Dieu y pourvoira.

Christophe Hulé

- Tu y crois toi au coup de foudre ?

- Ben oui, des yeux bleus, un menton carré, un petit nez en trompette,, un cou de cygne avec une veine saillante, tellement sexy !

- Tu sais que tu es un vrai poète.

- Arrête de te moquer, tu sais comme moi que ce ne sont que des clichés lamentables. Choisir l'âme sœur comme on choisit son steak sous cellophane.

- Et alors ? Les clichés bien à propos et bien ordonnés, c'est aussi de la poésie.

- Tu théorises pas mal. T'aurais pu être critique ou mécène. Enfin, pas mécène, c'est fric et frime.

- Pourtant, à une époque, les mécènes étaient de grands hommes. Ils régnaient sur des territoires instables et avaient besoin de s'entourer de poètes, d'artistes et d'érudits, pour échapper à la barbarie ambiante.


- C'étaient aussi des barbares qui essayaient d'oublier le sang sur leurs mains. La culture et la bénédiction du prêtre pour faire avaler la pilule (avec l'hostie) au peuple misérable.  

L'ennemi, bien identifiable, sur les vitraux, les gargouilles, les affiches et j'en passe. L'ennemi, le vrai méchant, le responsable de toutes les misères du peuple. Égorgeons,mes frères, mes fils, mes simples d'esprit.

Les patrons mangent des huîtres et les mineurs se ramassent à la pelle , quand il en reste quelque chose, les mioches s'esquintent 12 heures par jour, au bas mot. Je mets tout au présent car les multinationales font pareil. Tous les supports sont bons à prendre : le prêchoir, le prétoire, le perchoir, les réseaux « bestiaux, que sais-je encore ?

- Là c'est pas gai,c'est pas de la poésie.

- M'en fout. On a le choix de s'engraisser comme des porcs dans nos cuirs. On peut sortir et s'enivrer des parfums de la compassion , de l'empathie comme on dit, qui nous coûte si peu. Est-ce que l'engagement rend plus heureux, n'est-ce pas une posture (une imposture) ? On n'échappe pas à son milieu, même quand on se donne comme idéal de le détruire.

- Parfois je pense à la réincarnation. On promet le paradis à ceux qui souffrent. Mais j'imagine que si l'on est heureux on sera réincarné quelque part, dans des pays où on crève de faim et on se fait tabasser tous les jours.

- Peut-être que l'infini est trop beau pour nous. De la confiture aux cochons. Peut-être que l'on reprend les mêmes et on recommence à jamais. Nos lointains ancêtres sont forcément réincarnés de nos jours. Sinon comment expliquer que les mêmes conneries se répètent ?

-T'as pas tort. C'est vrai que même si on arrivait à créer d'autres colonies sur Mars ou ailleurs, le résultat serait le même. Et l'amour ? c'est quand même l'essentiel. 

- L'amour est une anomalie, ça colle pas. On dit que l'amour est le plus fort, que le Dieu miséricordieux (je déteste ce mot) y pourvoira. En attendant, combien de génocides, de torture, de haine institutionnalisée, de populations affamées, empêtrées dans les conflits,entre deux pluies d'obus. Que certains passent entre les gouttes, ceux -là sont les élus. Les charniers médiatisés pourront toujours occuper l'espace médiatique, faute de petites phrases de nos politiciens de séries américaines.

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