D'Auvergne automne en pente douce
Jean Claude Blanc
D'Auvergne automne, en pente douce
Sur les monts du Forez, l'aube se lève tard
Les cimes des sapins, s'imprègnent de brouillard
Des sentiers désolés, les touristes se font rares
Toussaint s'annonce tôt, de quoi broyer du noir
Pour qui n'est pas d'ici, véritable purgatoire
Pourtant ce que je me délecte, du crépuscule du soir
Issu de cette chère Auvergne, souveraine en ma mémoire
Les quelques âmes qui vivent, que de vieux paysans
Perclus de rhumatismes, demeurent cloitrés dedans
Leurs chaumières délabrées, tout en piquant le feu
Justes réconfortés, se suffisant de peu
En ce pays austère, où la bise est cruelle
Les personnes âgées, s'assurent de l'essentiel
Faire le matin la trace, pelleter ces congères
Pour que puissent les visiter, le facteur, l'infirmière
Les champs dans la pénombre, de givre imprégnés
Herbes folles fanées, à l'Est mal orientées
Se morfondent jusqu'à midi que sèche la rosée
Déjà virevoltent les feuilles, des arbres dépouillés
Période de transition d'une saison à l'autre
Le soleil capricieux, se joue les bons apôtres
Daigne l'après-midi, réchauffer la vallée
Mais dès 5 heures du soir, décline, disparait
S'agit de se hâter, saisir derniers rayons
Profiter de la nature, cueillette des champignons
Va pas durer longtemps, la hausse du baromètre
Dès lors qu'il fait frisquet, en baisse le thermomètre
Ecureuils prévoyants, se font la provision
De noisettes, de châtaignes, pour pas être marrons…
Parés pour les embruns, les flocons, les tempêtes
Dans leur nid douillet, piquant un roupillon
Jusqu'au prochain printemps, farouches mais pas bêtes
Alors que pauvres humains, sans honte, on se morfond
De ces burons d'été, les volets sont fermés
Descendus les troupeaux, plus grand-chose à brouter
Que de la bruyère flétrie, avant que tombe la nuit
Tandis que les viandards, dégainent leurs fusils
Sous les sorbiers rougis, recouverts de fruits
Des merles et de grives, que de vies en sursis…
Peut-être rabat-joie, sûrement clairvoyant
Etant plus bien alerte, me fais du mauvais sang
Car pas très marrant, de contempler les bois
Me calfeutrant frileux en mon petit chez moi
Même de me fier au vent, qui change souvent de sens
Me l'autorise pas, déjà le souffle coupé
Pourtant encore costaud, limite mon endurance
Si bien que je sais plus comment dois m'habiller
Les anciens increvables, y voient leur avantage
Gardent d'éternels vestons, pantalons de velours
Passe-montagne sur la tête, 80 berges courent toujours
Sûrs qu'ils en ont dans le ventre, même s'ils en n'ont pas l'air
Pour faucher le regain, piocher les pommes de terre
Bougnas, on les surnomme, craignant pas la misère
Mais faut se les supporter, pas faire des manières
Si vite contrariés, exécrable caractère
Logique les comprendre, pour leur passé galère
Au diable la météo, prévisions incertaines
Ne se fient qu'à la lune, quelle chance si elle est pleine
Signe que ça va durer encore quelques semaines
De soleil pâlissant mais bon comme la romaine
On peut pas gouverner le ciel souverain
Encore plus qu'en mai, ne fait que ce qui lui plait
Parfois bleu éclatant, parfois boudeur, chagrin
Lui qui nous rince, nous sèche, sans rien nous demander
Là-haut sur les plateaux, une toute autre ambiance
Les nuages cavalent comme des chevaux sauvages
Mais comme y'a plus personne, aucune conséquence
On attendra le redoux, pour remonter en alpage
Les fondus amoureux, s'y risquent , sait-on jamais
Y trouver le repos, le silence et la paix
Mais la plupart transis, vite fait de déguerpir
Car pas accoutumés, chochottes, ces martyres
Tandis que l'autochtone, se hâte rentrer ses bûches
Petite fourmi de la fable, ou abeille de la ruche
La cigale de la ville, ne se fait pas de bile
Alors qu'il neige à plâtre, va skier ce débile
Combien même averti, que « c'est pas poisson d'avril
Transpirant à grosses gouttes, se découvre pas d'un fil »
En guise de bienvenu, j'ai peur vous foutre la trouille
« Ici il pleut, il mouille, la faute à la grenouille »
Comme comité d'accueil, y'a mieux en la matière
Mais j'en n'ai rien à braire, auvergnat solitaire
Pénard, paresseux, à l'aise compose mes vers
Assis devant ma porte, de lumière, éclairé
Plongé dans l'inertie, mon corps abandonné
Encore un coup de ma Muse, magicienne Circée
M'étalant sous les yeux, infinie liberté
J'amasse et met en stock, cet espace parfait
M'emplissant la cervelle, pour demain en rêver
« Plus d'une feuille sèche, parsème gazons jaunis »
De Théophile Gautier, m'inspire ce génie
Aussi « la bise est fraiche » mais sauf qu'aujourd'hui
Revenu des cités, d'y vivre c'est terminé
Rats des villes, des quartiers, que de races mêlées
N'empêche que j'ai bossé pour pondre ce poème
Difficile de décrire ce que de naissance on aime
Que ça vous plaise ou non, mon bled, c'est Saint-Anthème
Ce pays de rapiats, j'en suis, aucune gêne
Ceux qui se rient de moi, m'en fiche, ça les promène
J'ai acquis la sagesse, de mes valeureux ainés
Solide comme un chêne, un peu con mais rusé
Les orages, les éclairs, me feront pas flancher
Gaulois plus que français, noble carte d'identité
A notre indépendance, on devrait y songer
Clin d'œil à Catalogne, qu'exige seule se gérer
« Un petit rien chez soi, vaut mieux que nib chez d'autres »
Leçon de mes ancêtres, dont j'ai pris bonne note
Souveraine chère Auvergne, automne en pente douce
Où subsistent les oiseaux, picorant sur la mousse
J'y retournerai toujours, ma conscience m'y pousse
Solidaire des fidèles, amis à la rescousse
Me moque des railleries, de ces dindons qui gloussent
Me voyant subsister, isolé dans ma brousse
De leurs quolibets, pour moi ça coule de source
Genre de corbeau, renard, pourquoi aurais-je la frousse
Genre ours mal léché, pas vraiment bisounours
Les épreuves font grandir, à ce que racontent les sages
Qui se réunissent entre eux, papoteurs de messages
Ne viendront pas se frotter, à nos verts pâturages
Ça demande de l'expérience et surtout du courage
Octobre lentement s'achève, beau temps de la partie
On ne va pas s'en plaindre, nous autres du pays
En guettant chaque matin comme Anne notre sœur Anne
Si tiennent encore debout, les branches des platanes
Barrées les hirondelles, depuis longtemps déjà
Pressentant la froidure, pour elles pas extra
Alors on se console, de mésanges ébouriffées
A qui on sert du lard, tellement affamées
Parait qu'on a de la chance, d'être nés quelque part
Au moins ça de gagné, bougnas tellement avares
Maxime de le forestier…ce merle enchanté
Lui qui ne casserait pas 3 pattes à un canard
Avec sa maison bleue, plus dans le ton désormais
Ecologie oblige, s'agit plus de saloper
Se présentent nos hameaux sous un tout autre charme
Lorsqu'on hiberne des mois, où sont ces jolis cœurs
Glissant sur le verglas, à en faire tout un drame
Bienheureux nous trouver, péquenots sauveteurs
Sur les monts du Forez, où se déchaine le blizzard
S'obstinent encore survivre, des êtres humains bizarres
Que peuvent pas piger, ceux des banlieues huppées
Hélas pour ces riches, que de clichés gâchés
Admirant ces sommets, qu'en vacances l'été JC Blanc octobre 2017
Merci pour cet hommage à cette région. Par vos vers, vous avez fait renaître des souvenirs. L'Auvergne est magnifique (c'est une Auvergnate qui le dit :) )
· Il y a environ 7 ans ·ade
Merci pour cette petite rando au coeur des l'essentiel: seul celui qui s'engoufre dans la nature sait où se trouve la vérité que vous peignez. Déconnexion grâce à vous. Bientôt faudra payer cher pour être loin des ondes. Un comble!
· Il y a environ 7 ans ·enzogrimaldi7