Des mots

C'est bien souvent que je constate que, pris dans nos élans sentimentaux, nous n'avons rien d'autre à dire dans l'immédiat sinon que ce que la joie ou le malheur que tel ou tel émoi nous procure. Pour ce qui est des narrations dont la construction est fondée, je dirais que ce n'est pas une immédiateté, mais une régularité qui s'instaure dans l'esprit et qui, des suites d'une continuité de la pensée et de l'établissement de la logique narrative, prend son sens sur le long terme.
Autrement dit, nous en revenons sans cesse à ce clivage entre les mots lorsqu'ils sont guidés par la passion, et les mots lorsqu'ils sont employés suite à l'effort de la pensée, laquelle désire tant élaborer quelque chose de logique. Je trouve cela frustrant, de voir que l'usage qu'on désire faire des mots soit voué à être ainsi, ou autrement.
Peut-être faudrait-il essayer d'inverser cette tendance ; et donc, au lieu d'exprimer la passion dans les mots, la pensée dans l'histoire structurée, tenter de choséifier la passion, en la décrivant rationnellement, logiquement, pour lui offrir une structure. Et, à l'inverse, écrire une histoire qui ne serait fondée sur rien d'autre que du pur hasard et de la pure liberté dans l'écriture ; pas de réflexion.
Seulement, ce ne sont que des hypothèses ; je doute fort que cela soit possible, autrement dit réalisable. Mais pourquoi pas ? Si la chose est pensable, elle vaut peut-être le coup qu'un de nous la rende, un jour, effective. L'inconnu n'est jamais inaccessible.