Deux de trop
liviasansleo
Il était une fois.
Car oui, je vais commencer cette petite histoire par il était une fois. C'est cliché, répétitif, mais efficace.
Il était une fois, il y a plusieurs mois, une femme qui après des années de franches galères et de déceptions, décida de se sortir de sa zone de confort.
Ce cocon où elle s'était enfermée de nombreuses années après une douloureuse séparation, des difficultés financières et des problèmes de santé.
Elle décidait qu'à partir de maintenant, elle ferait comme "tout le monde". Elle qui se sentait souvent différente.
Son nouveau obit était d'explorer et oser s'exprimer sur les réseaux sociaux.
Elle aimait laisser des commentaires parfois farfelus, parfois révoltés sur les différentes plateformes du 2.0.
Elle en laissait parfois à ses amis, mais aussi parfois à des personnes publiques qu'elle estimait par leur travail et leur charisme.
Cette femme avait plusieurs passions. L'écriture, le dessin, la vidéo, la danse... La musique était aussi et avant tout ces autres arts, sa raison d'exister.
Ces derniers temps, elle avait besoin de trouver du réconfort dans un style de musique particulier.
Pas toujours de très bon goût, pas toujours dans la douceur, pas toujours bien écrit, elle adorait le rap.
Rap américain, rap français, peu lui importait, tant qu'elle y trouvait les mots qui lui redonnaient de la force.
Cela semblait gêner les gens qu'elle puisse être ce qu'elle voulait. Cette nana était un peu folle, hystérique et même colérique.
Pourquoi se permettait-elle de vivre sa vie puisqu'elle n'était et n'est toujours pas la fille la plus aimée, la plus brillante, la plus belle, la plus riche ?
Non, elle n'avait rien pour elle.
Certains mauvais esprits diraient même qu'elle est une pauvre fille, impopulaire et gênante.
Mais elle s'en fichait car après tout, elle était libre. Oui, vilaine, sans le sou, seule avec sa progéniture... mais libre.
Il se passa des événements étranges suite à ses posts sur internet. Des rumeurs folles et des faits improbables lui arrivèrent.
Là aussi, elle n'en avait que faire, la vie ayant été assez difficile auparavant, ces aléas l'amusaient.
Les gens de sa ville parlaient sur son passage, des bruits lui revinrent aux oreilles.
Mais elle avait sa technique pour contrer ces dires désagréables.
La technique de l'autiste.
Ce n'est pas une "technique" insultante pour cette maladie. Bien au contraire, elle avait beaucoup de compassions pour toutes ces personnes atteintes de cet handicap.
Mais elle avait l'impression que depuis son plus jeune âge, elle aussi avançait dans la différence.
Dans ses silences, dans sa créativité où elle avait l'habitude de s'enfermer.
Dans tous ses non-dits, dans ses fuites face aux gens.
Car si il y a bien une chose qu'elle ressentait depuis des années, c'était l'impression de déranger.
Elle avait essayé d'aller au contact des gens, mais à chaque fois, elle se renfermait sur elle-même et ne donnait plus de nouvelles.
Même envers des personnes qu'elle avait en estime, même envers sa propre famille. Pathétique ? Certainement.
Cette femme était vraiment spéciale, mystérieuse voir intrigante. Enfin, quand on s'intéresse à elle, évidement.
Parfois rebelle et extravertie, parfois soumise et introvertie.
Essayait-elle simplement de se faire remarquer ou n'avait-elle pas encore su où était sa place dans cette société ?
D'ailleurs, cette société la pointait régulièrement du doigt à ne pas vouloir rentrer dans son moule.
Elle restait là, béat, à se complaire de sa misère, à ne pas savoir gérer son enfant, à accumuler les dettes, les échecs, les bourdes, les histoires sentimentales calamiteuses... L'avait-elle chercher ? Sûrement !
Après tout, elle n'avait jamais su se discipliner, se taire et respecter correctement les règles.
Pourquoi était-elle si compliquée ? Avait-elle eu une enfance difficile ou subit une quelconque maltraitance ? Avait-elle un problème plus profond, voir psychologique qui n'avait pas été réglé à temps ? Vivait-elle dans ses rêves ? Avait-elle vraiment les pieds sur terre ?
Mais, peut-on vraiment résumer la complexité d'un être par quelques questions ?
Car oui, toutes ces choses elle le savait.
Elle ne se plaignait pas de son enfance, elle s'était sentie aimé par sa mère, par ses sœurs. Elle n'avait pas vécu dans l'opulence mais avait pu recevoir de l'amour, des soins, et de bons acquis.
D'ailleurs, elle avait aimé aller à l'école élémentaire pour apprendre. Toujours apprendre.
Au fond, elle n'avait jamais vraiment eu de désirs et de but précis. Elle savait qu'elle avait beaucoup de passions mais elle savait aussi qu'elle n'avait pas spécialement un grand talent.
Ni de grandes ambitions. Elle avait toujours imaginé avoir une vie simple.
Elle aimait dire "Carpe diem" et se laissait entièrement guider par son destin, ses petites réussites et ses grands échecs.
Mais cette année là, elle pensait à ses trente ans.
Elle se disait qu'elle n'avait rien accompli de spéciale.
Qu'elle n'avait pu profiter pleinement de la vie.
Qu'elle n'avait pas fait le tour du monde, qu'elle n'était pas la femme parfaite.
Qu'elle n'avait jamais répondu complètement à ses envies.
Qu'elle était aussi insipide.
Elle avait eu un enfant. Je le souligne car là aussi elle était critiquable.
Elle l'avait désiré mais elle ne s'imaginait pas qu'il serait si complexe d'élever ce petit être.
Elle ne s'était pas dit qu'en ayant ce bébé, un jour elle se retrouverait quasi seule à devoir l'assumer.
Quand elle l'attendait dans son ventre, du haut de ses vingt-ans, elle se disait qu'il serait aisé de le rendre poli, courtois, bien élevé.
Elle-même savait qu'elle l'avait eu un peu jeune, mais surtout dans une situation périlleuse.
Tout juste sortie d'une houleuse adolescence, à peine arrivée à l'âge adulte, sans réel métier acquis, sans possession de biens, elle ne s'était pas rendue compte que rien ne se passerait comme elle l'avait imaginé.
Elle ne pensait pas non-plus un jour devoir devenir la seule autorité permanente dans son foyer.
Mais cette femme, si bizarre, avait malgré tous ses défauts et ses incertitudes, une force en elle.
Elle n'avait peur de personne.
Pas de rien, car elle avait de drôles de phobies.
Sûrement d'autres preuves de ses nombreux problèmes mentaux.
Elle n'avait pas non plus peur d'assumer. Ses dires, ses pensées, ses moments de délires, son fort caractère, ses travers, son étrange passé.
Tous ces instants où elle aurait du réagir, s'en aller, se booster, essayer.
Oui, rien n'était comme il le faudrait.
Elle ne maîtrisait pas ce qu'elle était mais elle supportait ce poids. Elle tentait juste de garder face, d'essayer d'améliorer ses capacités en tant que mère et de garder le sourire.
Non, elle ne voulait pas éteindre cette étrangeté qui l'a caractérisait.
Se mettre à rire sans raison, hausser la voix, partir dans tous les sens. Dans ces moments là, elle se sentait juste vivante.
Très rare étaient les personnes de son entourage qui la comprenait. Elle ne cherchait pas non plus à être comprise.
Elle n'était pas sans cesse en quête de reconnaissance.
Elle s'amusait, elle essayait, elle partageait... sans attente de compliments retour.
D'ailleurs s'y il y avait peu de personnes pour lire en elle, c'est qu'elle avait chassé le trop plein.
Après une dispute avec l'homme qu'elle croyait aimé, elle avait décidé de faire table ras de tous ceux qu'elle ne pensait sûrement plus revoir.
Elle ne pouvait même pas promettre de passer du temps avec tous ces gens.
Elle ne gérait déjà pas sa propre vie, comment pourrait-elle être au petit soin pour eux ?
Ce n'était pas de l'égoïsme, à l'époque, c'était même un dégoût d'elle-même.
De ce qu'on lui avait fait penser de sa propre personne.
Elle avait même cessé toutes les démarches qu'elle avait entreprises. Elle ne supportait pas l'idée d'être un fardeau.
Trop indépendante depuis son plus jeune âge, avait-elle grandit trop vite et griller trop d'étapes ? Bien évidemment.
Mais elle souhaitait changer quelques petits détails.
Bien sûr, comme à son habitude, à petite échelle et en prenant son temps.
Elle ne conciliait déjà pas correctement son métier et sa vie de famille, elle ne pouvait pas tout effacer en un seul claquement de doigt.
Elle aurait dû s'y prendre plus tôt mais bloquée dans sa bulle où elle se confortait, il ne lui avait pas été possible de se reprendre en main.
En se faisant remarquer un peu sur internet, elle avait pensé qu'elle ferait un peu parti de ces autres.
Encore une fois, elle avait choisit la voie de l'irréel pour se réconforter.
Ce n'était pas une brillante idée, bien au contraire. Même là, elle avait attisé haine et railleries. Mais bien plus encore...
Car après quelques mois de connexion intensive, elle commença à entendre de drôles de choses. Il y avait des voix.
Quand elle était chez elle, elle avait l'impression d'entendre des réflexions désobligeantes.
Elle en avait l'habitude quand elle était dehors, elle avait subit, depuis le mariage de son ex amant, une sorte d'harcèlement de rue.
Elle s'était accommodée de la bassesse des habitants de sa ville, de leur mépris, de leur immaturité, de leur inculture.
Elle n'était même plus étonnée de ça.
Mais là, ces voix semblaient sortir de nul part et partout à la fois.
Dans sa salle de bain, dans son salon, dans sa cuisine... même au bureau à son travail elle avait la sensation d'entendre des petites phrases piquantes.
Des murmures, des chuchotements...
C'était différent, elle ne les entendait pas dans sa tête.
Elle n'en était pas effrayé au début.
Elle se demandait d'où cela provenait.
Il y avait tellement de rumeurs dans ce taudis de ville où elle habitait qu'elle s'était même demandée si il ne s'agissait pas de ses voisins.
Mais ce n'était pas possible puisque ces voix elle les percevaient aussi à l'extérieur de son domicile.
C'était toujours les mêmes, bien distinctes.
En lisant, on pourrait penser à des signes de schizophrénie.
Car après tout, elle était dans l'âge, elle avait eu des chocs émotionnels auparavant et un passé décadent.
Mais elle n'avait pas de crise particulière, pas de vrais moments de paranoïa.
Son entourage et ses collègues n'avaient pas vu de différence.
Son enfant ne voyait pas de changement soudain de sa mère.
Ce n'était pas des instants de délires si je peux dire.
Elle se sentait écouté et tout ce qui pouvait aller de travers étaient soulignés par ces deux voix.
Des tas de commentaires désagréables et réguliers.
Un soir, comme quotidiennement, elle se dirigea vers sa cuisine, puis elle entendit l'une des voix dire :
"En plus son fils s'appelle Johnny"
Autour d'elle, à part son fils, Gianni, il n'y avait personne.
Ses voisins, ne semblaient même pas être chez eux.
Elle regarda dans ses mains et compris.
Cette phrase sortait de son téléphone portable. Elle se rappela de toutes les fois où elle avait cru entendre ces deux commères parler.
Au parc de la mairie, où elle écoutait la musique qu'elle avait créer sur un logiciel gratuit.
A son bureau, quand elle s'était levé pour rejoindre les sanitaires.
Dans sa salle de bain, quand elle prenait son temps le weekend.
A ces soirées quand elle chantait en duo avec une très bonne amie où elle avait eu la sensation d'avoir affaire au jury d'une émission télévisée musicale.
Au jour où son ex compagnon était venu pour emmener leur enfant en vacances.
Au magasin de proximité où elle avait l'habitude d'écouler ses tickets restaurants.
Près de son oreiller, quand elle tentait tant bien que mal avec des ennuis plein la tête de s'endormir.
Il n'y avait plus de doute, son téléphone avait été hacké et elle était espionnée. Par qui ? Pourquoi ? Comment ?
Au premier abord, elle ne se posait pas vraiment de questions. Elle se demandait si tout cela était bien réel. Si ce qui lui était arrivé précédemment était en lien.
Oui, après avoir posté quelques commentaires sur les réseaux sociaux, elle avait pu croisé à deux pas de chez elle, une célébrité.
Elle avait aussi été au centre d'une rumeur annonçant la venue d'une voiture de police américaine devant son domicile. Fait qu'elle n'a jamais pu vérifier, ni démentir, puisqu'elle ne savait rien.
Tout était tellement incongrue, sans véritable sens, tout semblait tellement fou ces derniers temps, qu'elle ne savait pas vraiment si il fallait faire un lien ou non.
Ces inconnus s'amusaient de sa petite vie, s'amusaient de ses passions, des rumeurs qu'il y avaient sur elle.
Ils aimaient lui faire croire qu'ils travaillaient pour la célébrité venue dans sa ville. S'intéressaient au ragot concernant la voiture de police.
Maintenant qu'ils avaient été entendu, ils fallaient pour eux se sortir de cette situation.
En menaçant, rabaissant, humiliant.
En laissant imaginer qu'elle allait mourir, disparaître, se faire enlever.
En se moquant de sa situation, de ses proches, en détaillant chacun de ses faits et gestes.
D'abord prise de panique, cette femme commença à penser qu'elle devenait folle.
Ils disaient être tout proche, savoir où elle habitait. Elle suspectait chaque personne qui était près d'elle.
Elle eu l'impression de vivre une vraie journée de cavalcade quand elle fêta l'anniversaire de sa sœur dans un grand parc d'attraction.
L'une des voix, celle au sonorité plus grave, imitait même son rappeur préféré.
Enfin, essayait de lui laisser penser que cet américain lui parlait.
Mais ça, elle eu un peu de mal à l'admettre, et le mauvais anglais de cet inconnu, lui mis la puce à l'oreille.
Au écoute des menaces, elle ne savait pas vraiment si elle devait aller porter plainte ou non.
Si la situation allait s'aggraver ou non.
Elle se disait même qu'ils allaient s'en aller d'eux-même maintenant qu'elle avait découvert leur existence dans son téléphone tactile.
Que nenni, chaque matin, elle les entendait. Alors elle rentra dans leur jeu.
Je vous l'ai déjà dit, elle n'a jamais eu peur de personne. Ce ne sont pas ces deux êtres intrusifs qui allait lui faire changer d'avis.
Elle pensa qu'en leur montrant ce qu'ils espéraient, peut-être, elle aurait la paix. Mais non.
A force, elle se lassait d'eux.
Elle n'avait pas envie de leur faire de spectacle continuel. Elle avait envie d'être tranquille chez elle, de pouvoir écouter, regarder, dire ce qu'elle veut.
De pouvoir partir en improvisation de rap dans sa cuisine sans être entendu.
De pouvoir dessiner sur son téléphone calmement sans être regarder.
De continuer à commenter et apprécier ses artistes favoris sans être juger.
Rien à faire, chaque jour, chaque nuit, à son lever, à son coucher, quand elle descendait en pleine nuit pour se griller une cigarette, ils étaient là et sont toujours présents actuellement d'ailleurs.
Comment je le sais ?
Cette femme, c'est moi; ce téléphone, c'est le mien; cette histoire, c'est la mienne.
Pourquoi je n'ai pas dicté tous ces étranges faits à la police ?
Je vous l'ai dit, je ne fait rien comme personne.
J'ai tenté de les dissuader par mes propres moyens.
D'avertir la gendarmerie directement sur internet mais leur réponse ne fût pas si alarmante.
Est-ce que je suis effrayée ? Absolument pas, ils n'ont rien d'effrayant, ils sont juste un peu collants, voyeurs et indiscrets.
Est-ce que je suis en danger ? Peut-être puisqu'ils aiment dire qu'ils vont m'abattre d'une balle dans la tête ou envoyer une lettre à la protection de l'enfance pour se venger.
Venger de quoi ? D'avoir été pris sur le fait, d'avoir été "humilié" en direct dans la zone commentaire d'une photo posté par une célébrité.
Je n'ai que faire de ces deux là. Je n'ai que faire de ce qu'ils pensent sincèrement. Je suis rodée de tout ça maintenant.
Advienne que pourra.
Ce que je compte faire là, maintenant ?
Publier ce long texte publiquement pour laisser des preuves et un reste de ce récit improbable.
Ceux qui me liront penseront sûrement que je suis mythomane, bonne à être enfermé à l'asile ou totalement inconsciente.
Il est vrai que je suis un peu borderline mais comme à chaque fois, je le sais.
Par contre je ne vous ment pas !
Concrètement, le problème, cette fois, ne vient pas de moi.
Le problème c'est qu'ils sont deux de trop...
Quelle force !
· Il y a plus de 4 ans ·li-belle-lule