Dites-moi...
rena-circa-le-blanc
Je voudrais avoir votre avis là-dessus…
Je travaille dans l’école de mon village, pendant les mercredis, le temps méridien et le temps périscolaire. Plus précisément, je fais l’aide aux devoirs, la garderie et le centre aéré. Je travaille en tant que service civique volontaire, en compagnie de quelques autres jeunes de mon âge qui ont un contrat du même type que le mien, ou qui ont un contrat de « bouche-trou », c'est-à-dire qu’ils sont là uniquement les jours où l’on a besoin d’eux, s’ils sont dispos.
C’est la première année que je travaille en tant que service civique, mais en tout, cela fait déjà trois ans que je connais quasiment tous les enfants de cette école. Donc je suis en quelque sorte la confidente de certains en particulier. Or, depuis un certain temps, quelques enfants viennent se plaindre que les autres animatrices sont, je cite, « méchantes » avec eux. J’ai plusieurs fois tenté de leur dire que c’était sans doute parce qu’elles étaient fatiguées, parce qu’ils ne sont pas des monstres, mais ils ne sont pas faciles pour autant. Moi aussi, parfois, je perds un peu le nord et crie contre eux plus que je devrais.
« Mais toi t’es pas méchante » me disent-ils. « Quand tu nous crie dessus, c’est parce qu’on a fait une bêtise… »
Alors en effet, je ne suis pas du genre à leur dire « casses-toi, tu me fais chier » tout d’abord parce que les enfants ne me font pas chier, et puis de toute façon parce qu’on est censés leur apprendre à se comporter de façon correcte en société, donc c’est à nous, adultes, de le faire les premiers. J’avoue, je lâche parfois un « putain » ou deux, mais jamais contre les enfants, toujours pour exprimer un sentiment de joie ou de colère. Ils savent que ce n’est pas contre eux.
Et je pensais que les personnes avec lesquelles je travaille étaient du même genre. Il y en a bien deux qui sont irréprochables à ce niveau-là. Sur une équipe totale de huit, je trouve que c’est un peu léger.
J’imagine bien que chacun d’entre nous a son comportement et ses habitudes linguistiques et physiques. Cependant, je ne pense pas que cela soit justifiable pour tout. Et je ne pense pas être parano puisque cela n’arrive pas qu’à moi. Lundi soir, avant de fermer la porte de la salle des primaires, je demande « est-ce que quelqu’un va venir faire le ménage ? » pour savoir si je dois laisser la salle ouverte ou non, puisque de temps à autres, une autre service civique, qui est payée à faire le ménage, passe après nous. Contre toute attente, au lieu de répondre gentiment « non je ne crois pas » ou « oui, elle viendra après », l’une des filles avec qui je bosse me sort brutalement « ouais, c’est toi ».
Disons que ça m’a choquée sur le coup, parce que je ne suis pas aussi… virulente avec les autres. Cette fille était l’une de celles qui m’ont été décrites par les enfants comme étant méchantes avec eux. Donc je sais que c’est sa nature d’être un peu abrupte dans ses paroles.
Ce n’est là qu’une partie de l’histoire. Je voudrais surtout parler de ce qu’il s’est passé ce soir en compagnie de mes collègues. Ayant rendez-vous demain avec une amie de longue date que je n’ai pas revue depuis très longtemps, elle m’envoie un message dans lequel elle me dit qu’elle est toujours libre pour notre heure de rendez-vous. Elle a aussi noté qu’elle veut se débarrasser d’un poster (de Pulp Fiction) et me demande si j’en veux. Les posters de films n’étant plus trop mon délire, je me dis que je vais en faire profiter tout le monde, on ne sait jamais si l’un de mes collègues aime bien ce film. Donc je leur demande.
Excepté les deux filles qui ne sont pas du genre à dire de gros mots devant les enfants, ou à s’énerver pour un rien, tout le monde – mon boss compris – me rit au nez. J’entends même un « je le mettrai dans mes chiottes » et un « je me torcherai le cul avec ».
J’ai appris à ne pas tenir compte de e genre de remarques, parce que je sais que ce n’est pas forcément dressé contre moi, mais j’accuse le coup et répond que c’était pour aider. Que s’ils n’en veulent pas, ils n’ont qu’à dire tout simplement non. Je décide de partir, dis au revoir sans avoir de retour, comme d’habitude, et me dis simplement que demain, tout le monde aura oublié.
Ayant passé le portail de la cour d’école, je vois une petite fille qui pleure, adossée au mur non loin. J’aime les enfants, c’est pour ça que j’ai passé mon BAFA et que mon travail « d’étudiante » consiste à m’en occuper, sinon j’aurais fais autre chose. Alors, un peu triste pour elle, je m’approche et lui demande ce qu’elle a. elle me répond qu’elle aurait voulu jouer plus longtemps avec sa copine, mais que sa mère ne veut pas. Je la console comme je peux, jusqu’à ce que mes collègues arrivent ; l’une s’approche de moi et me demande ce qu’a la petite. Je lui réponds, elle me regarde avec de grands yeux et me sort :
_ T’en as rien à foutre, t’es pas sa mère, c’est à sa mère de s’en occuper !
La phrase me choque, on est censés les soutenir, on est censés les consoler, on est les grands. Si sa mère n’est pas là, qui doit s’en occuper ? Personne ? On la laisse dans la merde et toute seule ??? Alors là je réponds un peu plus fort que de raison :
_ Non, j’en ai pas rien à foutre. Je n’aime pas voir un enfant triste, alors non, j’en ai pas rien à foutre.
A vrai dire, je ne sais pas ce qu’elle a répondu, parce que c’est à ce moment que la mère de la petite est arrivée, et que je suis partie en vitesse, histoire de ne pas avoir à entendre ce que l’autre animatrice avait à répondre. Il y a une différence entre faire de l’alimentaire et faire du fric ! Si t’en as rien à foutre de savoir qu’un gosse pleure, c’est juste que t’es pas fait pour bosser avec des gosses. Si t’es dégouter à la vue de la bave, du vomi ou du caca d’un enfant, alors c’est simple : changes de job ! Et c’est pas parce que tu as passé l’enceinte de l’établissement que tu ne peux pas te rendre serviable ! Je n’avais pas envie de m’attarder, et pourtant, je l’ai fais pour consoler la petite. Je pense que cela n’a pas servi à grand-chose, mais j’aurais au moins essayé.
Durant trois ans, j’ai pu voir trois équipes se chevaucher. Et je peux dire que celle avec laquelle je travaille en ce moment est de loin la plus mauvaise. J’ai beaucoup aimé travailler avec les deux autres équipes, et celle de l’an dernier était particulièrement géniale. L’an précédent, j’étais persuadée que tout ce que disaient mes collègues était contre moi, puisque je connaissais la moitié d’entre eux depuis l’école, avec la mention « Rester éloignée de cette personne » au dessus de leur tête. J’ai toujours été une fille renfermée, timide et solitaire. Mais je n’ai jamais supporté qu’on parle mal de moi ou qu’on me fasse du mal, moralement surtout. Généralement, je reste plus encore dans ma bulle, je me crispe et deviens fermée à toute communication avec le reste du monde.
J’ai réussi à surmonter cette frousse de l’autre, mais la petite vois de la méfiance reste toujours dans ma tête, à me conseiller de ne pas trop me mêler à eux autres, sous peine de me voir, encore une fois, humiliée comme je l’ai été tant de fois dans mon enfance.
Ainsi je voudrais savoir, suis-je paranoïaque ? Ai-je pris la bonne décision ? Devrais-je m’affirmer plus encore ???
Merci beaucoup de votre soutien ! Je suis contente de voir que je ne suis pas "parano". Ca me touche beaucoup. Je vais pouvoir continuer de travailler sans avoir à me soucier de leurs remarques.
· Il y a presque 13 ans ·rena-circa-le-blanc
... je commente un peu longuement car ton texte me parle beaucoup, et bravo de l'écrire ! Je pense que si tu ressens cette impression de parano et que tu doutes de toi, c'est que tu es la cible de ce que l'on pourrait appeler de la maltraitance, voire du harcélement moral, et tu n'en es pas la responsable ! D'ailleurs tu le remarques fort bien les premières victimes ce sont les enfants. Personnellement je crois que le bien est supérieur au mal, donc tu dois t'estimer supérieure à ces personnes, et ce n'est pas facile ! Bon courage, c'est toi qui a raison !
· Il y a presque 13 ans ·Edwige Devillebichot
Ca me rappelle une phrase que me disait un ami : "Les gens gentils souffrent toujours", souvent c'est confondu avec "faible" ce que les gens gentils savent être faux, car il faut souvent bien du courage pour rester bon au milieu de toute cette haine et vulgarité. La cruauté est à la mode et c'est même un modèle de réussite (voir nos responsables). Les enfants ont beaucoup de chance de t'avoir, et je crois que les réactions de tes collègues ne font que cacher une grande jalousie de leur propre incapacité à aimer...
· Il y a presque 13 ans ·Edwige Devillebichot