D'amitié en Amour
praline
Plus jamais. Quelle soirée horrible. C'était décidé, Lea n'irait plus chercher l'homme de sa vie sur un site de rencontres. C'était la première et dernière fois. Elle avait dîné avec Mathieu, cadre dans la finance qui lui avait paru charmant et drôle dans ses mails mais qui l'était beaucoup moins dans la réalité. Sur le trottoir du restaurant, elle prit une profonde inspiration et se sentit soulagée et surtout libérée. Son portable vibra dans la poche de son imper. Elle sourit, c'était Pierre, son ami depuis le lycée. Seize ans déjà qu'ils se connaissaient. Bon sang, où étaient passées toutes ces années ?
- Alors ?? Le prince charmant est reparti sans sa belle ?
-Tu sais que tu me déranges là ? Il est parti chercher sa voiture et il m'emmène chez lui, là.
- Ah … OK ...fais attention quand même.
- T'inquiète pas, je suis prudente. Tu me connais. Il est GE-NI-AL. Il est galant, vraiment très intéressant, et surtout il m'a fait hurler de rire. Tu sais ce qu'on dit : « femme qui rit... »
- …
- Tu vois que Stéphanie et Sylvie ont eu raison de m'inscrire sur ce site. Toi qui m'a pris la tête pendant des heures. Mathieu est vraiment à tomber. Tu vas l'adorer. Cette fois je suis prête à me lancer dans une histoire. Au fait, tu fais quoi le week-end prochain ?
- Tu sais très bien que je ne réponds plus à cette question sans savoir où exactement tu veux m'embarquer. Pour faire quoi ?
- Pour être le témoin de mon mariage.
- ...Bécasse... Alors ? Soirée catastrophique ?
- Un désastre. J'ai même pensé à m'enfuir ou feindre de m'étouffer avec les profiteroles.
- Comment peux-tu arriver à manger des profiteroles à un premier rendez-vous ? Passe à la maison, je suis seul.
- Je dérange pas ? Julie ne passera pas ? A moins qu'elle ne soit déjà remplacée par une autre ? Avec ton cœur de pierre, je n'arrive plus à suivre Pierre.
- Allez tais-toi et ramène tes fesses qui, si je compte bien, n'ont pas été touchées depuis que le premier homme a marché sur la lune.
Lea lui raccrocha au nez mais ne pu s'empêcher de rire. Trempée par la pluie battante, elle repartit d'un pas léger et s'engouffra dans le bus pour rejoindre l'appartement de Pierre. La vie était belle quand même. Peut-être qu'elle finira seule mais elle pourra toujours compter sur son ami. Elle deviendra la tatie adorée quand il aura des enfants avec une des créatures de rêve qui défilent dans sa vie. Elle sera l'éternelle tatie célibataire.
Elle sourit en imaginant Pierre papa. Certaine que ce sera un chouette papa, un vrai papa poule même si, pour l'instant, il prend des airs horrifiés dès qu'une de ces conquête ose même évoquer cette possibilité.
Dommage qu'il s'obstine à ne chercher que des femmes si parfaites physiquement et si souvent centrées sur leur petit nombril. D'autant que Lea se sent toujours si godiche quand elle les rencontre. Elles sont toujours si belles, vraiment. Brushées, maquillées, une taille de guêpe, des jambes immenses. C'est peut-être le fait qu'il soit architecte. Les mesures doivent être parfaites. Elle, elle a passé 3 heures à essayer de dompter ses cheveux. Rien à faire, la pluie a eu raison de ses efforts et ses longues boucles brunes se balancent allègrement.
A peine arrivée devant l'appartement de Pierre, il lui ouvre la porte et ne peut s'empêcher de rire de l'état de son amie.
- Bonsoir Madame Brise cœur !! As tu pensé à ce pauvre garçon qui a mis tant d'espoir dans cette rencontre ?
- Et moi tu y a pensé ? Tous les efforts que j'ai fournis. Des heures de brushing, un ravalement de façade complet avec du maquillage qui m'a coûté une fortune, sans compter l'esthéticienne qui a réussi à me vendre une crème anti-rides dont je n'ose même pas donné le prix. Oh Pierre, cette fois je te jure que j'y croyais, il avait l'air tellement drôle dans ses mails...
Pierre lui tendit une serviette et un de ses pyjamas pour qu'elle puisse ôter ses vêtements trempés. Elle partit se changer dans la salle de bain et revint s'affaler sur le canapé.
- Où est ma couverture ?
- Et s'il te plaît c'est trop dur à dire ? En plus elle est moche ta couverture rouge. Je suis obligée de la cacher. Elle jure trop avec ma déco.
- Je vais vous dire, Monsieur, que cette couverture est la seule touche un peu chaude de cet appartement. Très classe ton appart design, je te le concède, mais aussi froid que mon prof de maths de 6ème, la Sibérie à côté c'est les tropiques. C'est beau le noir et blanc, mais, Monsieur l'architecte, votre intérieur manque de passion, de chaleur, de cœur.
Pierre la regarda en souriant. C'est sûr, Léa était unique et il était vraiment heureux que leur amitié ait traversé toutes ces années. Elle était légère, pleine d'humour, avait une répartie terrible. Elle était parfois, n'ayons pas peur des mots, complètement déjantée mais elle était aussi déroutante de sincérité. Et Pierre, même en cherchant bien ne trouvait aucune autre personne avec laquelle il se sentait si bien.
- Tiens j'ai pensé à toi, Lea, ils repassent Forrest Gump.
- Oh super ! Je n'aurais pas perdu ma soirée. Regarder mon film préféré avec le célibataire le plus convoité de cet immeuble.
- Bon une bière ça te va ?
- Mmoui merci.
Pierre se dirigeait vers sa cuisine et Léa, encore une fois, se dit que finalement c'était quand elle était avec lui qu'elle se sentait le mieux et surtout qu'elle était elle même. Dommage que ce ne soit pas lui le rendez-vous de ce soir. Mais avec toutes ces années d'amitié, ce n'était même pas la peine d'y penser... Ce serait comme embrasser son frère. En plus elle n'était pas le genre de Pierre. Mais alors pourquoi elle y pensait de plus en plus souvent ? Ca en devenait agaçant à la fin.. Et puis ce rêve érotique qu'elle n'arrivait pas à l'oublier... Bon ma fille reprends toi, c'est vrai quoi, c'est Pierre. Oui le même avec qui elle avait fait des concours de rots, fumée sa première cigarette, le même Pierre sur qui elle avait vomi lors de sa première cuite. Et puis jamais il ne s'intéresserait à elle. Il n'y a qu'à regarder Julie et toutes celles qui l'ont précédée
Sur le seuil du salon, il l'observa, touché. Qu'est-ce qu'elle pouvait être belle quand elle laissait tomber les armes... Elle avait vu ce film des dizaines de fois et déjà ses yeux brillaient...Il avait envie de lui dire, là, tout de suite, que ce soir il avait eu envie de mourir à l'idée même qu'un autre homme l'embrasse, la prenne dans ses bras, la fasse rire, caresse sa nuque si délicate, lui fasse l'amour. Sa Lea qui ne savait pas à quel point elle était belle, qui avait tellement peu de confiance en elle. Sa Lea qui croyait au grand amour. Elle avait paru si enthousiaste quand elle parlait de ce guignol qu'il en était devenu malade de jalousie.
Pierre, pour sa part, n'avait jamais vraiment éprouvé de véritables sentiments avec les femmes qui défilaient dans sa vie. Mais ce dont il était sûr, en revanche, c'est que ces derniers mois, ses pensées se tournaient invariablement vers Lea, et qu'il se demandait si la sensation de vide dès qu'elle partait était normale pour une simple amitié. Et il pouvait parler de tout avec elle, des discussions enflammées sur la politique, le cinéma, la lecture. Mais après toutes ces années, comment lui dire ? Lui qui était si sûr de lui avec toutes les femmes, se sentait pétri d'angoisse rien que d'y penser. Elle était si touchante quand elle plaidait une cause, toujours un mot pour rassurer quelqu'un, si drôle. Et elle ne savait pas à quel point elle était belle. Elle, la maîtresse d'école que les enfants adoraient. Il était même devenu jaloux des quelques papas qui lui faisaient la cour quand ils cherchaient leurs enfants à l'école. Il y a quelques mois, ils en riaient ensemble. Mais qu'est-ce qui avait changé bon sang ?
- Il faut que j'aille brasser ma bière moi même ?
Bon, elle était aussi très chiante, de mauvaise foi, mauvaise perdante et elle voulait toujours avoir raison. Mais bon dieu, il ne pouvait plus se passer d'elle. Il pensait à elle souvent, trop souvent. Il avait même dormi avec sa couverture rouge pour sentir son odeur. Il a l'impression d'avoir quatorze ans !!!
Lea se dit que vraiment elle était complètement idiote. Pierre était son ami un point c'est tout. Il venait d'un monde si différent. Lui l'architecte et elle la maîtresse d'école avec ses parents ouvriers. Non, c'était impossible de les imaginer en couple. Pourtant ses amies, Steph et Sylvie étaient persuadées que tout ça se terminerait par un beau mariage, suivis de plein d'enfants exaspérants. Il faut juste revenir à la réalité. Pierre était vraiment, vraiment, un bel homme et jamais il ne penserait une seconde à Lea autrement qu'à une amie. Et Lea était terrifiée à l'idée que leur amitié soit gâchée. En plus, Pierre lui avait confié il y a quelque temps de ça, qu'il n'avait aucune envie de se poser avec une de ses amies, que pour l'instant il prenait la vie comme elle venait, qu'il ne savait pas véritablement ce que c'était l'amour. Et il se moquait toujours de son romantisme à tout épreuve. Elle s'en fichait, pour elle, l'acte sexuel sans amour n'avait aucun intérêt. Ça lui était déjà arrivé bien sûr, mais maintenant elle attendait son homme. Celui qui la ferait vibrer, lui donnerait des ailes.
Le film se terminait, et les larmes de Lea coulaient sur ses joues, il avait envie de les lécher. A la place il lui tendit un mouchoir et elle se moucha bruyamment. Il ne put s'empêcher de rire. Elle aussi éclata de rire. Mon Dieu, son rire. Inimitable, inoubliable. Il voulait passer le reste de sa vie à la faire rire.
Elle le regarda et devint sérieuse.
- Pierre tu crois que je terminerai seule, que jamais je ne connaîtrais ce que j'attends tellement ?
Elle était si belle, paraissait si vulnérable.
- Non, je ne sûr que non... Il la regarda intensément. Son cœur allait exploser dans sa poitrine. Son regard se posa sur sa bouche, si belle, si charnue, il y déposa ses lèvres et l'embrassa intensément.
Elle se redressa soudain :
- Ne dis rien, tais toi Lea... dit-il d'une voix rauque. Il la reprit dans ses bras, embrassa sa nuque, déboutonna son pyjama, il crut défaillir en sentant ses seins si doux dans ses mains. Mon Dieu qu'elle était belle. Il lécha et mordilla ses tétons, embrassa son ventre, lui enleva délicatement son bas de pyjama.
Jamais, oh non jamais, il n'éprouva autant de plaisir à faire l'amour. Lea, elle, crut défaillir de bonheur et de plaisir, et elle sut qu'elle ne pourrait plus se passer de Pierre dans sa vie. Que c'était lui qu'elle attendait depuis si longtemps et que c'était avec lui qu'elle voulait passer le reste de sa vie. Son odeur, sa peau, elle avait l'impression que Pierre et elle étaient vraiment physiquement compatibles.
Ce fut une nuit vraiment magique. Ils s'endormirent épuisés et ivres de bonheur.
Lea fut la première à ouvrir les yeux. Pierre la tenait fermement dans ses bras et la chaleur de son corps nu contre elle lui procura un sentiment de sécurité et de réelle plénitude vite balayé par une réelle inquiétude. Bon Dieu, et maintenant ? Qu'est-ce-qui se passera quand il ouvrira les yeux. Peut-être allait-il lui dire que c'était une erreur, et qu'il valait mieux oublier ce malheureux incident de parcours ou pire, qu'ils pouvaient devenir sex friend si elle le souhaitait. Comment a-t-elle pu se laisser aller à ce point ? Elle rougit rien que de penser à cette nuit, jamais elle n'avait été aussi sûre d'elle, aussi libérée avec un homme. Elle ne s'était jamais aussi belle, aussi vivante, aussi aimée entre les mains de Pierre. Oh la cata. Bon, du calme. Lea essaya de se libérer doucement. Il valait mieux se sauver tout de suite avant d'entendre des choses blessantes. Mais Pierre resserra fermement son étreinte et lui chuchota doucement à l'oreille :
- Lea, je sais ce qui se passe dans ta tête. Je te connais par cœur. Ne fuis pas parce que je ne supporterais pas que tu partes. Regarde moi. J'ai envie de passer chaque minute, chaque seconde du reste de ma vie avec toi. Je t'aime, Lea. Et tu le sais, je ne l'ai jamais dit à personne. Je veux vivre avec toi, je veux que tu mettes de la couleur dans ma vie, je veux même qu'on ait des enfants ensemble. C'est fou que je parle comme ça, hein ? Crois moi Lea, j'ai mon cœur qui déborde d'amour pour toi. Et idiot que je suis, j'ai mis trop longtemps à le comprendre. Mais là tout de suite quand je te sens nue contre moi j'ai envie de te montrer à quel point je t'aime...
Lea sut qu'elle n'avait plus à attendre l'homme de sa vie, il était dans ses bras.
Quelle jolie histoire! Classique, certes, mais si bien contée.
· Il y a presque 12 ans ·Choupette