Demain ce soir avant Episode 1
Magali Gasnault
Episode 1
J'attrape au hasard. J'empoigne tout ce que je peux extirper de mon placard. T-shirts, chemises, futals. Sans le moindre soin, j'enfourne dans une valise. Hop ! Hop ! Hop ! Je suis tellement survoltée que je manque d'écraser Nougat qui se prélasse sur mon tapis marocain, coincé entre le lit japonais et le placard. Et la gazelle m'avait lancé le vendeur, dis un prix ! M'chaarhl [1] ? J'en sais rien que j'avais répondu. Ce souvenir de mon voyage à Merzouga, petit village marocain au pied des dunes du Sahara m'attendrit et c'est tout juste si j'évite le coup de griffe rageur de Nougat. Quel pot de colle, je lui crie. Lâche-moi la grappe ! File ! Et sans ménagement, je lui balance un oreiller qui s'écrase sur son croupion bien charnu. A grand renfort de miaulements vindicatifs, Nougat fuit hors de la chambre. Bon vent ! Un dernier coup d'œil circulaire, je vérifie que je n'ai rien oublié. Ordi portable, carnet à idées, chargeur de téléphone, et je filoche à mon tour. Faut pas que je rate mon train !
Je dégustais tranquillement un verre de Lambrusco dans ma petite cuisine. Les rayons d'un soleil printanier couraient sur le carrelage grenat. Je savourais ma délicieuse salade grecque et mon premier jour de vacances. A la vérité, j'essayais de la savourer, cette foutue salade. Pour tout dire, je pestais contre ces misérables olives noires qui roulaient sous ma fourchette, glissaient avec vice hors de mon ustensile. A croire qu'elles étaient dotées de volonté, à croire qu'elles étaient animées du désir de transformer mon repas en une bataille de tranchée. Je posai ma fourchette tout en lâchant quelques jurons. Je les aurai, murmurai-je. J'empoignai avec conviction ma fourchette, levai la main droite lorsque mon téléphone portable retentit. Surprise, je lâchai la fourchette qui rebondit sur le sol. Je me levai oubliant que Nougat dormait sur mes genoux. Déstabilisé, il ne trouva rien de mieux que de planter ses griffes dans ma cuisse. Non, mais ça va pas, le greffier, criai-je. T'es complètement siphonné ! J'attrapai mon téléphone juste avant que l'appel ne se perde dans la messagerie.
- Mme Onyx Despues ?
- Moi-même.
- Bonjour, je suis Marcel Bismuth de la maison d'édition L'encre qui coule. Félicitations ! La nouvelle que vous nous avez envoyée a été retenue et sera éditée dans notre prochain numéro. Et c'est pas tout ! Vous êtes sélectionnée avec neuf autres heureux auteurs pour la deuxième phase de notre concours de nouvelles.
Je bredouillai une suite de mots incompréhensibles en guise de remerciements. J'avais le cerveau en ébullition et je fis un effort surhumain pour capter les explications d'un Marcel volubile et enjoué. J'avais totalement oublié que j'avais participé à ce concours ! Je m'y étais inscrite pour échapper à la laborieuse lecture et correction de commentaires de texte. Jamais Jules Verne n'aurait imaginé de telles interprétations à propos de son vénérable Capitaine Némo transformé parfois en Capitaine Mono.
- Dans 15 jours, les dix auteurs doivent nous remettre un nouveau récit, original, il va s'en dire ! Le jury, après lecture attentive, élira trois nouvelles qui seront elles aussi éditées dans plusieurs revues littéraires.
Je lâchai un « C'est super ! » à peine articulé sans que cela ne troubla mon infatigable interlocuteur. Ce qui me troubla, moi, c'est la vision de la patte de Nougat dans le bocal de Firmin, le poisson rouge. Ce maudit chat semblait pétrifié. Il avait le regard rivé sur les mouvements circulaires de Firmin. Sa patte, toute griffe dehors, attendait l'occasion de pouvoir harponner le malheureux poiscaille.
- De plus, continuait Marcel imperturbable, l'auteur de la meilleure de ces trois nouvelles signera un contrat d'édition pour son prochain roman. Et une avance conséquente sur les futurs tirages lui sera versée.
- Vous plaisantez ? lançai-je d'une voix ridiculement aigue tout en éjectant Nougat loin du bocal de Firmin.
- Pas du tout ! Au plaisir de vous lire !
Et il raccrocha. Je n'en croyais pas mes oreilles ! Mon rêve le plus secret pouvait se réaliser. Etre éditée ! Je devais sans plus attendre m'atteler à la tache ! M'isoler pour écrire ! Ce coup de fil tombait pile poil ! J'entamais à peine mes vacances de Printemps. Je n'avais rien programmé d'exceptionnel. Et voilà pourquoi, une heure plus tard, je quittai mon appartement toulousain pour sauter dans le premier train en direction de du Lot. Gourdon serait mon havre de création !
A suivre.....
[1]M'chaarhl ? Combien ça coute ?
Et Nougat alors ? Qui le garde ?
· Il y a plus de 8 ans ·Louve
Mystère...
· Il y a plus de 8 ans ·Magali Gasnault