DESNUDA

Sylviane Blineau

Une femme s'interroge








DESNUDA


(d'après le tableau LA LECTURE ABANDONNEE)






Est-ce qu'elle te plaît ma bouche ? Mes seins, dis, tu les aimes ?

Et mes fesses ? Regarde-les, mes fesses, tu les trouves belles ?


Elle soulève délicatement une jambe - un souffle, une aile de colombe – la caresse en soupirant, la repose lentement sur l'autre jambe allongée. La tête sur un bras replié, elle laisse errer son regard.


Tout ce vert lagon derrière elle, sur le mur de la chambre, la renvoie aux autrefois lumineux... La mer, il n'y avait que la mer pour la retenir. Bottines à la main, jupons retroussés, elle parcourait criques et grèves blondes, se vivifiant aux senteurs iodées, aux écumes glissantes. Moires d'eau, laisses mauves.


Je courais avec le vent, contre lui parfois. Il me soûlait, le vent, en ses frondes tourbillonnantes, en ses hurlements. Il me cernait, lorsque d'algues rousses étaient mes bouquets. 


Elle a froid soudain, cherche le couvre-pieds jaune et, le ramenant sur elle, trouve le livre qu'elle avait refermé tout-à-l'heure. Un roman à l'eau de rose, encore un ! Cet amour imaginé, cet embrasement des sens n'existent-ils donc que sous la couverture rouge des livres ?


Dis-moi ce que tu aimes en moi. Mes yeux noir charbon, mes yeux rêveurs ?

La courbe de mes hanches, mon ventre rond et doux ?

Et mes cuisses charnues, ne veux-tu pas les caresser enfin ?

Oh, juste un peu. Juste les effleurer de tes blanches mains !










Jamais il n'a eu le moindre regard, le moindre geste envers elle. Ne l'a jamais prise. Elle s'est approchée, elle a rampé jusqu'à lui, flamme de femme, tressant des son mieux les prémices de l'échange par elle provoqué.


Tout contre lui, seins et ventre écrasés, elle a enfin osé les caresses...Elle a mis ses lèvres humides, puis sa langue, puis ses doigts. Elle a crié de désir.



Elle n'a rencontré que le tain glacé du long miroir posé au sol.

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