04 - DJIN AU PUB CHEZ MAX-2
suemai
(...) Pas même le temps de répondre et v'lan sur la piste. Je me refais les pastèques, mais cette fois, avec témoins oculaires. Ils ont tous les yeux ronds comme des beignets et Djin salive du même coup; elle adore les beignets. Mais ça vous l'saviez déjà. On a beau dire, je suis un homme d'âge mur et sérieux, mais v'la la bosse qui remet ça. Un vrai cauchemar. Djin rigole et me fait du genou. Là c'est inhumain et je soupèse mes mots... J'allais m'effondrer lorsqu'un «petepetepete» se fait entendre. Un type, je dirais plutôt une montagne, entre. Un peu dans le style «Touche pas à ma bécane.» Il se pointe au bar, qui soudain se libère. Il retire son blouson. Ses bras, ben c'est de la grosseur de mes cuisses, tout en haut j'entends. Bon, difficile à imaginer, vu la bosse, je sais. Sur son t-shirt c'est écrit : «Faites pas chier l'homme.»[1] Ben là j'me plonge à fond dans les melons. Max tremblote. J'ai toujours su que ce n'était qu'une mauviette. Djin me ramène à notre table et se rend aux cotés du monstre. Rien pour la stopper.
— Hey, Hercule, t'es pas du coin toi, lui sert Djin, bien accoudé, les jambes légèrement écartées, comme dans les westerns.
Je repense aussitôt à ma collection des «John Wayne.» «Elle a fouiné de nouveau dans mes petits trésors» j'en rage… mais… c'est qu'elle va se faire buter. Là y'a plus de bosse. Max se ramène.
— Tu veux que j'siffle les keufs ?
— Non… non… elle va s'faire coffrer pour un tas de trucs… On attend.
Le méchant regarde Djin avec ce sourire à quatre dents.
— Ti-muscle, appelle-moi Ti-muscle, mam-zelle.
— Ah… c'est Grec ça Timus… lui retourne Djin toute souriante.
«Pas vrai, pas vrai, encore ces merdeux de reader'zzz» Le gars va la bouffer tout cru, faut que j'intervienne. Je me lève et je veux me rendre au bar. Je me prends les pieds dans le travers d'une chaise et me voilà pas mal sonné. Je me rassois.
— Hey!!! Une bouteille de whiskey pis deux verres, un pour ma copine, «hahaha»
— Hey musclor ! J'suis pas ta copine.
— T'es une pute ?
Djin lui balance son coude dans les cotes. Le mec se tord. Il la regarde un moment, l'air de ne pas vraiment comprendre. Le voilà méfiant... je le serais aussi.
— Max, la clé de la petite salle, demande Djin.
— C'est quoi ça, s'informe le type qui se masse à fond… les cotes je veux dire.
— Ben la petite salle… t'es joueur ?
— Ça dépend, t'as d'l'oseille ?
— Suis-moi, lui répond Djin.
— Quand ils reviennent de la salle de bain, le gars a les yeux ronds comme des beignets et Djin… bien, vous savez déjà.
Max ouvre la pièce sacrée. Dans un coin, un flipper, modèle «Tomcat» 1982, le nec plus ultra avec amplification quadraphonique. La fléchette. Les bilboquets (accrédités par la «FFBF Fédération Française de Bilboquet de Freestyle») et la célèbre table de poker, tapis vert, avec cendriers de contrebande.
— Tu as une préférence Timus ?
Le gars le prend mal, «Timus», mais décide de se la fermer. Là, je le comprends.
— Un poker ça te dis, un «Stud» à cinq, «high/low.»
— Ça m'va répond Djin. La mise ? Tu connais la mienne…
— 250 euros, c'est bon ?
— Ok.
— Max, tu distribue. Max… pas pisser ! Tu fais la donne.
Max se ressaisit et s'assoie, un jeu neuf entre les mains. Il demande à un des serveurs de lui ramener tous les jeux de cartes du coin. C'est l'empilage dans le cadrage de porte. Ça fait dans les trois étages. Merde, je me retrouve en dessous. Pour amuser la galerie, Djin offre des sucettes à la couleur des chaussettes de la clientèle. Naturellement, j'ai droit à une cerise toute foncée. Mais «comment se fait-il que Djin connaisse le poker ?» J'ose pas me répondre, le putain de… grr. Le pélo sort un cigare de sa veste. Djin le fixe. Il lui en offre un.
— C'est juste que t'es… que t'es… j'me comprends. Attrape, c'est un «Fugurado» à entonnoir de chez Conelli. Ça vaut bonbon. T'as intérêt à l'estimer, la grande !
— On dit «déguster», espère de rustaud. Pas capable d'utiliser les bons qualificatifs.
Je ne dis pas l'état du bonhomme. Il se lève enragé, mais Djin lui montre le coude. Il se rassoit.
— Tu veux une sucette, «Timus»
Le gars rie, faute de pleurer. Voilà Djin, bien adossée, un cigare à la bouche. Ne lui manque que le chapeau et les bottes. J'hallucine. Du «Leone» de classe. La partie débute. Timus dépose les 250 euros et Djin se lève dos à l'empilage. Elle ouvre son imper quelques secondes et reboucle. Le gars en bave. C'est le balconnet, que je me dis du coup, c'est le balconnet.
Jamais je n'aurais cru, Djin capable de se faire le type, mise sur mise. Un verre de whisky à chaque manche. Lorsqu'il veut voir le jeu, elle lui laisse reluquer ses nichons. Dernier jeu, Djin accepte le «quitte ou double»
Max distribue les cartes. Sa main tremble et les joueurs donnent des signes d'impatience. Djin consulte son jeu. Elle observe le motard et sourit. Le v'la couvert de sueur. Max met la main sur la carte mystère et, les yeux fermés, la retourne. Un «3». Là c'est «l'adagio» du vol de la mouche. Tout le monde reçoit les pieds de tout le monde en plein visage et Djin lance des sucettes un peu partout.
— Hey le «Timus» tu t'couches ?
— Attend voir la p'tite bonnette, tu vas nous faire la totale du nibard tout frais !
Le Timus étale une main pleine : «Trois rois et deux trois.» Il rigole et se cale dans sa chaise. Djin prend un air déconfit. Elle regarde à nouveau ses cartes, se tape deux whisky et, très doucement, déposent ses cartes sur la table. Un carré au valet. Je sens venir «l'allegro ma non tropo.» Le mec se lève les yeux fous et traite Djin de tricheuse, de pouffiasse, de putain, d'allumeuse, là il n'a pas tout à fait tort. Il casse tout dans la pièce, Max en pleure, mais on ne sait trop pourquoi.
— Ça t'fait 3500 balles l'cow-boy. T'aboule le pognon ou faut que j'te fasse la tirelire, lui lance Djin hargneuse.
«Je ne savais pas que Djin connaissait de tels mots.» Mon dieu, il va l'aplatir. Je lui crie de lui laisser tous les sous. Je me fais huer de tous les noms, y comprit de celui de «Chewing.» Ça y est, c'est la fin des haricots. J'pense déjà aux funérailles. Djin dans son cercueil, couverte de sucettes et de jeux de cartes. Un valet de cœur entre les mains. Djin retire son imper et passe des gants, d'un joli bleu ciel. L'avalanche s'écroule et des beignets tout frais apparaissent. Elle balance son pied dans les couilles du gars qui se plie en deux. Elle s'approche, lui relève la tête et lui descend un direct du droit et deux crochets du gauche. Le type s'étale. Là, je jubile tout détrempé, je me suis pissé dessus et les autres aussi. Ça forme un lac puant et tout visqueux. Le molosse repose au sol. Djin lui donne quelques baffes. Il ouvre les yeux et elle le laisse lui caresser la jambe. J'ai une envie folle de devenir un super-héros; c'est à moi ces trucs là. Du coup le mec retourne à son sommeil, un sourire heureux lui pendouillant au visage.
— Ça t'apprendra à te moquer de mon tout nouveau balconnet, s'écrit-elle.
On la regarde tous découragés. Finalement on couche la porte au sol, afin qu'elle puisse sortir. Son imper à la main, elle quitte la salle. Ils deviennent gagas et ils veulent tous la toucher, comme s'il s'agissait de «Lady Gaga....» Je hais «Lady Gaga....» alors là, c'est plus que définitif. Je m'interpose mais sans grand succès. Là je peux comprendre.
— Hey les mecs, on regarde mais on n'touche pas.
Elle repasse son imper et retourne au comptoir.
— Max, tu me sers une triple ration pour la route.
— Be... be… bi… bi… bi-e.... Bien, Djin. Il lui verse un plein verre.
S'adossant, elle demande à Max de composer le numéro de la préfecture. Elle se promène au travers des voyeurs et spécifie qu'ils ne l'ont jamais vu. Ça fait la file au dehors, comme s'il s'agissait d'un match de «Cassius Clay.» Elle reboucle l'imper, remet ses bottes et avant de quitter se rend au Juke-box. Elle sélectionne «Céline Dion», «God bless America», chanté au «Super Bowl» de 2003. Elle s'allume le dernier «Fugurado» du Timus, s'envoie le triple scotch et nous sortons. Nous roulons, la «deux chevaux» pédale au plancher.
— Djin, tu peux m'expliquer ? C'est encore ces foutus «reader'zzz» de mes deux.
— Du calme «Chewing» v'là une petite partie pour les frais des reader'zzz» comme tu dis, et pour le bonnet, ben c'est un «Ricardo», époque 1920.
Retour à la maison. Nous entrons. Djin rejoint aussitôt la chambre en sifflotant. Je m'offre une crise de "zombinie aigüe." Je sélectionne «Led Zepplin» je passe les écouteurs. Je mets en boucle «Stairway to heaven» et j'ingurgite des litres et des litres de «Limoncello.»
On en reparlera.
[1] Réplique empruntée au film «When Harry meet Sally.» de la regrettée «Norah Ephrom», grande pionnière des plus belles comédies sentimentales.
bein j'adore Led Zeppelin : stairwey to heaven". Djinn est un phénomène ! Je me la représentais dans un saloon, puis dans Casino Royale à plumer James Bond ;-) Elle sait tout faire en beauté et en couleur ! Tchin Djinn, faudra qu'on se fasse un poker un de ses 4 !
· Il y a plus de 8 ans ·Lulla Bell