croix de bois, croix de fer

Paloma Martin Prada

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Synopsis

La premiere chose à laquelle pense Martin en se réveillant , c’est Candice. Ses yeux moutarde, ses toutes petites oreilles. Et son rire qui te fait croire que tous les jours c’est la fête. La fête d’un jour nouveau. Quand Candice le regarde, Martin se sent grand. Et fort. Et capable de dire aux 6emes qu’il faut arrêter de pousser les filles maintenant quand même.

Candice est douce, beaucoup plus que Ouin-Ouin le lapin de Martin aux oreilles déchiquetées et à moitié trépané à force d’avancer crâne au sol. Martin n’a plus besoin de Ouin Ouin puisqu’il a son amoureuse.

Candice et Martin. A l’école. Toute la journée petite main dans petite main et bouche près de l’oreille. Depuis qu’ils connaissent leur orthographe ils s’écrivent  même quand ils sont à côté et le soir, ils glissent des mots sous les paillassons, c’est leur cachette secrète. Après le CM2 ils vont se marier, c’est décidé.

Mamie Titi, la grand mère déglingo adorée de Martin lui a dit que c’était possible de se marier quand on veut. L’important c’est de s’aimer du plus profond de son cœur même s’ il est tout petit. Et que pour les faux papiers elle connaît des gens de toute façon.

Sara, la maman de Martin dit qu’il ne faut pas écouter tout ce que dit Mamie Titi parce qu’elle vit dans un monde parallèle. Mais Martin n’a jamais compris ce qu’était une parallèle et avec Mamie Titi il rigole.

Tout le monde habite Boulevard Barbes au numéro 25. Au premier etage Martin, ses parents Sara et Joseph et Plume aussi la petite sœur qui crie tout le temps à cause de ses dents ou d’une déformation de la bonne humeur.

Mamie Titi organise des tournois de Bingo au 6eme depuis que son mari est parti-au-ciel-paix-à-son âme. Chez Martin on dit qu’avec beaucoup d’amour on guérit de tout, même des maladies bizarres de Mamie Titi. Les paquets de piles qu’elle emprunte au G20 et le wisky aussi, les parties de cartes au marché Saint Pierre, les machines à sous, le tiercé… Martin aime Titi mais elle ne guerit pas beaucoup.

Au 3 eme etage, chez Candice on ne parle pas la langue de l’amour. Et d’ailleurs maintenant on ne se parle plus. Du silence. Alors Candice descend au 1er et personne ne s’en aperçoit. La guerre entre grands ça rend aveugle et sourd. Mais Candice n’est pas triste parce que depuis la guerre polaire, il y a Martin. Pourtant, elle sent bien que quelque chose de pas très net se prépare.Martin lui a dit d’arrêter de faire de l’inquiétude de sorcière parce que ça donne des trous dans l’estomac. Mais les antennes de Candice sont de première catégorie.

Un soir, après les vacances de février, les parents de Candice l’attendent sur le canapé. Tous les deux. En même temps. Et dehors il fait encore jour. Ils ne demandent pas d’enlever le manteau-les chaussures (à cause des microbes) ni le cartable qui doit toujours être dans la chambre ou alors quelqu'un meurt sur le champ d’un coup instantané. Ce soir là,  rien n’est normal alors Candice grimpe sur le canapé avec tout son matériel. Elle écoute : « Papa et Maman sont dans l’obligation de se séparer et tu vas partir à Bordeaux vivre avec Maman » Candice ne sait pas où est Bordeaux mais c’est sûrement après la porte de la Chapelle et beaucoup trop loin de Martin. Elle ne dit rien mais elle vomit. Sur le canapé, exprès, «  Tiens Maman, du microbe »

Elle ne veut pas vivre avec Maman, ni Papa, ni leur têtes de déterrés et leur tristesse toute collante. Elle veut Martin.

Tout le monde pleure au 1er etage. Même Mamie Titi qui n’a pas versé une larme depuis la libération de Paris. Elle tape sur l’ecran de l’ordinateur et lui parle pour  qu’il visualise cette ville maudite qui va séparer les plus beaux amoureux du monde.

Paris Bordeaux : 590 km. Martin aide Titi parce qu’il sait qu’on doit toucher le clavier pour avoir des réponses de l’informatique. Il regarde fixement les kilomètres puis Mamie Titi. Il s’arrête de pleurer, net d’un coup. Mamie lui a dit quelque chose avec les yeux et c’est un secret croix de bois, croix de fer.

Cette nuit là, Martin et Candice dorment dans le tipi de Martin. Et Mamie Titi juste à côté. Sara et Joseph entendent des pia-pias très très tard.

Leur décision est prise, à tous les trois. Candice devra partir à Bordeaux pour que personne ne se doute de rien. Ils pourront se voir grâce aux ordinateurs, faire comme si de rien n’était pour ne pas eveiller les soupçons .Et Martin, aidé de Titi viendra délivrer Candice à Bordeaux, lui, chevalier de Barbes Rochechouart.

Titi va récolter un joli magot pour le voyage et remonter dans une voiture. Elle sait très bien conduire, elle l’a fait pendant 30 ans jusqu’à ce qu’elle écrase plusieurs chiens et que la police commence à s’en mêler. Martin va amasser matériel de survie et nourriture.

Pendant ce temps Candice va regarder sa Maman pleurer, beaucoup, et ne plus voir son papa qui est définitivement très occupé.

Ils attendront les vacances de Pâques, pour ne pas trop fâcher les parents qu’on aura bien sûr évité de prévenir. Les parents ça ne comprend rien à l’amour et au mariage.

De petits secrets en grands complots,Titi va retrouver toute sa tête.

Elle avait juste besoin d’aventure.

Sur les routes, en train, à pied, Bordeaux n‘est pas si loin pour deux petits cœurs aimantés et une mamie déglingo.

Premieres pages@font-face { font-family: "Times New Roman"; }@font-face { font-family: "Courier New"; }@font-face { font-family: "Wingdings"; }p.MsoNormal, li.MsoNormal, div.MsoNormal { margin: 0cm 0cm 0.0001pt; font-size: 12pt; font-family: "Times New Roman"; }table.MsoNormalTable { font-size: 10pt; font-family: "Times New Roman"; }div.Section1 { page: Section1; }ol { margin-bottom: 0cm; }ul { margin-bottom: 0cm; }

J’aime bien mettre le DVD dans ma tête de la premiere fois où j’ai vu Candice.

Madame Poirsin avait recommencé avec ses triangles isocèles et ses ronds tous moches. Très tôt, juste après le petit déjeuner, ça me fait de l’aigreur dans le ventre. Mais d’un coup, elle a posé sa craie parce que la directrice a ouvert la porte sur une maman à tête pas commode et une petite fille aux cheveux rayons de soleil. J’étais entrain de tripoter mon éponge à tableau et je ne sais pas comment mais je l’ai mise dans ma bouche.

« Je vous présente Candice ».

Et là, j’ai entendu son prénom en canon comme quand on chante « vent frais vent du matin ». Et ça ne voulait pas s’arrêter. Jamais je n’avais vu une personne aussi belle de toute ma vie entière. Comme si j’avais vu Jésus et ses copains tous les saints.

Elle a tourné la tête dans le fond de la classe et elle nous a vu. Moi.

Et mon éponge. Quand ses yeux sont arrivés sur les miens, ça m’a fait des picotements au bout des doigts et j’avais envie de tomber dans le coton comme à la prise de sang ou chez le dentiste. Mais j’avais pas peur.

Maintenant je savais ce que j’allais faire toute la journée : protéger la fille aux cheveux en rayon de soleil.

Je n’ai plus du tout entendu la voix de Madame Poirsin jusqu’à l’heure des papas et des mamans qui s’appelle comme ça alors que les papas ils viennent jamais.

J’ai pas fait exprès de plus l’entendre la maîtresse, c’est mes oreilles. Et j’ai regardé les cheveux de Candice, de dos. On l’avait mise à côté d’Ethan et ça c’etait pas une bonne nouvelle. Personne n’a jamais voulu s’asseoir à côté de lui. C’est pas un garçon, c’est une bête. Il parle pas mais il tape. Si jamais il la touche , je lui fait tomber toutes ses dents l’une après l’autre. Mais là, à côté d’elle il avait pas l’air énervé. Plutôt tout abruti et un peu au ralenti aussi. Candice elle fait du ralentissement général. Comme les fées mais les fées ça n’existe pas c’est ce que je dis à Plume, ma petite sœur-monstre.

A la récréation il est resté collé tout à côté d’elle et moi j’ai surveillé comme un policier qui planque tout. Je crois pas qu’elle me regardait mais maintenant elle me dit « que si que t’es aveugle ou quoi ? »

Candice elle est très aimable avec tous les gens, pas comme ma petite sœur  qui va devenir un assassin ça j’en suis sûr. Et Candice elle ne s’énerve pas souvent et elle est toute douce.

Plume, elle fait le même bruit que la radio quand elle est déréglée avec le son à fond. T’as envie de sauter par la fenêtre plutôt que de l’entendre. Et elle fronce des sourcils. Surtout quand elle me regarde parce qu’ elle me déteste juste quand je suis là et que j’ai rien fait du tout. Mamie Titi elle me dit qu’elle a « le vice celle là » et que je vais en « chier des ronds de chapeaux » mais je comprends pas tout ce que dit Ma Titi.

C’est parce que Titi elle a un peu laissé sa tête à côté d’elle. Elle veut toujours jouer à tout, et parier, et moi , je perds toujours l’argent de la baguette et Maman elle dit qu’elle en a marre de ne jamais manger de pain. Titi elle s’occupe de moi, avec sa tête cabossée et moi aussi je m’occupe d’elle. Pour pas qu’elle aille en prison par exemple.

Et le premier jour de Candice c’est Titi qui est venue me chercher à l’école.

« J’ai vu quelque chose Titi. Enfin pas quelque chose, une personne »

«  un flic ? t’as vu un flic. Il me suit, j’en etais sûre..mais t’inquiète mon coco, Titi elle est plus forte que ça, elle..

«  Mais non Titi, je te parle d’une fille. »

«  ah ! une fille, tu m‘intéresse là, c’est bien mon petit bout, c’est bien ça »

Et paf Candice elle est sortie de l’ecole et mamie Titi elle a tout de suite compris qui c’était, pas besoin d’expliquer.

- Tu vois, c’est un coup de Jesus Titi.

- Mais Jesus, qu’est ce que tu racontes, qui l ‘a vu Jesus, c’est n’importe quoi, des histoires à la mort moi le nœud. Mais dis donc mon martin, elle t’a fait un sourire hollywoodien ta princesse. On peut dire que c’est une affaire qui roule.

- Arrête, c’est pas drôle.

- Mais je rigole pas, j’ai l’air de rigoler là ? Bon, je suis sur l’affaire mon pèpère. Je t’explique. Je vais à la crèche, je ramasse le paquet qui râle en 2/2 et toi, pendant ce temps tu t’approches de la cible pour faire patienter. Vas y accèlère.

Je fais comme Titi a dit. J’avance comme mon hélico télécommandé et je me retrouve à côté de Candice.

- Toi c’est Martin ! et elle me fait un sourire avec des dents blanc craie.

Ça me refait le coup de la prise de sang mais je m’enfonce le pouce dans la main pour rester réveillé.

Là c’est comme si j’étais deux, l’autre Martin à côté de moi. Elle est avec une dame qui a mis toute sa tête dans un plan de Paris et a l’air drôlement dans l’embarras des rues.

Mais je peux pas l’aider parce que là, je suis pas vraiment moi . Je raconte n’importe quoi à Candice, je fais des blagues pas drôles mais elle rit quand même. La dame, elle rigole pas du tout. Même on dirait qu’elle va pleurer par terre en tapant des pieds. J’ai fait patienter. Je vois Titi qui revient.

J’entends même pas Plume qui crie en essayant d’arracher sa cagoule. Elle est toute rouge, en nage mais Titi et moi on est sur une affaire bien plus importante.

Candice dit qu’elle habite dans mon immeuble et je dis que c’est pas possible parce que c’est moi qui habite là.

C’est là que Mamie Titi est trop forte. Elle fait sa grand mère normale, elle prend une autre voix comme la grand mère du petit chaperon rouge et elle dit «  oui bien sûr ,vous venez d’arriver au 3eme etage, j’ai vu les déménageurs. Très jolis garçons. » Bon les garçons elle etait pas obligée mais quand elle fait la trop normale, ça déraille toujours.

-       Et bien vous allez nous suivre, c’est plus pratique et Plume, tu la mets en veilleuse parce que là on s’entend plus penser.

La dame au plan elle dit avec un air de  j’ai croisé le Père Noël en allant aux toilettes  : « ah oui ça c’est une bonne idée » .

Et c’est comme ça qu’avec Candice, la dame guide du routard, Titi et Plume on est tous rentrés Boulevard Barbes, dans notre maison. On fait comme ça tous les jours, sans la dame parce qu’elle a dû partir faire le tour du monde à l’envers.

Parfois Titi nous fait des gateaux de son invention, avec du ketchup par exemple et c’est vraiment pas bon du tout du tout mais avec Candice on dit rien et on mange tout doucement même si on a l’impression qu’on va mourir. Plume, elle jette les bouts sur le mur, comme ça c’est clair.

Le soir, quand Candice est obligée de rentrer au 3eme etage, on se fait des mots, des dessins ou aussi des collages. L’autre jour Candice elle m’a collé des robes de mariées sur plein de pages. C’est parce qu’elle veut qu’on soit un mari et une femme. Et moi je veux. Mais je sais pas où acheter toutes ses robes et peut être qu’une seule ça suffit. Mais Candice elle dit que quand on a un mari pour toute la vie il faut s’habiller tous les jours avec une robe de Mariée, c’est de la preuve de l’amour. Maman elle met un jean et elle aime Papa, ça je sais. Mais si Candice elle dit, moi je fais pas de contrariété.

Parce que ses parents, ils sont vraiment pas commodes. Sa maman elle parle toujours de « la propreté, la propreté ». Ca doit être pour ça qu’elle fait pas de câlins à Candice, à cause des microbes. Candice elle dit qu’elle s’en fiche mais parfois, quand même, elle marche exprès avec ses chaussures sur le lit de ses parents.

Ce soir, Candice est remontée chez elle mais elle va revenir avec son pyjama et c’est trop trop la fête comme c’est pas possible.

Alors moi j’ai pris des draps tous propres dans la buanderie parce que Candice elle aime bien quand ça sent le propre et j’ai enlevé toutes mes peluches de mon lit. Et aussi les vieux bouts de gateaux, les papiers pour faire les brouillons des lettres pour Candice et mes kleenex aussi. Tout propre.

De toute façon Maman a dit qu’on ne va pas dormir dans le même lit. Candice dans mon lit et moi sur le matelas avec de l’eau dedans qui me fait un peu mal au cœur parce que ça bouge tout le temps. Si on ne dort pas ensemble, c’est normal parce qu’on est pas encore mariés. J’espere que Plume elle va pas faire ses crises de Céline Dion où ça te pique les oreilles tellement elle crie. Elle est dans sa chambre, après le salon mais ça me fait toujours comme si elle etait tout à côté. Je suis sûr qu’elle dit des mots maintenant ma petite sœur mais comme elle les dit en criant, je comprends jamais rien. Titi elle dit que celle là c’est une tête de caillou et puis c’est tout.

J’avais pris un bain avant de mettre les nouveaux draps mais là, j’ai fait de l’exercice alors il faut que je recommence. Maman elle me regarde bizarrement mais en même temps elle regarde Papa et ils font des gloussements. Et je fais ma coiffure de danseur de Tango comme dit Titi. Je suis prêt et même plus que prêt.

Peut être avec Candice, on va danser un peu, avec de la musique que dans nos têtes, ça on aime beaucoup.

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