Dormir cent ans

Jo Todaro

Le monde immonde crève et fait tout disparaître
Les rêves et les trêves, sautés par la fenêtre
Fou, je ne sais plus où sont cachés les miens
Peut-être pendus ou fusillés demain

L'histoire, les histoires me filent entre les mains
Fantôme de l'espoir, bien accroché à rien
Crochet trop tordu, un vieux clou tout rouillé
Peut-être pendu au fil de nos pensées

Je suis allongé avec mes camarades
Contraints de payer le prix des mascarades
J'ouvre mes grands yeux, encore fixer le ciel
Un instant si bleu, mais d'un bleu si cruel

Idiot, résigné, bête à manger du foin
J'ai tant espéré, ici il n'y a plus rien
J'ai encore la force, me tourne vers la terre
A défaut d'écorce, croque dans la glaise amère

Je suis si usé que mes larmes ont rougi
Mon cœur a séché et mon âme s'est enfuie
Ma peine va finir, je vais me sentir bien
Je vais m'endormir pour cent ans à Verdun

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