Déferlante émotionnelle

Elle gardait ses yeux bien fermés, comme il le lui avait demandé. Cela devait faire près de vingt-cinq minutes qu'elle serrait sa main, alors qu'il la guidait à travers les ruelles de cette ville inconnue.

L'idée l'avait d'abord inquiétée : ne même pas pouvoir être vigilante à son environnement, se reposer entièrement sur lui. Mais son regard avait rapidement chassé toutes ses inquiétudes. Ses yeux remplis de bienveillance, de douceur, de calme, d'amour. Elle avait alors accepté. Elle lui avait empoigné sa main tendue, chaude et douce, et avait scellé ses paupières.

- "On y est presque. Fais attention il y a quelques marches. Voilà. Allez, dernière ligne droite." Il la guidait de sa voix grave et ronde. Elle avait l'impression qu'il la couvait de ses mots.

Elle eut l'impression de rentrer dans un grand bâtiment. L'air y était plus frais, et semblait chargé d'une odeur familière. Elle eut besoin de quelques instants pour la reconnaitre. Une odeur de papier.

Un silence relatif régnait dans cette bâtisse. Les chuchotements qu'elle entendait semblaient résonner comme si le plafond était très haut. Ils marchaient sur un sol qui devait être en marbre d'après le bruit de leurs pas.

- "Allez, encore quelques marches. Tu vas bientôt pouvoir rouvrir les yeux..!" Lui dit-il alors qu'ils montèrent un escalier manifestement habillé d'un tapis moelleux qui absorbait leurs semelles.

Il s'arrêta enfin. Elle sentait son cœur s'accélérer, alors que l'excitation la gagnait. Elle commençait à avoir une idée du lieu où il l'avait emmenée, et elle avait une hâte intense de le vérifier.

- "Nous y voilà enfin. J'espère que ça te plaira..." Lui dit-il de sa voix enveloppante. Il n'avait pas lâché sa main pour autant.

Elle respira profondément, avant de soulever tout doucement ses paupières. Elle regardait d'abord le sol, d'une part pour s'habituer doucement à la lumière, et ensuite pour préserver la surprise jusqu'au bout. Lorsqu'elle sentit que ses yeux s'étaient parfaitement adaptés, elle s'autorisa à redresser le regard.

Un frisson la traversa, alors que ses yeux s'écarquillèrent devant le spectacle qu'il lui avait offert. Elle était au cœur d'une immense bibliothèque. Le bâtiment devait faire la taille d'une cathédrale, tout en rond. Des étagères remplies de livres recouvraient les murs. Un bel escalier en bois sombre permettait d'accéder aux balcons supérieurs sur lesquels s'étendaient d'autres étagères. La bibliothèque s'élevait ainsi sur quatre étages, surplombés par une coupole en verre qui laissait la lumière envahir l'espace.

Elle tourna le dos à son guide pour apprécier pleinement ce lieu si magique pour l'amoureuse des livres qu'elle était. Elle sentit son cœur gonfler, rempli d'émotions si intenses. Rempli de joie. Rempli d'émerveillement. Rempli d'amour. Des larmes s'invitèrent dans ses yeux, attirées par cette déferlante émotionnelle.

Et alors qu'elle pensait être arrivée au bout de cet envahissement d'émotions, elle se retourna vers lui, dans le but de le prendre dans ses bras, de le remercier et de l'embrasser avec toute la puissance de son amour.

Son cœur s'arrêta lorsqu'elle le vit.

C'était trop.

Ca ne pouvait être.

C'était inconcevable que ça lui arrive. 

Pas à elle.

Il était à genoux, face à elle.

L'univers était regroupé dans ses iris d'un bleu impossible.

Il la fixait, de son regard trop plein de cet amour qu'elle n'arrivait toujours pas à appréhender complètement.

Il lui tendait une fine bague en or blanc, orné d'un petit saphir aussi étincelant que ses yeux. Elle était magnifique.

- "Liv, je t'aime. J'ai envie de partager le reste de ma vie avec toi. Depuis que je t'ai rencontré, je n'ai jamais été aussi heureux. Je ne me suis jamais senti aussi bien qu'en ta présence. Accepterais-tu de m'aider à réaliser mon rêve? Accepterais-tu de partager ta vie avec moi? Accepterais-tu que je devienne ton mari?"

C'était trop.

Ca ne pouvait être.

C'était inconcevable que ça lui arrive.

Pas à elle.

Elle ne le méritait pas.

TTR.