de l'ombre à la lumière

Florence

liste de mots imposés (casquette, service, casquette, béotien, etc)

Julien finissait son service, comme à son habitude; élégant, rapide. Les choses se présentaient bien. Les derniers clients ne semblaient pas vouloir s'attarder et à 22h il put quitter le bistrot parisien où il travaillait.
Il salua cordialement sa collègue en train d'empiler les fauteuils extérieurs.

Loin d'etre fatigué il avait hâte d'attaquer sa deuxième journée, il était jeune patron maintenant d'une petite entreprise qu'il développait sur ses temps de repos et demain matin il pourrait dormir.

C'était une fraîche soirée d'automne, l'air embaumait les feuilles mortes .
Alors qu'il entrait dans la parc, sortant de l'ombre, une fille se mit en travers de son chemin .
Il pensa tout d'abord à une des nombreuses prostituées travaillant dans ces bois mais les formes malgré la pénombre, lui étaient tout a fait familières. Il les avait trop souvent parcourues.

Eva se tenait devant lui, belle à damner un saint sous la chaude lumière du réverbère

Les yeux verts qui faisaient déjà grimper sa tension artérielle en quatrième vinrent accrocher son regard. Pour ne pas attirer l'attention sur sa silhouette menue à cette heure tardive, elle avait enfilé quelques épaisseurs discrètes et dissuasives , dont une grosse écharpe de laine et une casquette à la gaveroche.
C'est elle qui la première rompit leur échange silencieux
'J'ai mis longtemps à trouver ta nouvelle planque; "à la rosette", c'est nul comme nom..."
Elle esquissa un petit sourire , le silence du jeune homme ne semblait en rien la décontenancer.
elle et lui; deux ans de liaison torride. Saylor et lula, les road movies, La drogue, les rave parties, les disputes violentes, les scènes de jalousies, les abandons, les retrouvailles tout aussi débridées, le sexe jusqu'a en devenir fou. La passion qui l'avait dévoré et laissé sur le carreau quand elle l'avait vidé de toute substance et quitté pour un autre.

Elle s'approcha de lui et dit d'une voix fébrile: "Je n'aurais jamais du te quitter julien. Toi et moi c'était fort .J'ai souffert, j'étais folle, je voulais te retrouver mais tu avais déménagé, tu as changé de numéro. Aujourdhui je t'ai revu par hasard et je me suis dit que qu'il fallait qu'on se revoit, qu'on se parle,tu me manques!

Julien étrangement détaché, prit le temps d'intégrer ce qu'il venait d'entendre.
Eva l'avait cherché, l'avait suivi, le suppliait des yeux de reprendre leur histoire, elle qu'il avait aimé comme un fou, elle qui l'avait abandonné sans un mot d'adieu.
Le prenait elle pour un béotien? Derrière lui, le rideau de fer s'abaissait sur la vitrine du bar.
Extinction des feux.
Le jeune homme repensait à tout le chemin qu'il avait parcouru ces dernières années: sa descente aux enfers, sa renaissance, les nouveaux amis qu'ils s'étaient fait, le sport qui l'avait sorti de la drogue, l'entreprise qui lui avait donné un but. Aujourdhui il était maître de sa vie.

Elle , la passionata, la lolita, était là devant lui à attendre sa réponse, vulnérable et à sa merci ...

Il aurait pu se montrer sarcastique et blessant, ou jouer un peu avec elle... Mais comme tous ceux qui avaient connu la souffrance il avait mûri et était réellement passé a autre chose . Le calme intérieur qu'il ressentait le poussa davantage à la clémence.
Il prit sa voix de serveur, cette voix claire, dynamique et courtoise qui lui valait le succès auprès de sa clientèle et répondit calmement

 "je suis désolé que ça n'ait pas marché avec ton nouvel ami mais je ne suis pas intéressé. j'ai refait ma vie."
"Il est tard, tu devrais rentrer maintenant."
Palie, elle accusa le coup. Sur son visage l'incompréhension le disputait à la colère et à la frustration. Julien ne l'avait pas attendu, Julien l'avait remplacé par une autre. Elle n'était pas son fol amour, sa passion unique et destructrice.
Telle une enfant déçue elle faisait une moue boudeuse comme si on l'avait privé de son meilleur jouet.
Il se ménagea encore une pause, la laissant digérer l'information.
"Il est tard, tu veux que je t'appelle un taxi?"
En l'observant plus finement il observa ses pupilles dilatées et sa respiration rapide, sa nervosité
"est ce qu'elle prenait encore de la drogue? Devait il l'aider?
"Veux tu que je te raccompagne" tenta t'il encore,
"Non" lacha t'elle d'un son rauque. Elle le regarda avec une sorte d'intensité fiévreuse. "je t'ai vraiment aimé tu sais"
Lentement elle recula .

L'ombre qu'elle avait quitté pour le rejoindre l'avala à nouveau et  elle s'éloigna à pas rapide jusqu'a disparaître complètement sous les arbres.
Julien rentra d'un pas vif  à son appartement mais il se sentait mal. Une sorte de froid intérieur le laissait frissonant malgré les confortables radiateurs.

 Il ne put fermer l'oeil de la nuit repensant à celle qui avait tant compté pour lui. Mais au matin il sut qu'il avait fait le bon choix. Il espéra sincèrement qu'Eva  trouverait en elle la force d'en faire autant.


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