Dans la vallée

Fionavanessabis

traversée

Il n'y avait personne

Dans la vallée reculée

Que moi

Et mon pas mal assuré

Négociant avec la caillasse.

Je me rappelais pourtant cette randonnée

Pleine d'entrain

Avec les amis du coin,

Tout en rires et en soupirs 

En attendant le pire 

Pour eux ç'aurait été une ampoule au pied,

Un casse-croûte écrasé au fond du sac à dos,

Un tire-bouchon oublié.

Pour moi maintenant

Je redescends d'un cran

et le pire n'est pas l'écho

De leurs rires à travers les années :

M'en souvenir me fait encore sourire.

Mais ce serait que mon corps se grippe et vrille

Que je perde pied sans la régularité de mes pas 

L'un devant l'autre

Car chacun d'eux m'éloigne

De toi

Et me rapproche de moi

Du coeur de soi

Du trognon

De ma vraie trogne de ma pomme aux joues roses

Et plus je m'en vais plus mon pas se fait sagace

Et rythmé.

A ton bras j'étais privée de cadence

Tenue par la tenaille qui m'atténuait

Amoureuse de la transe qui me dénaturait

Réalisant la transhumance de mon âme en perdance

La saveur perdue des corps fut jetée en pâture

L'amour, oxygène de mon for intérieur, se mua en un effluve fuyant

Avant de disparaître au tournant.

Tu n'étais au fond que l'ombre de toi

A qui j'emboîtais le pas

J'étais là

A bayer aux corneilles au bout de ton 

quant à soi,

Mordue par un baiser désincarné.


J'étais mon propre emblème 

De combattante blême

Contre des moulins à vents

Bien huilés

Tournant et tournant 

Emportant ma voix 

Dans la tourmente

D'une cadence décontenancée

A qui il manque un temps.

Mais mon bouclier est de cristal

Un regard le transperce

Mon seul fer de lance c'est ma plume

Et mon armure fond au soleil vermeil

Même mes mots se perdent

Au fond de ma gorge parfois

Et je produis parfois d'étranges langages, 

Bulles de savon virtuelles, framboises soufflées dans l'air,

Ronds de fumée sans feu, petits sons de pneus crevés

qui s'échappent d'une bouche de poisson privé d'eau

Mais juste à temps je me rappelle

Que cette armée de syllabes et de ritournelles

C'est mon souffle vivant

C'est mon entrefilet dansant

C'est mon thé mon chocolat mon breuvage révigorant

Et personne

Pas même moi

Ne m'otera

Les mots de la bouche

Avant mon heure.


Puisque tu ne danses plus sur mes pages

Que le temps de s'en souvenir

Puisque nombre d'ombres impromptues qui me furent amies

S'en sont allées aussi,

Au moins dans mon trajet ne serai-je happée comme une mouche

Ni collée à la toile ni suspendue par un poil

Ni avalée par l'inspir ni retenue par l'apnée

Ni déglutie par la Veuve noire piégeant mon cervelet 

Dans l'ombre d'un hier

Qui colle encore aux basques de mon présent.


Puisque je m'empresse d'imprimer mes traces fugaces sur le sentier,

D'emplir mes poumons de cet invincible été

Afin que l'instant apprécié aide à cicatriser

Mon amour brisé et inutilisé.

La brise du soir sèchera mes pleurs et m'apprendra

A devenir cette étrangère que tu as fait de moi.

Un flot nouveau circulera et d'un pouls tendre me montera aux joues

Quand je reviendrai au seuil où tout a commencé,

A l'aube de mon épopée solitaire.

Il me restera à retrouver le sourcil fier

comme celui de mes amis

Et de mes aînés souffleurs de mots

qui m'ont gardée du malheur

à portée de coeur

Et nous lèverons notre verre en choeur

A nous dont la joie étincellera comme un diamant,

Née au grand jour de nos balbutiements devenus grands.





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