Culpabilité.

hortensiane

Ma gorge se serre et mes boyaux se tordent. Je croise mes bras sur mon ventre, j'agrippe mes anches. L'atmosphère devient pesante, j'ai envie de vomir et le temps s'arrête. La brume à mes pieds circule lourdement, il fait froid. Il fait sombre. J'ai peur, je deviens muette et je n'ose plus bouger. Je sens alors une main se poser sur mon épaule, je sursaute et me retourne vivement. J'avais oublié sa présence. Il est là à me regarder avec ses yeux verts, de la pitié se lit sur son visage et ça me donne envie de le frapper. Il ne sourit pas, aucune once de provocation ne se lit dans son regard, c'est peu être moi, mais j'ai l'impression qu'il se moque de moi, ça m'agace. Mais il est là. Il est avec moi et je ne me sens pas seule. Un nuage passe et couvre la lune. Un vent puissant s'abat sur la forêt qui nous entoure. Il fait tellement noir que je distingue à peine ce qui nous entoure. Ses pupilles se dilatent, les iris émeraude de ses yeux brillent étrangement. Ils sont profonds, trop profonds. Limite effrayants. Il a un regard pénétrant, je n'ai pas vraiment de mots pour exprimer ça, mais ça me rends juste mal à l'aise. Son visage s'assombrit. Ses cheveux, ses lèvres, ses bras, ses jambes, son corps. Tout en lui est étrange et je n'aime pas cette étrangeté. Je n'avais jamais remarqué cette facette de lui. Ses traits sont crispés et sévères, pas comme d'habitude.

Il me sort de ma contemplation en me poussant un peu en avant, ayant remarqué que je restais immobile à le regarder. Je sursaute sur le coup mais ne me laisse pas faire. Je m'arrête et me fais aussi lourde que possible. La douleur à l'intérieur de moi revient et ça me déchire. Il est derrière moi et me prends les bras. Il insiste et me pousse encore, mais en faisant attention à ne pas me faire mal. "Caitlyn. - N-non..." Je secoue vivement la tête. Je commence à devenir nerveuse, je stresse complètement et je me pince la main. Une boule se forme dans ma gorge et mes yeux s'embuent. Ma lèvre tremble, je plaque mes mains sur mon visage pour éviter de craquer. "Caitlyn, avance. - J-je veux pas. - S'il te plait." J'en suis incapable. Je ne peux pas. "Qu'est ce qui te fait peur ? - Elle." A peine ces mots sortis de ma bouche que je le regrette déjà. Je vais mal. Ça me fait souffrir. J'ai peur de m'effondrer alors je me retourne et je m'accroche à lui. Je serre les dents, j'essaye de ravaler ma peine mais je n'y arrive pas. Je suis fatiguée. Fatiguée des horreurs du passé. Fatiguée de cette vie de remords que je mène depuis trop longtemps. Fatiguée de mon histoire. Fatiguée de tout. Je laisse échapper un sanglot. Les larmes roulent sur mes joues et retombent sur sa chemise noire fermée jusqu'au col. Il s'assoit sur le sol et écarte les jambes, puis me remmène vers lui. Je suis obligée de me mettre à genoux pour être à sa petite hauteur. Il me prend dans ses bras et enfouit sa tête dans mon coup.

Une désagréable éternité nous entoure. Sa respiration est forte, il frotte son nez contre mon épaule, comme si c'était un besoin. Et je tremble. Beaucoup. Alors il me serre un peu plus contre lui. "Elle, a disparut Caitlyn. - La ferme. Tu comprends rien, tais-toi. - Non Caitlyn. Tu dois l'oublier." Je ne pouvais pas le laisser dire ça. Je l'ai fait disparaître. Tout est de ma faute. Je sais que c'est moi qui ai accepté de venir ici. C'était absurde. C'était stupide. Je le sens se crisper. Je ne remarque pas que je lui plante mes ongles dans le dos, j'ai tellement mal. "Caitlyn... Je ne partirai pas. Pas comme elle." Mon cœur rate un battement. Non, 10. Plutôt 100. Il a touché un point sensible. Rien ne sort, mes mots restent coincés. Et je n'y peux rien. Alors je pleure. Encore. Toujours plus. Les larmes brûlent mes yeux. Il passe une main dans mes cheveux bleus/verts. "Relève-toi maintenant." Je me lève lentement, j'essuie mes larmes et mon pantalon. Je serai affreuse demain matin, mais j'en ai rien à foutre. Il se lève à son tour, frotte ses vêtements, arrive derrière moi et passe un bras par dessus mes épaules. Nous marchons vers la crête de la montagne et je me sens de plus en plus mal. Je traîne des pieds et il est obligé de m'encourager à avancer quelques fois. J'arrive à lui faire confiance. Enfin, un peu. Il n'y a pas un son autour, juste le bruit de nos pas sur les feuilles mortes. Le vent souffle toujours aussi fort, et il n'y a pas un chat. Il y'a de moins en moins d'arbres sombres au fur et à mesure que nous avançons. Et puis soudain, tout est dégagé. La brise nocturne est agréable. Les étoiles scintillent par milliers dans le ciel, et la lune est magnifique. Le grillon chante sa mélodie. Je suis émerveillée et effrayée à la fois. Plus que quelques mètres nous séparent du précipice. On s'arrête. Pendant une seconde, j'ai pensé qu'il avait changé d'avis et qu'il allait me ramener chez moi. Mais non. Il baisse la tête et murmure dans mon oreille. "Vas-y. - T-toute seule ? - Oui." Il est sérieux ? Je crois que oui puisqu'il n'y a aucun ton moqueur dans sa voix. Je fais alors un pas en avant. Je ramène mes mains croisées le long de mes bras et me masse les avant-bras. Ma mâchoire tremble horriblement, mes yeux me brûlent et je me sens tellement vulnérable. J'ai mal au cœur, j'ai mal au ventre, j'ai mal à la tête. Je me griffe la peau tellement fort que le bout de mes doigts devient blanc et mon derme vire au violet. Je veux retourner sous ma couette. Il est plus d'une heure du matin et j'aurais aimé qu'il vienne me réveiller la nuit car il voudrait voir mon visage, toucher ma peau, entendre ma voix. Pas qu'il me réveille pour m'emmener au cœur de mon cauchemar. La source de mes horreurs. Comme si tout le monde passait sa soirée au bord d'un précipice pour ensuite retourner tranquillement chez soi.

J'avance encore. Très lentement et je manque de m'évanouir.  Je me retourne vers lui et il me regarde. Il me fixe et ça me stresse encore plus. Je ne sais pas si c'est à cause de la couleur de ces yeux qu'ils sont si perçants ou la façon dont il me regarde mais encore une fois j'en perds les mots et ma peur s'envole. J'ai l'impression qu'il essaye de lire en moi. Je sais qu'il croit en moi. Alors je vais être forte, pour lui, car il croit en moi. Car il ne m'abandonnera pas. Je serre les points et fronce les sourcils. Je parcours la petite distance et j'arrive au bord de la crête.  Je ne suis plus qu'à quelques centimètres de la mort et l'envie de vomir est toujours présente. Je ferme les yeux,  et me penche doucement. Car même si je veux être forte ça n'empêche pas que je suis morte de trouille. Ce n'est qu'une grosse masse de cailloux, mais j'ai peur. Comme si ce que j'allais voir allait m'exploser à la gueule. Comme si ma vie allait tomber, basculer de l'autre coté. Et enfin, j'ouvre les yeux.

 

Son corps éclaté au sol réapparaît devant mes yeux. Tête fracassée, organes fracassés, os fracassés. Baignant dans une marre de sang. Complètement disloquée, brisée, irréparable. Mon cerveau relance la séquence, je suis submergée par la culpabilité. Son visage est ancré en moi et me hante. Je n'entends plus que son rire, ses pleurs et son cri d'effroi. C'est moi qui devais être à sa place. Elle a vécu, sa lumière a brillé, et c'est moi qui l'ai éteinte. C'est moi qui l'ai fait disparaître. Je l'ai fait disparaître. Les rôles auraient du s'inverser. Je ne mérite pas d'être là, je ne la mérite pas, je ne le mérite pas.

Je bloque, rien ne sort, mes larmes remontent mais ne coulent pas. Elles restent enfermées à me bruler les yeux, à sang peu être, sans s'échapper et dévaler mes joues. Une belle façon de souffrir. Je me couvre la bouche pour ne pas vomir. J'ai mal. J'ai trop mal. J'agrippe le tissu de mon haut, je me mords la lèvre inférieure tellement forte que je crois la sentir fondre. Je recule alors et tombe à la renverse. Je heurte le sol violemment mais je le remarque à peine. Je passe une main sur mon front et regarde le ciel, les étoiles se mélangent devant mes yeux et tout en moi s'effondre. J'ai l'impression que mon cœur va exploser. Alors je pousse un cri. Et enfin mes larmes tombent. Je deviens hystérique, je prends ma tête entre mes mains et hure fort. Je veux tout faire sortir mais rien ne semble vouloir coopérer. "Syd…" Je pleure beaucoup plus et ça ne veux pas s'arrêter. Un déluge d'émotions fait rage en moi, mais c'est surtout de la culpabilité et du mal être. Je ne sais pas comment j'y arrive, mais je hurle à en crever, J'ai toujours eu une voix faible, c'est impressionnant. "Sydney…" Je me referme sur moi-même et je me demande comment j'en suis arrivée là. Je me demande si elle me voit souffrir de là où elle est. Je suis faible. Je me suis trompée, je n'ai pas le droit d'être forte. Je suffoque et je m'étouffe, je n'arrive pas à me calmer, et je réalise que je ne sais pas nager étant donné que je me noie dans mes larmes. Je l'entends venir vers moi et j'essaye de m'éloigner. Je n'ai plus de forces. Il vient à mes cotés et me fais m'assoir devant lui. "Shhh… Caitlyn regarde moi." Je détourne le regard. Alors il prend mes joues entre ses mains et essuie mes yeux. "Caitlyn, Caitlyn. S'il te plait. Ca me fait mal de te voir souffrir." Quoi ? C'est une blague ? "C-c'est…" Parler est difficile. "C'est t-toi qui.. Qui m'a a-amené ici. - Je sais." Il pose son front contre le mien. Son visage est près du mien et son souffle est chaud. C'est agréable.  "J'ai voulu que tu oublies Sidney." Y'a pas moyen. "Je suis jaloux d'elle. Je ne supporte plus que tu portes tant d'attention à une morte. - Elle, elle est m-morte par ma faute ! - Non Caitlyn. Je veux dire, elle ne ressent plus rien. Elle est juste morte." Je ne vois pas comment il peut dire ça. La colère monte en moi, mais je suis trop faible pour montrer quoi que ce soit. "Juste morte". Il ne la connait pas. Il ne la jamais connue. Il n'a jamais été à ma place, il n'a pas vu ce qui c'est passé. Il ne comprend pas. Je me crispe et tante de m'éloigner, mais il me retient et me ramène bien plus près qu'avant. Mes larmes se calment un peu et j'arrive à mieux voir. Ces yeux sont amplis de colère et toujours aussi profonds. "Je suis désolé d'avoir dit ça." Ses lèvres frôlent les miennes tant il est près. Elles sont douces, et jolies. Il pense ce qu'il dit, il a toujours été franc. Mais je ne lui en veux pas car il n'a rien à voir dans cette histoire. Il est juste une âme malchanceuse d'avoir croisé mon chemin. Pourtant, elle n'a pas changé de trottoir. Et j'en suis heureuse. "C-c'est pas toi. - D'accord. Viens-là." Il essuie encore une fois mes larmes. Je me blottis contre lui, il me serre fort dans ses bras et je fais de même. Je me calme, les battements de mon cœur redeviennent réguliers, et je respire mieux. Je respire son odeur. Une odeur masculine avec une pointe de musc, d'hiver et de vielles choses. J'adore son odeur. C'est une sorte de sécurité, car il me protège. Il prend soin de moi et il est doux. On reste un long moment dans cette position et l'éternité est de retour. Mais elle est agréable cette fois. Mes paupières tombent de fatigue. "Ne t'endors pas encore. - Pourquoi ? - Il faut finir ce que l'on a commencé." Non pas encore. Je suis vidée, crevée, l'effet de vous être fait piétiner par un troupeau de bisons. Mais je suis trop claquer pour protester quoi que ce soit. On se relève, je m'appuie sur lui. Je secoue la tête. "Regarde en bas Caitlyn. Je te promets que c'est la dernière fois. S'il te plait." Je me penche une dernière fois à contre cœur. Et je vois… Rien. Seulement de la terre et quelques cailloux en bas de la montagne. L'image du corps de Sydney revient dans mon esprit mais je la chasse immédiatement. Mes muscles se détendent. "Tu la vois ? - N-non… - Elle est en haut." A-t-il dit en regardant vers le ciel. Le ciel… Elle est devenue une étoile. Elle est en haut, pas en bas. Je crois que je n'ai jamais aimé le ciel autant que ce soir. "Gardes-lui une place dans ton cœur Caitlyn - D'accord." Je suis d'accord. J'approuve. J'aime ça, ça me plait. "Mais une toute petite. Laisse-moi le reste." J'acquiesce le sourire aux lèvres. Il se tourne vers moi et appose un baiser sur mon front. Je me sens bien. Il prend ma tête et l'enfuie dans son épaule, et il m'embrasse encore. "Tu es affreuse. - Merci, je sais." Je le sens sourire contre ma peau, je me décolle de lui et prends sa main. "Ramène-moi chez moi maintenant. - A vos ordres."

Il est trois heures du matin et la route est longue. Une pluie fine s'abat sur le par brise, mais il fait chaud dans la Range Rover. J'adore sa voiture aussi. Je l'observe, il est parfaitement concentré sur la route, et moi j'ai du mal à garder les yeux ouverts.

  • Merci à toi aussi :D

    · Il y a presque 10 ans ·
    Large (3)

    hortensiane

  • Magnifique. Il n'y a pas d'autre mot. C'est profond, bien écrit.. Je ne peux pas le dire mieux qu'Oriana l'a fait plus tôt, "des mots violents qui frappent en plein coeur"

    · Il y a presque 10 ans ·
    Hjbbbbbbbbbbbbbb

    elan0re

  • Belle écriture! J'aime beaucoup!

    · Il y a presque 10 ans ·
    Un inconnu v%c3%aatu de noir qui me ressemblait comme un fr%c3%a8re

    Frédéric Clément

  • Alors là...Je m'attendais à tout, sauf à ça!
    Qu-qu'elle écriture!Je n'ai jamais rien lu de tel...
    Ton style est noir, des mots violents frappent en plein cœur et le personnage et bien...Il se plante dans ton cerveau.Ses gestes te touchent et tu ne pense qu'à la mort durant tout et après le texte.
    Tu ne fais pas de dégradation d'état, tout va déjà trop mal.On ressent ça.
    Après, j'ai décelé des fautes d’inattention, mais ce n'est pas important.
    Tu manies les sentiments avec une façon indescriptible...Je ne peux pas donner d'adjectif...

    · Il y a presque 10 ans ·
     fa4b4505d65e21f847b1c2b8097e24b0da43df96d1a52c2083 pimgpsh fullsize distr

    oriana

    • Merci ! Je ne sais pas quoi te répondre, j'essaye de m'améliorer ^^

      · Il y a presque 10 ans ·
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      hortensiane

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