Des Scribes et des Coléoptères

Pour l'éditeur et le lecteur, un auteur est celui qui crée une œuvre littéraire. Alors que pour le juge et la victime, un auteur est celui qui commet un crime. Donc si une œuvre est une infraction au bon goût, un délit littéraire, son auteur ne serait pas un écrivain. Toutefois, selon le dictionnaire, un écrivain est celui qui écrit des livres, pas celui qui les vend. Et si l'écrit de l'écrivain ne se vend pas, on est tenté de dire qu'il est un mauvais écrivain. Peut-on alors qualifier de délits les vains écrits de l'écrivain ? Auquel cas, il redeviendrait un auteur. Et serait donc justiciable. Traduire un auteur en justice c'est envisageable, mais encore faut-il trouver un bon traducteur. Et souvent, le traducteur est lui-même écrivain ou tout du moins gendelettre. 

Parfois l'écrivain est un coléoptère qui attaque les bourgeons de la vigne. De là à dire que les écrits trouvent leur inspiration dans le vin… L'insecte, cette plaie des ceps, porte aussi le nom de gribouri, et quand on lit gribouri, on entend scribouillard (si on tend bien l'oreille). Le scribouillard n'est pas un écrivain, il n'est que l'auteur de scribouilles. Cependant, si la scribouille se vend, on pourrait reconnaître au scribouillard le talent qu'on conteste à l'auteur. Si on fait fi du succès comme critère, l'auteur est juste quelqu'un qui écrit. L'auteur serait un scribe, greffé d'imagination, imagination qui manque au greffier. 
L'auteur, pour se démarquer du scribe doit trouver son public. Il court, il court. Il porte tous les noms : romancier, conteur, librettiste, pamphlétaire, nouvelliste, le con court, littéraire. Il pousse ses textes dans les maisons d'édition et sans reddition, il e-poste sur toutes les toiles ses cris par dix ou par vingt. L'auteur court sur le net, à la recherche d'un autre lectorat, un lectorat virtuel mais celui qui lisait du papier n'était pas plus visible. L'auteur continue de se vendre pour ne pas être un scribe qui ne se vend pas. 
L'auteur ne fait plus le planton dans les villes, devant les maisons d'édition, il quitte le trottoir mais il part sur celui d'en face, il fait campagne. 
Et l'auteur devint e-crivain. Et l'e-crivain voulut être e-lu.