DIALOGUE
amisdesmots
Tu dors ?
Pourquoi dormir ? Ça ne sert à rien, et puis il y a tant à faire.
À faire ?
Oui, sans doute, mais rien d'indispensable. Rappelle-toi chaque jour que nous allons tous au même endroit.
Tu veux parler de la fin, c'est ça ?
Ben oui, et quand bien même, c'est une raison supplémentaire pour ne rien perdre du temps qui nous reste.
Ça me fait penser à une chanson de Reggiani et aussi à ce très beau film que nous avons eu l'occasion de voir tous les deux au cinéma. À la fin, nous pleurions à chaudes larmes, tu te souviens ?
Tu appelles ça un beau film ? Ouais… Moi je dirais plutôt que c'est un film démoralisant qui fout le bourdon. Donne-moi un peu de couette, j'ai froid.
Moi j'aime bien regarder tes reins et tes fesses presque nues. Tu as froid aux fesses ?
Laisse-moi ! Je n'ai pas la tête aux cabrioles. Enfin, on dirait que tu as déjà oublié, j'ai enterré maman il y a une semaine.
Paix à son âme, la pauvre femme. Mais tu sais, si ça se trouve, elle est plus heureuse là où elle est. Elle n'a plus tous ces médicaments à prendre, ni à chercher où elle a mis la vaisselle. Tu l'as dit toi- même plusieurs fois, vivement que tout cela soit terminé, c'est un vrai calvaire pour Papa.
Papa ? Oui, c'est vrai, il en a bavé mon papounet. Qu'est-ce qu'il a essuyé comme insultes en tout genre. Elle était méchante vers la fin. Maman ne contrôlait plus rien de ce qui faisait d'elle un être social.
Moi au moins, je n'ai pas eu à subir ce genre de maladie. Mes parents sont restés conscients jusqu'au bout et c'est ma sœur qui me donnait des nouvelles. Peut-être que…
Quoi ?
Peut-être que certains êtres sont faits pour affronter la mort brutalement, alors que d'autres vivent leurs derniers instants sans s'en rendre tout à fait compte.
C'est une drôle d'idée ! Tu crois que lorsqu'on meurt et que l'on est atteint d'une maladie d'Alzheimer, on n'est conscient de rien ? Peut-être que le cerveau a déjà entamé sa mue et qu'il s'est transformé en bouillie.
Arrête, c'est horrible. En tout cas, moi, je ne voudrais pas finir comme elle. Je voudrais terminer mes jours proprement dans mon lit, d'une crise cardiaque, avec le cul propre.
Le cul propre ?
Ben oui, qu'on ne soit pas obligé de me nettoyer, parce que la trouille me fera chier et pisser dans mon froc.
Tu es ignoble ! Ce sont des circonstances humaines, ceux qui accompagnent les mourants sont habitués à ces désagréments.
Il n'empêche, tu dis ça, mais un jour, lors d'une émission télé, j'ai entendu un chirurgien qui se plaignait vertement parce que son patient avait fait dans le lit. Il a dit : « Putain, il a chié, le gros…. » Tu te rends compte ? Comment un homme instruit peut sortir une telle monstruosité. L'émission, c'était sur le droit des malades au respect et à toutes ces notions. Le chirurgien avait le visage flouté : moi, à la place du cameraman, je l'aurai affiché. C'est pour cette raison que je voudrais pouvoir mourir proprement, sans agoniser pendant des jours.
J'ai froid ! Tu me donnes froid avec tes mots. Mets ta main sur mes seins, j'aime bien lorsque tu les soupèses comme un vendeur de fruits.
Oui, tu as raison, essayons de dormir maintenant, on verra bien ce qu'il adviendra de nous.
Embrasse-moi !
AMISDESMOTS
Terrible mais tellement réaliste, l'on ne voudrait pas finir comme cela. On sait qu'il y a des soignants inhumains dans les hôpitaux ! Certains sont trop blasés de la souffrance des gens, mais c'est inadmissible, d'ailleurs ils ne savent pas ce que la vie pourrait leur réserver ! ça me rappelle deux anecdotes : L'une, il y a longtemps, je venais d' accoucher. A un moment donné, je passe dans le couloir près de la pièce ouverte où les infirmières buvaient leur café. L'une dit : "C'est moi, aujourd'hui le lavage de c.." cela m'a profondément choqué, et il y a 36 ans de cela ! Je veux bien comprendre que c'est une ambiance spéciale mais ils pourraient au moins avoir le tact de faire attention, sachant que l'on peut très bien les entendre.L'autre : je vais voir ma mère, à l'hôpital, elle était bien âgée. J'étais dans la chambre depuis 5 minutes à peine qu'une femme à l'allure très revêche vint me prévenir qu'on l'emmenait pour des examens. Pas même un bonjour, désagréable. Je revois ma mère à l'ascenseur...c'était la dernière fois que je la voyais vivante, mais j'était à "cent lieues" de l'ignorer...Le lendemain, lorsque je suis revenue, elle venait de s'éteindre ... J'en veux encore à cette femme qui me l'a enlevée sans un soupçon d'humanité ! Aucune excuse, même si elle avait des problèmes, on en a tous !
· Il y a plus de 8 ans ·Louve
Correction : J'étais à cent lieues de M'EN DOUTER
· Il y a plus de 8 ans ·Louve