Demain ce soir avant Episode 5

Magali Gasnault

Est-ce la fraicheur du sol, l'humidité ambiante ou les pulsations qui secouent sa cervelle qui réveillent Picolo ? Les trois sans doute. Péniblement, le jeune homme s'appuie contre un mur sur lequel perle de petites gouttes d'eau. Impossible de se situer. Il entend bien des bruits de pas courir au-dessus de sa tête. Une cave ? Un souterrain ? Mais pour quelles raisons se trouve-t-il dans ce trou à rat, les chevilles attachées ? Lui revient alors à l'esprit  l'image horrible du corps précipité dans le Canale. Après, c'est le trou noir. Il a beau plisser le front, rien. Pas le moindre souvenir ! Et Cesare ? Il doit se faire un sacré mouron ! Alors que Picolo tente de se détacher, la paroi qui lui fait face, se met à coulisser.

- Bonjour, dit un homme de taille quelconque à la voix grave, je suis le Grand Bouclé, chef suprême de la Confrérie des Hirsutes.

Instantanément, Picolo sent ses poils se dresser sur ses avant-bras. Cette voix, il  la reconnaîtrait n'importe où ! C'est celle du Baryton !

- C'est quoi ce délire ?jette Picolo. Jamais entendu parler !

- Comme ta mort est proche, répond le Grand Bouclé avec un sourire carnassier, je vais étancher ta soif de connaissances. Voyons, par où commencer ?

Tout en fixant du regard Picolo, le Grand Bouclé fait glisser la capuche qui recouvre une tignasse blonde impressionnante. Il s'assoit en tailleur face au prisonnier, s'éclaircit la gorge.

- La Confrérie des Hirsutes est une branche dissidente de la Confrérie de San Marco. Elle a été fondée suite à la terrible tempête du 15 février 1340 qui faillit provoquer l'engloutissement de Venise. Pour les fondateurs de cette confrérie, l'apocalypse qui avait fondu sur Venise était la juste punition aux comportements orgueilleux des marins et  commerçants vénitiens animés par l'appât du gain. Seule la crainte de Dieu est salvatrice, tel est le message de la Confrérie de San Marco.

Le Grand Bouclé s'interrompt pour boire une gorgée de vin qu'un jeune garçon vient de lui servir. Ses yeux prennent un éclat étincelant. Son visage se crispe.

- Foutaises ! lance brusquement énervé le Grand Bouclé. Selon moi, le cosmopolitisme de Venise est la cause essentielle des catastrophes passées et futures. C'est ce que j'ai dit au Grand Maître. Prêcher que le pénitent doit mettre ses pas dans ceux de Dieu, cela n'impressionne personne, c'est de la gnognotte. Il faut imprimer la peur, dresser les esprits pour rendre à Venise sa grandeur et son éclat ! Les brebis galeuses, au pas ! Les stranieri 4, dehors ! Basta ! Voilà ce que j'ai dit au Grand Maître ! Et comme, il m'a rit au nez le vieux, j'ai claqué la porte et fondé la Confrérie des Hirsutes.

 

- Et alors ? interroge Onyx. Cela ne m'explique toujours pas pourquoi tu es un chat ? Picolo ? Tu m'écoutes ?

Pour toute réponse, Onyx n'obtient qu'un profond ronflement. Picolo pionce comme un bienheureux.

La pluie a laissé place à un ciel tout gris. Onyx avale son troisième café du matin. Quelle nuit ! Elle n'a dormi que d'un œil ! Elle jette à Picolo un regard aussi noir que son café. Un chat qui ronfle à faire craquer les murs, non mais sans rire, il ne lui manquait plus que ça.

- Picolo, tu pourrais arrêter de laper ta soucoupe de café, c'est quoi la suite ? Je ne voudrais surtout pas te bousculer, ajoute-t-elle.

- La suite ? Le Grand Bouclé a pris la tangente, me laissant mariner jusqu'à la nuit suivante avec pour toute compagnie un verre d'eau et un bol d'olives.

 

A suivre ……


4 stranieri : étrangers

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