De Samuel et des oiseaux.
ellis
Quand il lui parlait, Samuel avait dans la voix une douceur qu'il tendait toute vers elle. Il la prenait dans sa voix comme on prend un oisillon dans le creux de sa main. Et elle regardait ses yeux. Avec un sourire qu'elle gardait pour elle.
Quand il lui parlait, Samuel mentait parfois. Samuel disait à Marie qu'il l'aimait et c'était un peu moins vrai. Samuel disait à Marie qu'il serait rentré pour qu'elle puisse sortir un peu et il savait qu'il rentrerait tard. Un peu exprès. Un peu par peur du tête à tête avec le bébé.
Marie attendait Samuel et il ne rentrait pas et elle savait. Sa peur. Et la petite fragilité sourde qui venait leur claquer en plein visage. Maintenant qu'il fallait être fort. Elle tirait le rideau sur la nuit qui tombait, s'asseyait sur le bord du divan avec un mouvement de bercement qui ne la quittait plus, même quand ses bras étaient vides. Elle ne pensait à rien. Elle avait envie de respirer la nuit. Et Samuel ne rentrait pas.
Elle repense au grain de colère et au début de fuite qui a bredouillé ce soir là, quand Samuel n'est pas rentré. C'était les vacances. Petite maison de famille dans la baie de Morlaix. Lui, il se disait, ça lui fera du bien. Retrouver ici. Les gens. Les siens. L'océan. Mais, Marie c'était une fille du vent. On n'enferme pas un oiseau dans une petite maison en pierres, même au bord de l'océan.
Elle repense à ce début de révolte étouffé par l'absence. Quand il a disparu, elle se dit qu'il s'est inscrit partout. Diffusé partout. Insinué dans toutes les ramures du présent, du passé, de l'avenir. Quand il a disparu, Samuel a figé Marie dans le temps et l'espace. Quand Marie se préparait à rassembler ses ailes pour s'envoler.
Samuel est mort, abattant Marie en plein vol.
C'est l'image qui lui vient, quand elle y pense maintenant. Il lui semble que c'est une autre vie. Ca lui fait comme une pluie de cendres tombée sur elle il y a longtemps. Lourde sur les ailes. Lourde et grise. Paralysie. Asphyxie. Puis la vie. Puis le bébé. Solal, il s'appelle. Marie trouvait ça joli, mais c'est Samuel qui avait décidé. Pour Belle du Seigneur. Elle, elle se disait juste que ça faisait soleil. Soleil contre pluie de cendres. Elle a voilé ses yeux un temps. Pour diluer le manque. L'absence. Les questions. L'océan a avalé son amour. Son amour ? Tu as fui. L'océan a mangé ton père, Solal. Soleil. Soleil regardait sa mère et il continuait de sourire, de réclamer, de pleurer, de tendre les mains vers ses petits cheveux fous. Il a continué ses prouesses quotidiennes et Marie a continué de sourire, de soigner, de nourrir. L'enfance ignore les parenthèses. Un jour, Solal a eu deux ans. Un jour, Marie a commencé à oublier le visage de Samuel. Envolée, la cendre.
Alors, comme elle pouvait de nouveau bouger les ailes, elle est partie. Avec Soleil et un gros sac à dos. Elle ne savait pas trop où. Marie, c'est une fille du vent.
"L'enfance ignore les parenthèses.". celle-ci et d'autres mais celle-ci vraiment, ça cogne là où il faut. J'attends de voir où le vent déposera le soleil !
· Il y a plus de 9 ans ·lilu
c'est déjà du soleil et du vent, mêlés, ce que tu laisses ici. merci toi.
· Il y a plus de 9 ans ·ellis