De mémoire de loup...

Caïn Bates

                C'était une jolie jeune fille qui vivait autrefois au pied de la colline. Le genre de gamine à rêvasser seule, isolée en pleine forêt. Je me souviens comme ses longs cheveux brillaient dans les rayons du soleil. C'est une après midi pendant laquelle je rôdais non loin de sa cahute qu'elle est venue à ma rencontre.

        "Bonjour étranger.
-Hé petite, que fais-tu ici, seule dans la forêt, si loin de tes proches?!"

        Je prenais soin de garder mes distances avec elle, méfiant de ses intentions dissimulées derrière ce sourire mutin.

        "Hé, approches joli garçon. Allons cueillir quelques fleurs à l'ombre de ces arbres.
-Idiote, ne vois tu pas que je suis un loup! Tu empiètes sur mon terrain de chasse et seul la fleur de ta jeunesse n'a d'intérêt pour moi."

           Bien que surprise, la demoiselle continua de s'approcher tandis que je montrais les crocs, son sourire toujours enjôleur.

     "Et bien, cher loup, jouons à un jeu. Suis moi dans ma ballade, marche dans mes pas de danse et hurle avec moi des chants jusqu'au soir.
-Petite imbécile, je n'aime pas les jeux d'enfants. Les nôtres sont bien plus cruels mais, je veux bien te les montrer si on s'aventure plus loin parmi les arbres.
-Comme tu voudras, ô loup sauvage. Fais ce que ton cœur te dicte mais, par pitié, ne t'éloignes pas de moi. Je me sens si bien depuis que tu est là, demeures à mon côté."

            Ces yeux étaient rouges, ils brillaient dans l'ombre des branchages et son sourire s'évanouissait petit à petit.

       "Gamine, je ne veux pas demeurer avec toi, je ne t'aime pas. Pire encore, tu me répugnes. Les gens de ton espèce sont vils, faibles, meurtriers. Rentres chez toi, que je ne te croises plus à l'antre de cette forêt.
-Mais, loup... Je suis si bien...
-Je te hais, vas t'en..."

            Elle avait regagné sa demeure peu avant la fin du crépuscule, cette heure à laquelle les miens se mettent en quête de chair pour nos petits. Je la voyais pleurer à la fenêtre de sa chambre, submergée par le chagrin. Cette nuit là, la lune était pleine et elle chantait au loup quand je hurlais à la lune. Et dans une rage soudaine, je me suis mit à courir vers sa maison, les crocs sortis et la bave à la gueule.  Certains de mes frères m'ont suivi dans ma course effrénée et nous avons pénétré sa demeure, sortant peu après, abreuvés de sang.  

         
         Le lendemain matin, j'était couchée là, à l'entrée de sa tanière. Les nombreuses morsures aux poignets et à la cheville n'étaient rien, ils m'avaient sauvée lui et ses frères des bandits. Les loups n'aiment pas les petites filles, ils n'aiment pas les humains mais, peut être est-ce parce qu'ils sont justes.

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