Demain ce soir avant Episode 8

Magali Gasnault


 Tout droit ! Encore tout droit ! Picolo file hors de la Chiesa della Pieta. De justesse, il s'arrête au bord de la berge de la Riva degli Schiavoni. La maîtrise de ses quatre pattes laisse encore à désirer. Et dire que, à peine plus de vingt quatre heures auparavant, il rêvassait, assis à quelques mètres de là. Il dresse une oreille anxieuse. Pas de bruits à l'exception de celui réconfortant de la lagune. Relax, se dit-il. Tu es hors de portée des deux agités du bocal. Mais pas de ces deux zigues qui s'approchent éclairés par la lune qui scintille. Picolo se voit des ennemis partout. Une poussée de paranoïa l'envahit. Alors qu'il s'apprête à détaler, la voix des deux loustics se fait plus perceptible. Picolo a l'impression de recevoir un coup de poing sur la calebasse. Il se tétanise. Par la Madone ! Cesare et Alberto ! Picolo avance vers eux. Il leur crie qu'il est juste là, derrière. C'est bien lui, Picolo ! Cesare se retourne, n'entend que des miaulements, aperçoit un malheureux chat de gouttière qui vient se coller à lui.

- Je dois encore sentir le poisson pour que ce greffier s'agrippe à moi. Dégage, dit-il. Pas de temps à te consacrer. J'ai d'autres chats à fouetter. Allez, ouste !

Cesare et Alberto allongent le pas. Les lampions qu'ils tiennent à la main ouvrent la voie. Ils s'engloutissent dans la Calle del Forno qui donne sur le Campo de Gorne. Picolo a compris. En quelques bonds, il dépasse les deux hommes. Il a presque un sourire au bord des moustaches.

- J'ai pourtant bien trouvé la bourriche de sardines devant ma porte. Il ne doit pas être loin. Tu sais que le quartier du Castello regorge de taverne, ajoute Alberto. Il s'est peut-être pris la première grosse  cuite de sa vie.

Cesare marmonne un acquiescement poli. Admettons, pense-t-il. En silence, les deux amis se faufilent à travers les ruelles obscures, franchissent le Campo do Pozzi. Cesare sait qu'ils ne sont plus très loin de la calle dei Scudi.

- Ah ben ça alors, s'exclame Alberto. J'y crois pas ! Vise un peu qui nous attends devant l'entrée du Palazzo.

- Le chat ! Le chat de la Riva qui s'était pris d'affection pour moi ! s'écrie à son tour Cesare. Il est vraiment bizarre ! Il a une drôle de façon de nous regarder !

Doucement, Cesare se rapproche du chat qui ne bouge pas.

- Je connais ce regard, se dit le pêcheur. Je le  connais, ne cesse-t-il de répéter. Y a pas à tortiller, Alberto, je le connais.

Alberto préfère ne pas répondre. Voir ainsi son vieil ami contemplant ce chat le rend mal à l'aise. Alors qu'il décide d'entrer malgré tout dans le Palazzo, Cesare le suivra bien, le chat se met à pousser une série de miaulements. De plus en plus stridents. De plus en plus forts.

- Ferme-la ! maugrée Alberto, tu vas ameuter tout le quartier.

Mais le chat s'obstine. Les yeux plantés dans ceux de Cesare, il mêle miaulements rauques et aigus, il parcoure toutes les tonalités jusqu'à ce qu'un son inattendu, une série de syllabes mal articulées, attire encore plus l'attention des deux hommes. Cesare s'empare alors du félin et pénètre dans l'appartement qu'Alberto vient d'ouvrir.

- J'ai pas rêvé, dit-il. Tu as bien entendu, Alberto ?

Alberto hoche la tête, pose sa main sur la tête du chat qui leur fait face et lui murmure :

- Picolo, c'est bien toi ?

Le chat cligne d'un œil et Alberto n'a même pas le temps de rattraper son ami, qui de joie, s'évanouit.

A suivre ……

 

 

 

 

 

 

 

 

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