Dégénérescence D800
cassandrebiasi
18 Septembre 2015, 8 rue de Viroflay dans le XVème arrondissement de Paris. Quatrième étage, porte droite. Dans une chambre aux volets à peine entre ouverts. Une odeur de jeune mâle au réveil, dans laquelle se mêle transpiration, nourriture en décomposition oubliée il y a des semaines de cela, sur le coin d'un bureau et linge sale. Une chambre vraisemblablement jamais aérée, et délaissée de toute intervention hygiénique. Dans la pénombre, Gérard Boimont, 17ans, geek invétéré est là, debout, à sa fenêtre. Dissimulé à travers les interstices de ces stores, il épie les trois fenêtres qui lui font face. En terminale S au lycée Camille See, Gérard se destine à une carrière d'ingénieur dans le domaine du jeu vidéo. Passionné par DOFUS (jeu vidéo)et toutes sortes de nouvelles technologies, il est en marge de la société, et sans amis physique. Avec les années, il se replie dans une solitude profonde, et malgré tous leurs efforts ses parents n'arrivent pas à guerir. Depuis que sa passion dévorante à commencé, Gérard s'est coupé du monde, il ne parle plus qu'à des avatars interactifs présents dans les pseudos réseaux sociaux que sont ces jeux. Greffé à son I phone 8, il pilote son drone, gracieusement offert par son père pour ces 17 ans.
I
Dragonfly D800 de son nom est un Super Drone ; le dernier cri en matière de nouvelles technologies. Équipé d'une wescam 360° intégrée, d'un microphone 50HZ ainsi que d'un détecteur olfactif. Ce concentré de technologies permet à Gérard, timide et quelque peu voyeur de pénétrer dans l'intimité de ses voisins. La première personne que le drone a observé c'est Géraldine, camarade de classe qu'il affectionne dans le plus grand secret.
La fenêtre de la chambre de Géraldine s'allume, elle entre et s'allonge sur son lit, « Tes longs cheveux blonds étendus sur tes draps pourpres, tes yeux bleus regardant vers le ciel, tu es comme endormie, on dirait que tu m'attends n'est ce pas ? Et ce parfum, si envoûtant, mélange de jasmin et de rose. Il pénètre mes narines, parcours mon corps et me procure une sensation de plaisir absolue. Il m'appelle. J'arrive Géraldine, j'arrive !» murmure Gérard devant les images capturées par son drone. Soudain, la jeune fille se lève.
Pour ne pas être vu, Gérard empoigne son téléphone, s'empare du joystick et change immédiatement de cible en effectuant un léger mouvement sur la gauche. Il passe à la fenêtre d'à coté. C'est cette adrénaline qu'il apprécie, ces moments ou il pourrait être pris en flagrant délit de voyeurisme. Durant quelques secondes à peine, il sent son pouls s'emballer, sa respiration s'accélérer, chaque pore de sa peau s'ouvrir face à la montée de ses hormones. Ces mains tremblent, il a la tête qui tourne. Puis tout s'arrête. Personne ne l'a vu, tout est normal, il continue.
La fenêtre d'à côté donne sur le salon d'un jeune homme. Il n'est pas là, la lumière est éteinte, tout est sombre, on ne distingue presque rien si ce n'est la silhouette du mobilier ikéa qui meuble son appartement. Cela fait quelques mois que Gérard observe le jeune homme. Son voisin est un grand brun, il porte des lunettes de vue carrées, et parfois, selon les saisons il se laisse pousser la barbe. Souvent vêtu d'un costume ou de petites chemises accompagné d'un jean Levis. Gérard pourrait vous réciter son emploi du temps par cœur :
« Les jours de la semaine il part à 8h00 et rentre aux alentours de 18heures. Il n'est pas souvent là le midi et travaille tard le soir sur des tonnes de papiers qu'il sort d'une mallette. Le jeudi soir il invite souvent des amis. »
Gérard les voit défiler. A son plus grand plaisir, il y a de jolies filles, tout le monde est bien apprêté. Il les voient rire autour de verres de rosé, du « Mouton Cadet » bien souvent. Ils dansent, se touchent et s'entrelacent. L'ambiance a l'air bonne. Cela excite beaucoup Gérard. Il aimerait être à la place des hommes présents ces soirs-là. Il imagine le parfum fruité que les femmes porteraient, il examine le moindre détail de leur tenues. Il s'attarde souvent sur leurs bouches, surtout, si elles sont maquillées d'un rouge à lèvres carmin. Puis il descend le regard progressivement sur leurs jambes imaginant les bas qu'elles pourraient porter sous leurs jupes. Le week-end l'appartement est vide. - « Ce doit être un étudiant » pense Gérard.
Il adore le regarder, non parce qu'il éprouve une quelconque pulsion envers son voisin mais parce qu'il l'envie beaucoup. Il imagine la vie qu'il pourrait avoir à la place de ce jeune homme. Une vie remplie d'amis, de rencontres et de fêtes. Il l'idéalise. Il aime son côté viril et sûr de lui quand il l'aperçoit ramenant des filles certains soirs. Gérard aimerait avoir la même assurance. Il aimerait être sûr de lui.
Au lycée, Gérard ne parle à personne, personne ne le regarde , il rase les murs comme si le regard des gens le mettait mal à l'aise. Il se sent si bien dans cette vie fictionnelle. Lui, a l'impression de se construire un réseau social secret. Perdu dans ces pensées, Gérard s'évade à travers la vie des autres.
Il est 23h04, un orage éclate, Gérard doit se résigner à faire rentrer son appareil. Il presse le bouton de réinitialisation sur l'écran de son téléphone. Gérard ouvre le volet et le drone vient se poser sur le bureau comme par magie. Cette option, c'est lui qu'il l'a rajouté. Il à programmé son drone pour qu'il aille le récupérer dans un entrepôt d'Amazon. Face à son désir de rester de plus en plus longtemps devant la fenêtre de ces voisins , il se devait en cas d'urgence de rentrer son drone le plus rapidement possible, de manière à ne pas faire de manœuvre compliquée qui mettrait en danger son drone.
II
Lundi 20 Septembre 9h00.
Gérard arrive au lycée, il redoute toujours ce moment là. Il est interpellé par la secrétaire de direction. Depuis quelques semaines il ne travaille plus, son quotidien est rythmé par son drone et ses notes s'en ressentent. Elle lui demande de prendre rendez-vous avec le directeur afin de faire le point sur l'année à venir. Gérard ne s'inquiète pas plus que cela et repart. De toute manière il est devenu dépendant. Il ne peut plus rester ne serait ce qu'un seul jour sans espionner l'appartement de l'un de ses voisins.
Une fois sa journée de classe achevée pour son plus grand soulagement, il rentre chez lui. Il se précipite sur son drone. Dragon fly D800 est en marche, « RTF, détection de cible à 2h ! » Gérard est en transe. Sa cible aujourd'hui, se sera Maria, sa nouvelle voisine.
D'environ une quarantaine d'années, elle a deux enfants. Une fille et un garçon. Maurice et Yvette d'après ce qu'il a entendu sur ses enregistrements. Gérard les regarde, assis dans leur cuisine , les enfants goûtent. Maria a l'air d'être une gentille personne, elle cuisine souvent des gâteaux de riz. Gérard s'identifie sûrement à l'un de ces enfants. Il admire Maria. Aujourd'hui, il sent une bonne odeur de tarte aux prunes qui se dégage du diffuseur d'odeur placé dans la chambre de Gérard.
« Et moi, je peux avoir une part de gâteau maman ? » murmure Gérard.
« Tu es si belle et si gentille maman, comment fais-tu pour être si parfaite ? »
Gérard est lancé, complètement absorbé il est comme dans un film. Il s'imagine avec eux.
A travers ce côté pervers, il semble que Gérard soit profondément en manque d'affection. Dans chacun des quotidiens de ses voisins, il s'attarde sur les moments d'affections. Il se laisse alors aller à ses plus grands fantasmes. Il a souvent de fortes pulsions sexuelles. Toutefois, Gérard se sent en sécurité derrière sont écran. Comme intouchable, derrière son armure de capteurs et de fils électriques.
III
Quelques mois ont passé, Gérard n'est plus aussi à l'aise. Lui qui pensait être le seul à faire voler son engin dans le ciel de Paris a découvert que des milliers d'autres personnes possédaient des drones. Il a peur. Et si lui aussi était observé ?! Gérard fait une pause, depuis un petit moment il ne fait plus voler sont drone. Ce qui l'obsède : les nouveaux microdrones. Ils viennent de sortir. Ce sont de petits engins quasiment invisibles à l'œil nu.
Gérard se renferme de plus en plus sur lui-même. Les volets ne s'ouvrent plus, même de quelques centimètres. Parfois, lorsque Gérard est seul chez lui, il daigne sortir au salon. Mais n'allez pas croire que c'est pour s'aérer l'esprit. Il s'empresse de descendre tous les stores de l'appartement et retourne dans sa chambre.
Plus les jours passent, plus le comportement de Gérard change. Persuader que quelqu'un complote contre lui, il ne va même plus à l'école. Gérard ne sort plus, ne mange plus, et ne répond même plus à sa mère. Il vit dans l'angoisse permanente d'être surveillé. Comment expliquer ce changement de comportement, lui qui aimait tant contempler son entourage . Pris à son propre jeu, il devient paranoïaque.
Matin du 4 décembre 2015.
En se levant, Gérard pense apercevoir la silhouette d'un drone dans sa chambre. Il referme ses yeux, les frotte, les ouvre à nouveau. La silhouette est toujours là.
« Qu'est ce que c'est ça ! » s'écrit Gérard. Son rythme cardiaque s'accélère.
« Il me surveille !».
Gérard sort de sa chambre affolé. Il est paniqué. Sa mère choqué de voir son fils hors de sa tanière le regarde se diriger vers le salon. Lorsque Gérard avance il se retourne toutes les cinq secondes pour vérifier que la silhouette ne le suit pas. Mais elle est toujours là.
« C'est un drone, j'en suis sûr, c'est un drone, il me surveille!».
Gérard court, il tourne en rond. Il est affolé, il transpire. Des gouttes de sueurs coulent le long de son front. Sa mère lui demande ce qui se passe. Elle ne comprend pas.
« Il sont là, ils me suivent ! » lance Gérard à sa mère.
« Qui ça ? Il n'y a personne ici. Nous ne sommes que tous les deux » lui répond la mère.
Désemparée de ne plus le voir sortir de sa chambre, elle se fait un plaisir de le revoir au salon mais se rend très vite compte qu'il a changé.
- « C'est toi qui les a laissé entrer ? Dis le! » s'écrit Gérard. Il la fixe, son regard est sombre.
- « A ce moment précis je ne reconnais pas mon fils » confira la mère.
La mère affolée comprend vite que ce n'est plus vraiment son fils qu'elle a en face d'elle ; il est comme habité par quelqu'un d'autre. Psychose extrême. C'est comme si quelqu 'un désintégrait sa personnalité de jours en jours pour n'en faire qu'un ignoble personnage.
Gérard se sent mal, à force de tourner en rond, il finit par perdre l'équilibre. Il perd connaissance. Il se retrouve à l'hopital. Interrogé par l'assistante sociale il se confie :
- « J' entends des voix, Je ne me souviens plus des gens que je connaissais. J'ai de nouveaux tocs. Je ferme trois fois les portes à clé, je ferme tous les stores. »
Sortir son drone est devenu impenssable à présent. Il a trop peur, son comportement a dégénéré, il est de plus en plus violent, et pense que de plus en plus de gens le surveillent.
Les drones se sont comme emparés de son esprit et de son corps. Il n'est plus maître de lui-même. Gérard sombre de plus en plus dans la dépression.
La seule fois où Gérard ré-utilisa son drone, se fût ce mercredi 6 Mars. Avec la plus grande discretion, il se servit de Dragonfly D800 pour mettre fin à ces jours. Il accrocha une corde au double hellices de con drone. Il réalisa un vol stationnaire à 2 centimetres du plafond de sa chambre. Et se pendit seul, desepéré et à bout de force.
Les crises s'etant faites de plus en plus fréquente, les dornes controlaient son esprit. C'etait devenu insupportable. Que deviendrai le monde de demain face a cette armé de drone dirigeant les ames esselées dans le plus grand secret.