Dépenser

Alexandre Papazof

Le côté obscur sous les feux de la rampe.

Je suis donc je dépense. Je soutiens la croissance. Je jouis des biens, puis je les jette. J'entretiens la machine. Celle qui déverse, celle qui broie. Je me fous de l'autre, je lui impose mon rythme. Celui que l'on m'impose aussi.

Je hais les fainéants. Ceux qui profitent. Moi j'en ai chié, et je m'en sors bien. Enfin pas trop mal. Disons que je tiens debout. 

En fait j'ai envie de chialer. Mais je ne me l'autorise pas. Je suis pas une gonzesse. J'ai mon amour-propre. C'est ça qui me tient debout. Et qui me foutra par terre. 

J'ai envie d'y croire. A la bonté. A la solidarité. Au partage, à la joie, à la légèreté. Mais je ne peux pas. J'ai trop le vertige. Je préfère baisser la tête et me venger lâchement. De tout ce qu'on m'a fait. De tout ce bonheur que je ne peux plus regarder dans les yeux. 

Je veux voir du sang, c'est mes organes qui le réclament. Mon cerveau a été mis en veilleuse, il ralentissait ma progression.

Je ne pense plus, je dépense. 

Signaler ce texte