Derive

christinej

Je dérive.

Sans attache, sans retenue, je dérive.

J’ai la sensation de voler dans un ciel limpide, hors du temps, hors de moi.

Une chanson douce, un peu perdue comme moi, accoste à mon oreille. C’est peut être le chant des vagues, elles finissent leur course, en mélopée de pleurs, sur le récif que je suis devenue.

L’écume, dépose sur ma peau, une dentelle éphémère, brodée de perles sauvages.

Mon corps se recouvre d’un voile de sel, une robe de marée à la couleur diaphane.

Je dérive.

J’oublie le poids de la vie, le poids de ma vie, ses ressacs et ses roulis.

Je me laisse aller, un moment, à une rêverie d’éternité.

Mon corps me semble si loin, il ressemble à un rivage perdu, oublié du bonheur. Je pourrais m’en séparer. Je n’y suis plus ancrée, je peux m’en amputer et me délester de ce fardeau.

Sans même y penser, je suis passée pardessus bord, quand mes larmes m’ont submergées, quand ma peur a débordé, quand la douleur m’a noyée.

Je dérive.

Entre le ciel et la mer, les yeux accrochés aux nuages, des fous m’accompagnent, avec leur vol majestueux, criant à qui veut l’entendre, ma torpeur. Ils sont tels des cornes de brume voulant éviter un naufrage.

Des rochers tranchants, ouvrent leur bras pour recevoir mon cœur, de bout d’épave jeté à la mer. Ils sont pareils à des caresses cinglantes qui réduisent mon corps en lambeaux. Il  se confond alors, avec les algues, dérivant sans contrôle, au gré  des vagues et de leur remous. Projeté en avant avec force, puis aspiré vers un passé sans reddition, pris dans ce remous incessant de mes sentiments, j’ai fini par céder.

Je n’ai pas volontairement choisi de basculer en pleine mer, enfin je ne crois pas. J’ai, juste, voulu toucher l’impossible, j’ai trop tendu les bras et je n’ai attrapé à la fin qu’un vent de misaine. Un vent froid du grand large, celui des traversées solitaires.

Je dérive.

Au bord de ma conscience, j’ai mon âme au bord des yeux.

Il y a tant de noirceur dans ce bleu et le blanc qui m’habille, porte le deuil de ma raison.

J’ai, quelques mots, gravés à même ma peau, là où, autrefois un amour avait posé ses amarres. Aujourd’hui, ils sont rongés par une amertume iodée.

Je suis un matelot sans son navire.

Un navire sans son capitaine.

Je ne suis que de l’eau à qui l’on a retiré tout son sel.

Je suis une dérive de mots sur un océans de sentiments.

J’ai maintenant trop plaies ancrées sur mon cœur, mon sang  a fini par se noyer dans cette entendue de larmes.

Je dérive.

Je divague.

Je dis océan.

J’emporte avec moi les embruns de mes souvenirs dans mon dernier soupir.

Je dérive vers des rivages ou l’infini est sans fin.

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