Crocodile

caiheme

Si j'étais crocodile

Si j'étais crocodile, je passerais les heures dans l'eau vaseuse des rivières, à apparaitre et disparaitre dans des nuages de terre, lentement, machinalement, mécaniquement.

Je me poserais pile sur le rivage, les crocs à l'air, je sécherais ma peau âpre et rêche. Avec mes compagnons de cauchemar, côte à côte comme des troncs d'arbre craquelés nous serions ces spectres d'arbres que la forêt laisse comme cadavre quand elle a cramée. Nous ne dormons pas, nous observons, nous caressons les grains de sable qui crissent sous notre carcasse.

Sur la plage, au bord de l'eau, croquant, craquant des corps. Odile regarde nos gueules ouvertes, elle s'approche de nos canines, Odile est trop prés.

Odile, c'est ce qu'ils criaient quand la mâchoire s'est refermée.

Dans ma peau de reptile, je rampe à travers le fluide, dans le Nil, je suis le fil, je baigne mes écailles, doucement, tranquillement, machinalement.

Je ne vais pas entier en  ville, juste par fragments, par morceaux. Vilain ceux qui me font sac à main, crocodile urbain, je deal en ville, les crocs à cran et le cran d'arrêt pour trancher les crasseux carrés bruns, ces rectangles à rêves qui s'effritent et s'accrochent à la paume quand le briquet scratche.  Crocodile des bars et du goudron, je crève ma peau, respirant la came cramée de mes cônes incendiés. Le visage ravagé, des trous dans le crâne et les tissus, je l'accoste, n'espère pas et n'attends rien, le hasard fait mon chemin. Je tire mes feuilles et roule ma cale. Aspirant, crachant le gris, crocodile de nuit, carnassier de la vie, je crèche en elle, calmement, je l'accroche et la crochète.

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