. Widespread corruption often leads to a breakdown of the trust and legitimacy publics have in states. » (Picarelli).

La video de The guardian sur les esclaves des mers en Thaïlande au profit de l'industrie de la pêche est très explicite à ce sujet, une des personnes interviewées est un policier corrompu qui se fait payer par les trafiquants d'esclaves afin de faciliter et de protéger les activités. On compte parmi les corrompus « corrupt brokers, police and officials » qui ferment les yeux sur cette industrie déplorable d'asservissement. Mais cette corruption se retranscrit de l'autre côté des frontières par une indifférence insultante de la part de la communauté internationale qui est au courant de ce phénomène mais pour des raisons économiques ferme les yeux ou au mieux joue la moralisatrice modérée.

« According to this view, crime groups are not only contributing to the decline of sovereignty as the central ordering principle for world politics but are also directly challenging the authority of states. » (Picarelli). L'État et sa souveraineté sont en danger car il semblerait qu'il soit finalement dépendant de ces acteurs par la place prédominante qu'ils prennent dans l'économie. De plus, d'un point de vue politique ils joue un rôle car leur activités illégales/légales se font au détriment de la place de plus en plus restreinte qu'occupent les gouvernements. Ils désarçonnent le système et écrivent de nouvelles règles auxquelles les États semblent se convertir malgré eux: « L'économie publique peut être attrayante pour l'investissement mafieux : détenir une partie de la dette d'un État peut, ainsi, permettre à une mafia d'accroître son contrôle sur l'État considéré. » (Monnet).

Ce dernier postulat de l'auteur est un scénario cauchemar mais qui ne relève plus du fantasme. En effet, s'ils sont capables de contraindre des multinationales par l'argent ou par la force, il ne s'agit que d'une question de temps et de moyens plus colossaux afin qu'ils déploient leurs tentacules non plus autour mais au sein des institutions gouvernementales si tel n'est pas déjà le cas.

– La création de groupes d'autodéfenses en réponse à l'incapacité des autorités à assurer la protection des citoyens vous parait-elle légitime? 


Montréal, automne 2015

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