Tombée dans la couscoussière

missbrownie

Synopsis:

Juliette a 23 ans et pour la première fois de sa vie, elle est amoureuse au point de prendre l'avion et de débarquer dans un pays du Maghreb dont elle ne comprend pas la langue pour rencontrer son hypothétique future belle famille. Un sacré pas pour elle.

Entre déceptions, surprises, joies et peines, Juliette va découvrir une nouvelle culture, une autre façon de penser que la sienne, mais aussi une autre facette de la personnalité de Sami, son petit ami, qu'elle ne connaissait pas encore. Elle vivra de nombreuses situations cocasses qui ne manqueront pas de la déstabiliser. Un voyage qui la marquera à vie.

Ces 3 semaines en Terre inconnue, renforceront-elles son amour pour Sami ou au contraire signeront-elles l'arrêt de mort de leur couple ?


I. Quelque part au dessus de la mer méditerranée, dans un avion se dirigeant vers le Maghreb, se trouve Juliette.

Juliette est saine de corps et d'esprit et pourtant, elle vient de s'embarquer dans une histoire abracadabrantesque mais cela, elle ne s'en doute pas encore.

Assise au siège 13A, côté hublot, Juliette fait semblant de dormir. D'ailleurs, elle fait semblant de dormir depuis le début du vol pour échapper aux conversations de sa voisine, une veille femme du bled un peu trop curieuse qui aimerait bien lui poser mille et une questions sur sa vie.

Finalement, avoir choisi le côté hublot n'aura servi à rien car Juliette n'aura pas pu profiter pleinement de son premier voyage en avion.

23 ans et première fois qu'elle prend l'avion. Plutôt étonnant pour une jeune fille dynamique comme elle.

Prendre l'avion n'était pas dans le top 10 de sa ToDo liste des choses à accomplir avant ses 25 ans. Bien au contraire. Voler au dessus des nuages, ne plus voir la terre ferme, subir les perturbations, se sustenter d'un plateau repas infecte, pas plus appétissant que celui servi dans les hôpitaux, tout cela ne la tentait pas.

Pourtant, aujourd'hui, Juliette est belle et bien là et sa présence n'est pas anodine. Aujourd'hui est un grand jour.

Pour la première fois de sa petite vie, Juliette est amoureuse. Réellement amoureuse! Sinon, pourquoi aurait-elle fait la folie de prendre l'avion seule?

Se repérer seule dans un aéroport n'est pas chose aisée. Juliette a bien eu du mal à retrouver son chemin dans les méandres des couloirs de l'aéroport. Elle a parfois eu envie de pleurer, d'abandonner et de rebrousser chemin. Pourtant, c'est bien elle qui est assise dans cet avion. Seul le véritable amour, celui que l'on pense pouvoir durer pour toujours pouvait motiver Juliette de cette façon.

Déjà un mois que Juliette et Sami, son petit ami, ne se sont pas vus. A 23 ans, un mois semble être une éternité. Mais d'ici quelques heures, les amoureux seront coller serrer dans les bras l'un de l'autre. Du moins, c'est ce que Juliette imagine en ce moment, les yeux clos.

"Mesdames et Messieurs, veuillez regagner vos sièges et attachez vos ceintures, nous allons entamer notre descente... "

En entendant l'annonce de l'hôtesse de l'air, Juliette n'a pas besoin de regagner sa place, elle ne l'a pas quittée de tout le vol. Elle n'a pas besoin d'attacher sa ceinture, elle ne l'a pas détachée. Elle sent juste une boule d'angoisse se former au creux de son estomac et la nausée monter. Finalement, Juliette n'a plus hâte d'atterrir.

Soudain, Juliette est en hyperventilation. Sa seule solution est d'attraper le sac à vomi et de respirer dedans pour se calmer.

Si Juliette panique ainsi, c'est parce que son voyage n'est pas un simple voyage de vacances. Elle ne vient pas passer une semaine en club all inclusive avec son petit ami à profiter du soleil et de la piscine. Non, si elle débarque aujourd'hui au Maghreb, c'est pour être présentée à la famille de Sami. D'ailleurs, elle passera même ses 3 semaines de vacances en immersion totale, logée dans la famille. Pas de chambre d'hôtel au programme. Une bonne raison pour elle d'angoisser !

II. "Respire, respire Juliette, tout va bien se passer. Ce n'est pas parce qu'il fait une chaleur à crever que tu vas avoir un malaise..." pense intérieurement Juliette.

En sortant de l'avion, Juliette est au plus mal.

"J'aurai du penser à m'acheter une petite bouteille d'eau... Si je n'avais pas été contrainte de jeter la mienne à la douane, je ne serai pas dans un tel état. J'aurai pu me désaltérer dès mon premier doigt de pied sorti de l'avion, lunettes de soleil sur le nez et cheveux au vent. Enfin, je n'appellerai plus cela  du vent, c'est plutôt le sirocco! Je vais défaillir!" maugrée-t-elle.

Juliette ne pensait pas qu'il ferait si chaud. A quoi s'attendait-elle? Elle est dans un pays du Maghreb, là où il fait minimum 40° en été, elle n'est pas en Bretagne! Logique qu'elle ait chaud. Elle devrait même plutôt s'en réjouir en pensant à son future bronzage qui fera baver de jalousie ses collègues quand elle rentrera.

Juliette fait alors un effort pour se focaliser sur les minutes qui s'égrainent doucement, la rapprochant à chaque fois un peu plus de ses retrouvailles avec Sami.

Le soleil lui tape sur la tête et elle se sent totalement desséchée, même de l'intérieur.

Et si elle faisait un malaise en descendant les escaliers?

Et si elle trébuchait aveuglée par le soleil?

Au pire, il y aurait toujours un beau steward pour la rattraper au vol, non? A moins que ce ne soit un agent au sol qui lui fasse du bouche à bouche. Sauf que cette option ne lui convient absolument pas! Les agents en question portent tous la moustache. Elle déteste les moustaches. Même un Brad Pitt avec la moustache ne lui fait aucun effet. De plus, ces agents sentent le mâle à 100 mètres. Et il ne s'agit pas du dernier Jean-Paul Gaultier !

Encore un petit effort et Juliette arrivera à monter dans le bus qui l'emmènera vers la douce climatisation de l'aéroport, la tête haute et sans transpirer d'une goutte. De toute façon, elle est desséchée alors d'où sortirait cette fameuse goutte? Même l'envie de faire pipi qui lui tenaillait la vessie depuis plus d'une heure a soudain disparu.

Finalement, Juliette a  survécu. Elle a même résisté à l'envie de supplier son voisin de bus de lui laisser une petite goutte d'eau de la bouteille qu'il était entrain de descendre d'une traite. La possibilité qu'il ait une maladie transmissible par la salive l'a tout de même dissuadé de faire cette folie.

Elle a récupéré ses bagages. Elle a même pris le temps de s'acheter une bouteille d'eau et d'aller faire un petit tour aux toilettes. Elle se sent légère et désaltérée, prête à tout affronter. Une porte à franchir, juste une et elle retrouvera enfin Sami. D'ailleurs elle imagine déjà leurs retrouvailles passionnelles, ainsi que le baiser langoureux digne des meilleurs films romantiques qu'ils se donneront sous les yeux médusés et envieux des passants.

Elle pousse la porte battante maladroitement à cause des valises qu'elle doit traîner derrière elle. Aucune classe. Elle l'aperçoit, il est là. Il lui sourit. Elle lui rend son sourire. Son sourire est beaucoup plus niais que le sien mais à ce moment plus rien ne lui importe.

Ses jambes flageolent. C'est l'émotion. Tant de temps sans se voir, ça met la pression l'air de rien. Elle aimerait pourvoir courir jusqu'à lui mais elle a bien trop peur de s'étaler devant lui.

Le sourire aux lèvres, elle s'approche de Sami. Elle incline légèrement la tête sur la droite puis entrouvre la bouche, prête à lui donner le plus beau baiser de cinéma qui soit. Rien.

Aucunes lèvres ne viennent se coller aux siennes. Sami l'embrasse sur la joue! Juste une bise sur la joue. Rien ne laisse à penser qu'ils forment un couple amoureux.

Juliette reste figée sur place, comme paralysée. L'envie de pleurer monte en elle, jusqu'à ce que Sami place sa main au creux de son dos pour la faire pivoter vers la gauche. Elle se retrouve face à une femme maghrébine assez enrobée, ayant environ une cinquantaine d'années.

"Juliette, je te présente ma mère : Soraya"

Soraya la serre dans ses bras. Juliette étouffe. Elle ne sait pas comment réagir à cette démonstration subite d'affection alors que elles ne se connaissent pas. Elle reste sans bouger, les bras ballants. Soraya lui claque deux grosses bises sur chaque joue que Juliette ne lui rend pas, muée en poupée de chiffon.

Soraya la laisse enfin respirer. Elle pose une question à Sami dans la langue arabe. Forcément, Juliette ne comprend rien. Elle n'a pas pris la peine de prendre quelques cours d'arabe avant d'atterrir ici. Elle sait à peine dire bonjour. Rien de telle que l'immersion totale pour apprendre. Elle comprend juste à l'intonation de la phrase qu'il s'agit d'une question. Question à laquelle Sami répond :

"Elle s'appelle Juliette"

"Djouliètte? Trop compliqué. Je vous appellerai Jamila alors! Ce sera plus facile pour moi à retenir et à prononcer. Ca ne vous dérange pas?"

Comment ça "Jamila"!? Juliette ne veut pas qu'on l'appelle Jamila! Mais elle est tellement sonnée par l'accueil glacial de Sami, qu'elle ne trouve même pas la force de protester. Elle répond juste par un sourire, comme si elle acquiesçait.

Dans son désespoir, Juliette arrive tout de même à se satisfaire d'une chose : Soraya parle un français parfait! Leurs conversations en seront facilitées. D'ailleurs, elle lui parle, contrairement à Sami qui ne lui a pas décroché un mot.

Sans un mot pour Juliette, Sami attrape ses valises et la pousse légèrement dans le dos pour lui faire comprendre qu'elle doit avancer. Soraya la prend le bras et les voilà partis.

Les portes automatiques de l'aéroport s'ouvrent, le vent chaud s'engouffre et à nouveau Juliette se sent mal. Une boule d'angoisse se forme au creux de son ventre et elle regrette presque d'être là.

Au plus profond d'elle, elle espère se tromper, mais elle sent que les trois semaines à venir vont lui paraître bien longues.

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